Emmanuel Macron, la menace d’un président absolu


Le raz-de-marée était annoncé, les résultats du premier tour des législatives le confirment. Bénéficiant d’une abstention record, et peut-être de la résignation des électeurs, LREM est en passe de tout rafler, ne laissant aucune place à l’opposition.

Les électeurs sont-ils en train de donner au président de la République les pleins pouvoirs ? Selon les premières estimations, La République en Marche pourrait obtenir entre 390 et 445 sièges sur 577 à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour le 18 juin prochain. Le scénario était inimaginable ce 6 avril 2016, jour où Emmanuel Macron, encore ministre de François Hollande, lançait son mouvement En Marche! à Amiens. 14 mois plus tard, celui qui fut secrétaire général de l’Elysée, autant dire à la tête de l’Etat sans mandat démocratique autre que celui, par procuration de François Hollande, se retrouve assis à la place de ce dernier.

Nul n’aurait pu alors prévoir non plus l’effondrement du paysage politique traditionnel, et la quasi-disparition des deux grands partis qui rythmaient l’alternance depuis plus de 40 ans. Après l’«hyper-présidence» de Nicolas Sarkozy – caractérisée à vrai dire par une hyper-activité essentiellement médiatique –, puis le fiasco de la «présidence normale» de François Hollande, Emmanuel Macron est en passe d’inaugurer une présidence qu’on pourrait qualifier d’absolue.

Certes, ce n’est pas la première fois qu’un parti bénéficie d’une majorité écrasante à l’Assemblée. Lors des élections législatives de 1993, la droite avait pulvérisé le Parti socialiste (PS), ne lui laissant que 57 sièges. Mais l’existence même du PS n’était alors pas remise en cause. Il n’était alors qu’une question de temps avant que le mouvement mécanique de l’alternance ne le ressuscite. Une traversée du désert tout au plus, jusqu’en 1997, année de la dissolution maladroite de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac.

«Déparlementarisation» de l’opposition

Mais en 2017, l’irruption du mastodonte La République en marche (LREM) dans le magasin de porcelaine des vieux partis a changé la donne. Le parti présidentiel a tout écrasé dans sa course éclair, remettant en cause l’existence même des Républicains. Et surtout d’un Parti socialiste en voie d’implosion, complètement laminé au premier tour ce 11 juin, peut-être en dessous de la barre des 10%. Le Front national (FN), pourtant un temps dépositaire de l’envie de renouvellement d’un électorat lassé et déçu de sa classe politique, y a laissé des plumes. Emmanuel Macron et En Marche! ont, là aussi, raflé cette mise.

Même Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à tirer son épingle du jeu, avec seulement 11% des voix au premier tour, selon les premières estimations. Le scrutin uninominal à deux tours, peu représentatif des rapports de force réels, pourrait bien ne lui laisser que la portion congrue, voire des miettes, en nombre de sièges à l’Assemblée.

Pour l’heure, ni La France insoumise (LFI) ni le Front national, distancé par Les Républicains (LR), ne sont donc assurés d’avoir les 15 députés indispensables afin de pouvoir former un groupe parlementaire. Le PS et LR ont déjà renoncé, par anticipation, à constituer une réelle opposition à LREM. Plusieurs candidats, pourtant investis par le Parti socialiste, n’ont même pas attendu le terme des législatives pour se ranger sous la bannière de la «majorité présidentielle». A l’instar de Ségolène Royal, de Malek Boutih ou de Myriam El Khomri. Certains, comme Marisol Touraine, sont ainsi allés jusqu’à effacer toute référence au PS sur leurs affiches du parti auquel ils doivent souvent leur carrière politique.

A droite, Les Républicains semblent aussi avoir renoncé à incarner une opposition dure à Emmanuel Macron. Chargé de la campagne LR, François Baroin se livre certes à une critique pour la forme des mesures annoncées par Emmanuel Macron. Mais dans le même temps, le sénateur maire de Troyes tempère : «Personne ne veut bloquer le pays», déclarait-il le 28 mai 2017 dans Le Parisien. Et d’ajouter, dans le cas où ce ne serait pas assez clair : «On a connu des temps de cohabitation mais là, ce serait différent. Cela n’aura rien de conflictuel.» De quoi perdre les électeurs désireux de voter pour une force d’opposition réelle.

Pleins pouvoirs de facto pour un agenda à marche forcée

Un Front national affaibli, une opposition traditionnelle disposée à ne pas trop s’opposer… La situation est inédite. Malgré une base démocratique de seulement 18% des inscrits au premier tour de la présidentielle, en dépit d’une abstention record, Emmanuel Macron pourrait bien disposer d’un boulevard pour mettre en œuvre son programme, notamment en matière de «réforme» du code du travail. Mais le président veut aller vite, n’attendant pas même la fin des élections législatives pour se mettre au travail. Conscient peut-être que tel avant-projet de loi de lutte contre le terrorisme, lequel prévoit la normalisation de l’état d’urgence en l’intégrant dans le droit ordinaire, ne coûterait guère en termes de voix. LREM peut se payer le luxe de quelques députés en moins à l’Assemblée nationale.

Conscient aussi que la fenêtre de tir est étroite pour imposer des réformes, y compris par ordonnances, confinant l’Assemblée nationale au rôle d’une chambre d’enregistrement, peuplée de députés souvent novices ou dociles. Conscient enfin, sans doute, qu’un tel mastodonte parlementaire, en atteignant une taille critique, pourrait rapidement se scinder. En effet, les premières difficultés venues, les transfuges du PS et de LR qui ont endossé la casaque LREM pourraient bien réintégrer leur écurie d’origine.

Source : RT


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