Une startup spécialisée en mise sur pied d’interfaces cerveau-ordinateur annonce la pose du premier implant pour un patient US


Il pourra contrôler la machine par la pensée.

La manœuvre est censée aider un patient atteint de sclérose latérale amyotrophique à écrire par la pensée : une avancée majeure dans une industrie naissante. Synchron, la startup à l’origine de cette technologie, a déjà implanté ses dispositifs chez quatre patients en Australie. Ces derniers n’ont pas subi d’effets secondaires et ont pu effectuer des tâches telles que l’envoi de messages WhatsApp et des achats en ligne. Les développements en cours divisent néanmoins les observateurs sur la question de savoir si l’utilité desdits dispositifs permet de contrebalancer la potentielle dangerosité de la pose dans le cerveau.

Le 6 juillet, un médecin du centre médical Mount Sinai West de New York a posé un implant de 1,5 pouce de long, composé de fils et d’électrodes, dans un vaisseau sanguin du cerveau d’un patient atteint de sclérose latérale amyotrophique. L’espoir est que le patient, qui a perdu la capacité de bouger et de parler, pourra surfer sur le web et communiquer par courrier électronique et par texte simplement en pensant. L’appareil traduira ses pensées en commandes envoyées à un ordinateur.

La récente intervention était la première que la société a réalisée aux États-Unis, ce qui la place devant des concurrents, dont Neuralink d’Elon Musk. « Cette opération était spéciale en raison de ses implications et de son énorme potentiel », a déclaré le chirurgien qui l’a pratiquée.

Fondée en 2016, Synchron a attiré l’attention du domaine des interfaces cerveau-ordinateur parce que son dispositif, connu sous le nom de stentrode, peut être inséré dans le cerveau sans couper le crâne d’une personne ou endommager ses tissus. Un médecin pratique une incision dans le cou du patient et introduit l’endoprothèse via un cathéter dans la veine jugulaire, dans un vaisseau sanguin situé dans le cortex moteur. Lorsque le cathéter est retiré, l’endoprothèse – un fil métallique cylindrique et creux – s’ouvre et commence à fusionner avec les bords extérieurs du vaisseau. Le processus ne prend que quelques minutes, d’après les explications des intervenants.

Une deuxième intervention permet ensuite de relier l’endoprothèse par un fil à un dispositif informatique implanté dans la poitrine du patient. Pour ce faire, le chirurgien doit créer un tunnel pour le fil et une poche pour le dispositif sous la peau du patient, un peu comme pour un stimulateur cardiaque. L’endoprothèse lit les signaux émis par les neurones dans le cerveau et le dispositif informatique amplifie ces signaux et les envoie à un ordinateur ou à un smartphone via Bluetooth.

Bien que cela puisse effrayer certaines personnes, il s’agit d’une technologie bien moins invasive que la technologie de pointe actuelle, connue sous le nom de réseau d’Utah. Celle-ci nécessite que les médecins coupent le cuir chevelu et forent dans le crâne pour placer des aiguilles rigides dans le cerveau. Ces aiguilles sont ensuite reliées à un dispositif de la taille d’un citron placé sur la tête de la personne.

Cette technique néanmoins permis à des patients souffrant de graves handicaps de faire des choses remarquables, comme commander à des bras robotisés de leur apporter un verre d’eau. Mais ils n’utilisent généralement ces appareils que sous la supervision d’un hôpital, et le cerveau a tendance à former un tissu cicatriciel autour de l’appareil, ce qui dégrade les signaux recueillis par l’électronique au fil du temps.

Neuralink a travaillé à la mise au point d’un implant beaucoup plus petit et plus puissant qui pourrait être placé dans le cerveau par une procédure chirurgicale simplifiée assistée par un robot. Toutefois, cette technique nécessiterait également l’ablation d’une partie du crâne du patient et la société n’a pas encore reçu l’autorisation de procéder à des essais sur l’homme.

Les États-Unis ont des politiques plus strictes que l’Australie concernant ce type de procédures, et il a fallu des années de travail pour que Synchron reçoive le feu vert de la Food and Drug Administration. Le patient américain est le premier d’un essai de six personnes, financé à hauteur de 10 millions de dollars par le National Institute of Health et dirigé par Douglas Weber, professeur d’ingénierie mécanique à l’université Carnegie Mellon, et David Putrino, directeur de l’innovation en matière de réadaptation à Mount Sinai.

