La cryogénisation pour préserver des humains et des animaux commence aux États-Unis


Cryogénisation – la préservation des animaux et des humains à des températures ultra-froides est en plein essor aux États-Unis, malgré le prix minimum de 100 000 dollars.

Appelez le siège de Alcor à Scottsdale en Arizona, et vous êtes accueillis par un message enregistré. “Si vous souhaitez signaler la mort ou le décès proche d’un membre d’Alcor“, dit une voix gaie du Midwest, “appuyez sur deux s’il vous plaît”.

The Alcor Life Extension Foundation (Fondation Alcor d’extension de la vie) – pour lui donner son titre complet – possède une façade extérieure en béton grise assez banale qui ressemble à une succursale de la banque régionale. A l’intérieur cependant, se trouvent les corps ou les cerveaux de 138 personnes mortes, stockés dans des cuves d’azote liquide dans l’espoir que, à un certain moment dans le futur, le progrès de la science sera capable de les ramener à la vie.

C’est la cryogénisation – la préservation des animaux et des humains à des températures extrêmement basses. Et en Amérique, les affaires sont florissantes. Le mois dernier, Alcor a reçu sa 138e patiente : Du Hong, une chinoise, écrivain de science-fiction, qui est morte du cancer du pancréas à l’âge de 61 ans et dont la famille a contacté Alcor peu avant sa mort pour faire préserver son cerveau.

La congélation du cerveau commence à 100 000 dollars et est moins cher que l’option pour le corps entier, qui coûte plus de deux fois ce montant. Alcor, qui se décrit comme un organisme à but non lucratif, insiste pour que tous les frais soient directement investis dans les coûts de fonctionnement.

Cela peut ressembler à quelque chose tout droit sorti des pages d’un livre de science-fiction, mais les défenseurs de la cryogénisation insistent qu’ils se rapprochent d’une possibilité de la vie éternelle. “Il y a cent ans, si le cœur des personnes s’arrêtaient, elles étaient mortes”, dit Dennis Kowalski, le président de Cryonics Institut, qui se spécialise également dans la préservation cryogénique.

“Aujourd’hui, nous ramenons ces gens à la vie avec un défibrillateur. Qu’est-ce qui a changé ? Science, médecine.”

La cryogénisation consiste à refroidir une personne légalement décédée à la température de l’azote liquide où toute dégradation physique s’arrête. L’objectif est de préserver le plus parfaitement possible les tissus, les organes et le cerveau.

«Essentiellement, le concept est de “gagner du temps” jusqu’à ce que la technologie arrive et soit capable de réparer et de restaurer le corps humain», explique le site web Cryonics Institut.

Il y a eu quelques progrès notables récemment. En avril, la revue Nature Methods a publié un protocole par le Dr Shawn Mikula de l’Institut Max Planck de recherche médicale à Heidelberg, qui décrit son utilisation d’un solvant pour préserver entièrement un cerveau de souris à un ensemble de qualité cellulaire suffisamment élevé pour lui permettre d’être scanné.

Si un cerveau peut être numérisé, il peut, en théorie, être cartographié et téléchargé sur un ordinateur, ouvrant la possibilité d’une résurrection numérique.

Cependant, c’est un domaine inconnu. Si, hypothétiquement, nous imaginons que le cerveau de Du Hong pourrait être ramené à la vie, existerait-elle sous la même forme ? Serait-elle encore capable de parler le mandarin ?

“Oh mon Dieu”, dit Kowalski. Il y a une longue pause. “Voici ce que je pense : Je crois que chaque personne que nous avons ici peut être ramené dans la mesure où leur ADN est concerné. Quelle part de l’esprit pouvons-nous sauver est une question de variables, comme : avons-nous obtenu le patient assez rapidement ? Le plus tôt vous arrivez à la personne, le plus vous êtes susceptible d’avoir leur esprit.”

Kowalski, qui travaille comme auxiliaire médicale (son rôle à Cryonics Institut est non rémunéré), compare cela à quelqu’un subissant une attaque : plus rapide est l’intervention , plus il y a l’espoir d’un rétablissement complet. Mais il admet qu’une grande partie de cela est simplement des suppositions et une foi aveugle.

N’est-ce pas un petit peu, eh bien, bizarre ?

“Avant la première greffe du cœur, tout le monde trouvait ça un peu bizarre aussi,” dit-il. «Quand vous pensez à cela, vous pensez à Frankenstein, exacte ? C’est exactement ce que les gens pensaient des transplantations d’organes et pourtant regardez combien de vies ont été sauvées et enrichies par cela.”

