La conscience : Le « fantôme dans la machine », ou rien de spécial ?


La science n’est pas encore parvenue à un consensus sur la nature de la conscience.

En tant qu’individus, nous avons l’impression de savoir ce qu’est la conscience parce que nous en faisons l’expérience quotidiennement.

Il s’agit de ce sentiment intime de conscience personnelle que nous portons sur nous, et du sentiment de propriété et de contrôle sur nos pensées, nos émotions et nos souvenirs qui l’accompagne.

Mais la science n’est pas encore parvenue à un consensus sur la nature de la conscience, ce qui a des implications importantes pour notre croyance dans le libre arbitre et notre approche de l’étude de l’esprit humain.

Les croyances concernant la conscience peuvent être divisées en deux camps. Il y a ceux qui pensent que la conscience est comme un fantôme dans la machinerie de notre cerveau, méritant une attention particulière et une étude à part entière. D’autres, comme nous, contestent cette idée et soulignent que ce que nous appelons conscience n’est qu’un autre résultat généré en coulisses par notre efficace machinerie neuronale.

Au cours des trente dernières années, la recherche neuroscientifique s’est progressivement éloignée du premier camp. S’appuyant sur des recherches en neuropsychologie cognitive et en hypnose, notre récent article plaide en faveur de la seconde position, même si cela semble saper le sentiment irrépressible d’être l’auteur de notre conscience.

Et nous soutenons qu’il ne s’agit pas d’un simple sujet d’intérêt académique. Abandonner le fantôme de la conscience pour concentrer les efforts scientifiques sur les mécanismes de notre cerveau pourrait être une étape essentielle à franchir pour mieux comprendre l’esprit humain.

La conscience est-elle spéciale ?

Notre expérience de la conscience nous place fermement à la place du conducteur, avec le sentiment que nous contrôlons notre monde psychologique. Mais d’un point de vue objectif, il n’est pas du tout évident que c’est ainsi que la conscience fonctionne, et la nature fondamentale de la conscience elle-même fait encore l’objet de nombreux débats.

L’une des raisons en est que nombre d’entre nous, y compris les scientifiques, ont adopté une position dualiste sur la nature de la conscience. Le dualisme est un point de vue philosophique qui établit une distinction entre l’esprit et le corps. Même si la conscience est générée par le cerveau – une partie du corps – le dualisme affirme que l’esprit est distinct de nos caractéristiques physiques et que la conscience ne peut être comprise par l’étude du seul cerveau physique.

Alex Byrne, du MIT, explique les fondements philosophiques de la position dualiste.

Il est facile de comprendre pourquoi nous pensons que c’est le cas. Alors que tous les autres processus du corps humain s’activent et palpitent sans qu’on y prête attention, l’expérience de la conscience a quelque chose d’unique et de transcendant. Il n’est pas surprenant que nous ayons traité la conscience comme quelque chose de spécial, distinct des systèmes automatiques qui nous permettent de respirer et de digérer.

Cependant, un nombre croissant de preuves issues du domaine des neurosciences cognitives – qui étudient les processus biologiques à la base de la cognition – remettent en question cette vision. Ces études attirent l’attention sur le fait que de nombreuses fonctions psychologiques sont générées et exécutées entièrement en dehors de notre conscience subjective, par une série de systèmes cérébraux non conscients, rapides et efficaces.

Voyez, par exemple, comment nous reprenons conscience sans effort chaque matin après l’avoir perdue la nuit précédente, ou comment, sans effort délibéré, nous reconnaissons et comprenons instantanément les formes, les couleurs, les motifs et les visages que nous rencontrons.

Considérez que nous n’expérimentons pas réellement comment nos perceptions sont créées, comment nos pensées et nos phrases sont produites, comment nous nous rappelons nos souvenirs ou comment nous contrôlons nos muscles pour marcher et nos langues pour parler. En d’autres termes, nous ne générons ni ne contrôlons nos pensées, nos sentiments ou nos actions – nous semblons simplement en prendre conscience.

Prendre conscience

La façon dont nous prenons simplement conscience de nos pensées, de nos sentiments et du monde qui nous entoure suggère que notre conscience est générée et contrôlée en coulisses, par des systèmes cérébraux dont nous n’avons pas conscience.

Notre récent article soutient que la conscience n’implique aucun processus psychologique indépendant distinct du cerveau lui-même, tout comme il n’y a pas de fonction supplémentaire à la digestion qui existe séparément du fonctionnement physique de l’intestin.

S’il est clair que l’expérience et le contenu de la conscience sont réels, nous soutenons que, d’un point de vue scientifique, ils sont épiphénoménaux : des phénomènes secondaires basés sur les machinations du cerveau physique lui-même. En d’autres termes, notre expérience subjective de la conscience est réelle, mais les fonctions de contrôle et de propriété que nous attribuons à cette expérience ne le sont pas.

L’étude future du cerveau

Notre position n’est ni évidente ni intuitive. Mais nous soutenons que continuer à placer la conscience à la place du conducteur, au-delà du fonctionnement physique du cerveau, et à lui attribuer des fonctions cognitives, risque de semer la confusion et de retarder une meilleure compréhension de la psychologie et du comportement humains.

Pour mieux aligner la psychologie sur le reste des sciences naturelles, et pour être cohérent avec la façon dont nous comprenons et étudions des processus comme la digestion et la respiration, nous sommes favorables à un changement de perspective. Nous devrions réorienter nos efforts vers l’étude du cerveau non-conscient, et non des fonctions précédemment attribuées à la conscience.

Cela n’exclut évidemment pas une enquête psychologique sur la nature, les origines et la distribution de la croyance en la conscience. Mais cela implique de recentrer les efforts académiques sur ce qui se passe sous notre conscience – là où, selon nous, les véritables processus neuropsychologiques se déroulent.

Notre proposition n’est pas satisfaisante sur le plan personnel et émotionnel, mais nous pensons qu’elle offre un cadre futur pour l’étude de l’esprit humain – un cadre qui s’intéresse à la machinerie physique du cerveau plutôt qu’au fantôme que nous avons traditionnellement appelé conscience.

Lire aussi : Des scientifiques disent avoir découvert la porte de la conscience dans le cerveau

Source : Big Think – Traduit par Anguille sous roche


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1 réponse

  1. Bruno dit :

    C’est dingue comme on peut parler beaucoup de ce que l’on ne connaît pas : c’est cela la conscience

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