La technologie en est encore à ses premiers stades de développement, et l’essai est censé se concentrer davantage sur la façon dont le corps humain réagit à l’implant et sur la clarté des signaux cérébraux que sur les fonctions qu’une personne peut exécuter avec le dispositif.

Placé dans le cortex moteur, le stentrode utilise 16 électrodes pour surveiller l’activité cérébrale et enregistrer le déclenchement des neurones lorsqu’une personne pense. L’intensité du signal s’améliore avec le temps, à mesure que le dispositif s’enfonce dans le vaisseau sanguin et se rapproche des neurones. Un logiciel est utilisé pour analyser les schémas des données cérébrales et les faire correspondre à l’objectif que la personne tente d’atteindre.

Les personnes travaillant dans ce domaine ont l’habitude de vanter les mérites de technologies qui finissent par avoir des limites empêchant leur utilisation à grande échelle. Dans ce contexte, le patient américain a requis l’anonymat et a refusé de discuter de l’opération afin de ne pas promouvoir le dispositif Synchron avant d’en connaître les avantages et les inconvénients.

La puissance de calcul limitée de l’endoprothèse signifie que le dispositif ne peut pas traduire des phrases entières. Le patient porteur de l’implant doit plutôt choisir des lettres une par une sur un écran, et la technologie convertit ces pensées en commandes.

Néanmoins, les médecins et les chercheurs pensent que la technologie de Synchron pourrait conduire à des avancées majeures dans la manière dont les personnes souffrant de handicaps graves vivent leur vie quotidienne. « L’un des secrets cachés des technologies d’implants cérébraux testées au cours des deux dernières décennies est qu’elles n’ont jamais, une seule fois, permis une utilisation indépendante à domicile », explique un intervenant. Contrairement aux personnes équipées de réseaux d’Utah, les patients australiens de Synchron utilisent les appareils chez eux.

Le docteur Tom Oxley, cofondateur et directeur général de Synchron, espère implanter jusqu’à 16 stentrodes au cours de l’année à venir. Bien que la plupart des premiers implants soient destinés à des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique, on pense que la technologie devrait également profiter aux personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral, une lésion de la moelle épinière ou une sclérose en plaques, entre autres.

Le médecin titulaire d’un doctorat en neurosciences, a grandi en Australie et y a développé la technologie avant de transférer son entreprise à Brooklyn. Il espère que cette première procédure américaine montrera que l’opération est tellement similaire aux interventions existantes autour des stents et des stimulateurs cardiaques qu’elle peut être pratiquée régulièrement par des milliers de médecins.

Synchron a levé plus de 70 millions de dollars et compte parmi ses investisseurs Khosla Ventures et Max Hodak, l’ancien président de Neuralink. Thomas Reardon, un expert reconnu de la BCI qui a développé une technologie connexe dans une startup rachetée par Meta Platforms Inc. est également un investisseur.

L’approche non invasive de la société présente quelques inconvénients. L’endoprothèse étant placée dans un vaisseau sanguin, ses électrodes ne sont pas aussi proches des neurones que les implants développés par Neuralink, ce qui rend son signal moins clair.

Dans les mois et les années à venir, Synchron vise à réduire la taille de ses dispositifs tout en augmentant leur puissance de calcul. En cas de succès, la société serait en mesure de placer de nombreuses stentrodes dans chaque patient, dans différentes parties du cerveau, ce qui leur permettrait de remplir davantage de fonctions. Oxley espère que sa technologie contribuera à générer un flot de nouvelles données et de nouvelles connaissances sur le fonctionnement du cerveau et qu’elle pourrait conduire à des percées dans un certain nombre de troubles, y compris les problèmes de santé mentale.

Lire aussi : Des chercheurs veulent « implémenter » de la réalité virtuelle dans le cerveau humain

Sources : DeveloppezSynchron


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1 réponse

  1. Patrick dit :

    “Il pourra contrôler la machine par la pensée” et…. la machine pourra le contrôler également par la pensée en lui implantant les message administrés par celui qui gère la machine.

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