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La salle d’opération Alcor.

Aux États-Unis, le désir de vivre pour toujours (et pour bien paraître tout en le faisant) a entraîné à la fois un regain d’intérêt pour la cryogénisation et une industrie anti-vieillissement en plein essor. Les dépenses en produits anti-âge devraient atteindre 292 milliards de dollars en 2015; 11 milliards ont été dépensés pour les traitements cosmétiques en 2012, selon American Society of Plastic Surgeons – une hausse de 5,5% sur l’année précédente.

“Nous voulons rester en vie aussi longtemps que possible”, explique Dave Kekich, le fondateur de Maximum Life Foundation, qui finance la recherche sur la guérison de maladies liées à l’âge. “Mais si cela ne fonctionne pas, nous voulons un plan B. C’est la cryogénisation”.

En fait, Kekich a signé pour l’adhésion Alcor et a l’intention de faire congeler son corps à sa mort. Il a aussi pris la parole lors d’une conférence Alcor ce week-end, un événement annuel ayant lieu à Scottsdale qui réunit jusqu’à 200 personnes. Parmi les autres orateurs, le président d’Alcor Max More et son épouse, Natasha Vita More.

J’essaye de parler à Max More, mais aucun entretien n’est prévu malgré plusieurs courriers électroniques et appels. Marji, chef de bureau d’Alcor (c’est sa voix sur le téléphone-répondeur), dit qu’il est trop occupé à préparer la conférence.

More est né à Bristol et a étudié à St Anne, Oxford, avant de se déplacer en Amérique en 1987 où il a été fortement impliqué dans la cryogénisation et le «transhumanisme» – un mouvement consacré à vaincre la mortalité et à devenir “au-delà de l’homme”.

Il se décrit comme un «futuriste stratégique de renommée internationale» et son site personnel affirme qu’il a commencé “un régime personnel de prolongation de la vie au début de son adolescence”. More a aujourd’hui 51 ans, il semble aller assez bien.

Et Alcor gagne plus d’attention de la part du grand public. Le mois dernier, il a fait l’objet d’un long article du New York Times qui raconte l’histoire poignante de Kim Suozzi, une femme de 23 ans atteinte d’un cancer terminal qui a choisi de préserver son cerveau et qui a soulevé les fonds nécessaires grâce à des dons en ligne.

La majorité des patients choisissent de souscrire à des polices d’assurance-vie d’Alcor ou de Cryonics Institut comme leur bénéficiaire. Certains sont assez riches pour couvrir leurs propres coûts.

Kowalski dit qu’il n’y a aucun patient typique – l’institut dispose actuellement de 135 patients, allant de jeunes enfants à des personnes de 90 ans. Ils viennent de partout dans le monde : le plus grand nombre sont des États-Unis, suivi de près par le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et l’Allemagne. Ils inclus des professeurs, des directeurs, des secrétaires, des étudiants et même des animaux de compagnie.

Mais pouvons-nous vraiment être dégivrés et ramenés à la vie ? L’auteur de science Michael Shermer a comparé l’idée au dégel d’une boîte de fraises congelées qui, quand dégivrées, se transforment simplement en bouillie liquide.

Le neurochirurgien Jiang Jiyao, qui a effectué la chirurgie du cerveau à de basses températures, a également des doutes. «Je ne peux pas imaginer ce qu’il va arriver au cerveau humain à cette température ultra-froide”, a-t-il dit à un site d’information chinoise en septembre.

“Les cellules cérébrales sont extrêmement vulnérables et sans approvisionnement suffisant en sang et en oxygène, des dommages irréversibles peuvent être causés en seulement quatre à six minutes à température ambiante.”

Et Michael Hendricks, un neuroscientifique et professeur adjoint de biologie à l’université McGill à Montréal, insiste que la technologie nécessaire “n’existe pas encore, même en principe”.

Kowalski est imperturbable. De toute façon, il insiste sur le fait que ça vaut la peine de prendre le risque : «C’est une expérience clinique auto-financée. Nous savons ce qui arrive au groupe témoin qui est incinéré et enterré. Nous ne savons pas ce qui va arriver au groupe expérimental qui a opté pour la cryogénisation. Mais nous avons leur ADN, alors voyons ce qui se passe“.

Quant aux sceptiques, Kekich a un plan rusé pour les convaincre. “J’aime informer les partisans de la cryogénisation de rester en vie aussi longtemps que possible”, dit-il, “afin qu’ils puissent faire autant de convertis que possible”.

Source : The Guardian


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