La défiance envers les médias s’accentue


L’enquête annuelle réalisée par l’institut Kantar pour le quotidien « La Croix » relève une dégradation accrue des relations entre le public et les supports d’information.


L’année 2016 n’a pas vu d’amélioration dans la confiance que les Français accordent aux médias. C’est en tout cas ce qu’indique l’enquête annuelle réalisée début janvier par l’institut Kantar pour le quotidien La Croix, sur un échantillon de 1 011 personnes majeures.

Tous les supports voient leur crédibilité baisser : 52 % des personnes interrogées ont confiance dans les informations qu’elles entendent à la radio (– 3 points sur un an), 44 % se fient aux journaux (– 7 points sur un an), 41 % à la télévision (– 9 points sur un an) et 26 % au Web (– 5 points sur un an).

Ces catégories ont leurs limites. De nombreux médias, comme Le Monde, sont présents sur différents supports, tandis que le Web mêle des médias aux profils très variés.

Mais la pente descendante est incontestable. Elle va de pair avec un intérêt en déclin pour l’actualité (64 % des personnes interrogées se disant intéressées, en baisse de 6 points) et une défiance envers les journalistes, dont 67 % des sondés jugent qu’ils ne sont pas indépendants des pressions des partis politiques et du pouvoir.

Cette relation dégradée entre les médias et le public est la conséquence, notamment, d’une évaluation parfois divergente des sujets dont il faudrait parler. Ainsi, l’affaire du « burkini », le braquage de Kim Kardashian, l’élection du président américain Donald Trump et la crise des migrants sont des sujets qui ont été trop couverts pour une majorité de répondants. A l’inverse, les affaires de pédophilie dans l’Eglise et la conférence de Marrakech sur le climat sont jugées insuffisamment traités.

Fractures

L’étude révèle aussi plusieurs paradoxes. Ainsi, les réseaux sociaux sont une source d’information qui progresse (+ 6 points, à 9 %) quand on veut approfondir un sujet. Mais 73 % des répondants déclarent ne pas avoir confiance dans les informations qui y circulent.

Les Français disent être conscients des risques inhérents à ces plates-formes : 83 % des sondés y ont déjà repéré des rumeurs et une nette majorité déclare toujours lire un contenu et vérifier son émetteur avant de le partager avec son réseau.

Malgré cela, la rémanence de certaines fausses informations testées dans l’enquête est importante : 39 % des sondés continuent de croire que l’Etat a réservé plus de 77 000 logements HLM pour l’accueil de familles de migrants ; 38 %, que des maires de province font venir des personnes étrangères de Seine-Saint-Denis dans leur ville en échange de subventions ; 36 %, que Hillary Clinton était gravement malade durant la campagne présidentielle américaine ; et 33 %, que les usines de charbon allemandes sont responsables des pics de pollution de décembre 2016 en France.

Ces paradoxes s’expliquent par les fractures que fait apparaître l’étude détaillée des résultats. Ainsi, sur Internet, les sites et applications mobiles issus de la presse écrite sont plébiscités par les cadres et les diplômés.

Mais les réseaux sociaux sont la principale source d’information des 18-24 ans et des employés. Plus troublant, au plan politique, les sympathisants du Front national sont les seuls à les privilégier comme source d’information (30 %), quand tous les autres favorisent les sites de presse.

« Désarroi des médias traditionnels »

« Le monde semble coupé en deux”, commentait le directeur de la rédaction de France Inter, Jean-Marc Four, lors d’une conférence de presse organisée, jeudi 2 février, pour la restitution de cette enquête. “D’un côté, ceux qui se tournent vers les médias traditionnels, au moins en cas de gros événement. De l’autre, une partie qui n’écoute plus, ne regarde plus, ne lit plus ces médias, et que ceux-ci ne savent plus comment atteindre.”

Une situation qui est liée, aux yeux du directeur général de BFM-TV, Hervé Béroud, à « la montée des populismes et des extrémismes », et qui enfante, selon lui, « un vrai désarroi des médias traditionnels ». « Faut-il avoir des éditorialistes d’extrême droite ou d’extrême gauche ? faut-il revoir les règles du temps de parole ? », interroge-t-il.

Plus largement, les rédactions se posent la question de leur présence sur le terrain et de la relation directe avec le public. « Est-ce qu’on capte bien ce qui se passe ? Est-ce qu’on sait entendre et se faire entendre ? », se demande Michèle Léridon, directrice de l’information de l’Agence France-presse.

Jean-Marc Four, lui, appelle à un rééquilibrage entre la place occupée par les éditorialistes et les commentateurs et celle du terrain ; il pense que le dialogue direct entre journalistes et public, de vive voix ou par les réseaux sociaux est une nécessité.

Source : Le Monde


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