Le 1er août, nous vivrons à crédit : qu’est-ce que le jour du dépassement ?


Le jour du dépassement mondial avance de plus en plus : en 2018, il tombe le 1er août. Mais que signifie exactement cet indicateur au nom alarmant ? Comment est-il calculé et pourquoi est-il préoccupant ?

Le 1er août 2018, l’humanité vivra à crédit. Le jour du dépassement marque la date symbolique où les êtres humains sont supposés avoir consommé l’ensemble des ressources renouvelables que la planète est capable de leur prodiguer, en une année. À partir de ce jour, nous puisons de manière irrévocable dans les réserves naturelles de la Terre.

« C’est la date à partir de laquelle nous consommons trop de ressources renouvelables. Nous tapons dans le stock de bois, d’eau, d’absorption du CO2, ou de pêche », nous explique Thibault Turchet, juriste au sein de l’association Zero Waste France.

Comme tout indicateur, celui du jour du dépassement ne prend véritablement de sens que lorsque l’on comprend comment il a été créé, et la façon dont il est calculé. Cet « Earth Overshoot Day » a vu le jour en 2006, porté par l’organisation non gouvernementale Global Footprint Network. Mais son premier calcul a porté sur l’année 1991, avant d’être utilisé pour les années suivantes et précédentes. « Nous avons toujours utilisé la méthode la plus récente pour recalculer l’empreinte écologique de tous les pays depuis 1961 », nous précise Mathis Wackernagel, le fondateur et CEO de Global Footprint Network.

« Vous ne pouvez pas contrôler ce que vous ne pouvez pas mesurer »

Estimant que « vous ne pouvez pas contrôler ce que vous ne pouvez pas mesurer », l’ONG a établi un calcul qui permet d’établir que l’humanité aurait aujourd’hui besoin de plus d’une Terre pour continuer à subsister, au rythme auquel elle consomme les énergies renouvelables.

« Nous utilisons plus de ressources écologiques que ce que la nature peut régénérer à travers la surpêche, la surexploitation des forêts et les émissions de plus en plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère que ce que les écosystèmes peuvent absorber », précise l’ONG.

Un jour qui arrive de plus en plus tôt

Chaque année, la méthodologie de calcul du jour du dépassement évolue, permettant ainsi de mettre à jour les données. Global Footprint Network s’est d’ailleurs servi de ce calcul pour actualiser les années précédentes, comme l’indique ce graphique établi par l’organisation.

le jour du dépassement

Les précédents jours du dépassement mondial. // Source : Global Footprint Network

Pour calculer ce jour du dépassement, Thibault Turchet nous explique que l’ONG procède à une addition de la consommation mondiale des ressources : « On connait leur capacité à se régénérer, par rapport aux surfaces disponibles, au nombre de forêts dans le monde, aux grands pêcheries connues, ce qui permet de regarder si l’on consomme ces ressources de manière soutenable. »

Si vous aimez les formules mathématiques, voici celle qui permet à Global Footprint Network d’établir chaque année la date à laquelle va tomber le jour du dépassement.

J = B⁄E x 365

  • J représente le jour du dépassement (compté à partir du 1er janvier),
  • B représente la biocapacité de la Terre, c’est à dire sa capacité à produire une offre continue de ressources renouvelables, ainsi qu’à absorber les déchets liés à leur consommation,
  • et E représente l’empreinte écologique de l’humanité, c’est à dire la pression que l’homme fait peser sur les ressources naturelles (par exemples, quelles sont les surfaces nécessaires pour produire des ressources qu’une population va consommer).

Comme expliqué par Wikipedia, « il s’agit donc du rapport de la biocapacité sur l’empreinte écologique globale, ramené à une date de l’année ». Le choix d’une date n’est pas anodin : il est probablement plus marquant que si l’organisation avait décidé de calculer un pourcentage.

Il nous faudra bientôt deux Terres

C’est également sur la base d’un calcul similaire que l’on peut estimer le nombre de planètes Terre que l’humanité aurait besoin d’avoir pour subvenir à sa consommation de ressources renouvelables en un an. Estimé à 1,7 en 2017, il pourrait probablement dépasser 2 avant la moitié du vingt-et-unième siècle.

Le jour du dépassement peut également être calculé à l’échelle d’un pays : en France, il est survenu cette année le 5 mai. « Si le jour du dépassement d’un pays arrive plus tôt que le jour du dépassement mondial, cela signifie que ce pays à une consommation intérieure plus élevée que la moyenne mondiale », nous explique Thibault Turchet.

Si toute la population mondiale consommait les ressources renouvelables comme la France, « l’humanité commencerait à creuser son déficit écologique » à partir de ce jour là, comme l’explique WWF. Il faudrait 2,9 Terre à l’humanité si tout le monde vivait comme les Français.

le jour du dépassement

Le jour du dépassement, selon les pays en 2018. // Source : Global Footprint Report

Global Footprint Network encourage ainsi à repousser cette date de quelques jours : par le biais du hashtag #MoveTheDate, elle mène une campagne pour que le jour du dépassement se produise chaque année quelques jours après le précédent. « Si nous repoussions la date de cinq jour chaque année, nous n’aurions à nouveau besoin que d’une planète avant 2050 », nous confirme Mathis Wackernagel.

Par ailleurs, le calcul de cet indicateur ne doit pas faire oublier qu’il exclut une autre partie des ressources non renouvelables que nous exploitons sur la Terre, comme le pétrole.

Avancer la date de 5 jours chaque année permettait de ne plus vivre à crédit en 2050

Outre ces données non comptabilisées dans le calcul du jour du dépassement, la fiabilité de l’indicateur est parfois remise en doute. Comme le souligne Thibault Turchet, il « dépend des déclarations des différents États et des institutions publiques, qui doivent déclarer combien de ressources sont consommées ». Malgré tout, le juriste estime que « cet indicateur permet de donner une idée d’où nous en sommes dans la consommation de nos ressources ».

L’an dernier, 15 000 scientifiques ont déjà imploré l’humanité de réagir, assurant qu’il serait bientôt trop tard pour faire marche arrière et sauver les espèces qui peuplent la planète bleue.

« Ce serait comme vivre dans un vaisseau spatial où les systèmes de survie sont surexploités — parce, qu’en fait, nous vivons réellement sur un vaisseau spatial –. Nous pouvons en abuser pendant un certain temps, mais pas pour toujours », conclut le fondateur de Global Footprint Network.

Source : Numerama


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