La France et l’Allemagne s’associent pour rendre la directive Copyright plus néfaste


En proposant une machine de censure de plus grande portée

Comme nous l’avons rapporté le mois dernier, les négociations sur la réforme européenne sur le droit d’auteur ont été interrompues après que les gouvernements des États membres n’ont pas réussi à adopter une position commune sur l’article 13, qui vise à obliger les plateformes Internet à installer des machines de censure qui filtrent automatiquement les contenus mis en ligne par leurs utilisateurs.

Les États de l’UE n’étant pas parvenus à un accord, la réunion finale du « trilogue », au cours de laquelle la loi devait être finalisée avec des représentants du Parlement européen, a dû être annulée. Beaucoup se sont réjouis de ce que les discussions aient été suspendues au niveau du Conseil, considérant cela comme un signe que la majorité des gouvernements de l’UE a enfin compris que les filtres automatiques du contenu mis en ligne étaient coûteux, sujets à de nombreuses erreurs et menaçaient les droits fondamentaux. Mais contrairement aux idées qu’on se faisant, ce n’est pas pour cette raison que les discussions ont été interrompues.

Comme vient de le constater Julia Reda, l’eurodéputée du Parti Pirate qui suit de très près les discussions sur la directive Copyright, la majorité des gouvernements de l’UE est favorable à l’article 13. C’est juste sur certains détails de l’article que les États n’ont pas pu s’accorder, mais un accord a finalement été trouvé afin que l’élaboration de la loi Copyright puisse suivre son cours.

Un accord nécessitait un compromis entre la France et l’Allemagne qui, en raison de leur influence, pouvaient créer une majorité. Les deux pays soutiennent en effet le filtrage automatique des téléchargements, mais ils ne pouvaient tout simplement pas se mettre d’accord sur les plateformes qui devraient être forcées de les installer.

Pour la France, l’article 13 doit s’appliquer à toutes les plateformes, quelle que soit leur taille. Et elles doivent démontrer qu’elles ont fait tout leur possible pour empêcher le téléchargement de contenu protégé par le droit d’auteur. Alors que pour l’Allemagne, l’article 13 ne devrait pas s’appliquer à tout le monde. Les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros par an devraient être exclues, afin de ne pas nuire aux startups et aux PME européennes de l’Internet.

Les deux géants de l’UE ont accepté de faire un compromis qui, selon Julia Reda, rend l’article 13 encore plus néfaste. Dans un document divulgué aujourd’hui, la France et l’Allemagne ont en effet jugé que toutes les plateformes à but lucratif doivent installer des filtres automatiques, sauf si elles remplissent à la fois les trois critères suivants :

  • elles sont accessibles au public depuis moins de trois ans ;
  • elles ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions d’euros ;
  • elles ont moins de 5 millions de visiteurs uniques par mois.

Toute plateforme à but lucratif qui viole un seul de ces critères est susceptible d’être sous le coup de l’article 13. Ainsi, selon Julia Reda, les sites commerciaux tels qu’Ars Technica et les forums Heise.de pourraient être contraints d’installer des filtres automatiques simplement parce qu’ils ont plus de 3 ans d’existence. Il en serait de même pour les réseaux sociaux de niche comme GetReeled, une plateforme pour les pêcheurs. Si elle a bien moins de 5 millions d’utilisateurs, elle a plus de 3 ans d’existence, et devrait du coup installer ces outils de censure.

« D’innombrables applications et sites qui ne répondent pas à tous ces critères devraient installer des filtres de téléchargement », estime l’eurodéputée. Ajoutant qu’en pratique, « tous les sites et applications où les utilisateurs peuvent partager du contenu seront probablement contraints d’accepter toute licence offerte par un titulaire de droit d’auteur, peu importe la sévérité des conditions, et indépendamment du fait qu’ils souhaitent ou non que le contenu protégé par le droit d’auteur de ce titulaire soit disponible sur leur plateforme, pour éviter l’énorme risque juridique d’être en violation de l’article 13. »

Un compromis ayant été trouvé entre la France et l’Allemagne, les négociations du trilogue visant à finaliser la nouvelle loi sur le droit d’auteur vont se poursuivre. Selon Julia Reda, la proposition franco-allemande ne devrait se heurter à aucun obstacle au Conseil de l’UE, et elle devrait être approuvée par ledit Conseil le vendredi 8 février, avant une dernière négociation en trilogue avec le Parlement le lundi 11 février. « Sans perdre de temps, des pressions énormes seront exercées pour parvenir à un accord global dans les prochains jours et adopter la loi en mars ou avril », dit-elle. La directive Copyright risque donc d’être adoptée dans son état actuel sans changement significatif, à moins que les eurodéputés, dont la plupart se battent pour être réélus, s’y opposent.

Lire aussi : Le Parlement européen approuve un projet de loi catastrophique sur le droit d’auteur qui menace Internet

Sources : Developpez.com par Michel GuillouxJulia Reda, Compromis franco-allemand


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