Comment l’industrie du sucre a payé des scientifiques pour manipuler l’opinion publique il y a 50 ans


Une publication récente dans une revue scientifique démontre que dans les années 1960, l’industrie du sucre a volontairement menti sur le risque cardio-vasculaire imputé aujourd’hui à ses produits. Depuis un demi-siècle, les conséquences ont été désastreuses.

« Dans les années 1960, l’industrie sucrière [américaine] a payé des scientifiques pour que ceux-ci minimisent le lien entre la consommation de sucre et les maladies cardio-vasculaires et pour qu’ils incriminent, au lieu de cela, les acides gras animés [notamment présents dans les graisses animales] » résume le New York Times à propos d’une publication dans la revue scientifique JAMA Internal Medicine le 12 septembre 2016.

Cette publication relate une analyse poussée de documents historiques découverts par un chercheur de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF). Les conclusions montrent qu’en 1964, un groupe commercial appelé Sugar Research Foundation (SRF), aujourd’hui Sugar Association, a versé de l’argent à trois scientifiques de l’université d’Harvard afin qu’ils publient en 1967 des travaux de recherche destinés à innocenter le sucre pour ce qui est des risques cardiovasculaires, et d’incriminer plutôt le gras. Les scientifiques auraient reçu 6500 dollars chacun, une somme correspondante à 50.000 dollars aujourd’hui, pour avoir à l’époque publié leurs mensonges dans le New England Journal of Medicine (NEJM).

Cette incroyable nouvelle laisse songeur, surtout qu’après ces publications frauduleuses, la communauté scientifique s’est focalisée sur les gras saturés et le cholestérol pour contrer l’obésité rapidement devenue une importante question de santé publique. Le documentaire Sugar Coated, sorti en 2015, évoquait déjà le même problème, comme le soutient sa réalisatrice Michèle Hozer :

« Dans les années 60 et 70, on a mis des limites sur la consommation de gras, mais pas sur le sucre et l’obésité a doublé et le diabète a triplé. C’est seulement maintenant, depuis les trois ou quatre dernières années qu’il y a une pression sur les politiques pour mettre une limite sur la consommation du sucre » expliquait-elle le 13 septembre 2016 dans l’émission Le 15-18 sur ICI Radio Canada.

Les conséquences sont lourdes, puisqu’en 50 ans, les organismes se sont habitués à consommer des aliments largement trop sucrés, contenant d’ailleurs un sucre de mauvaise qualité. Aux États-Unis, mais également partout dans le monde, les consommateurs ont été encouragés à réduire leur consommation en aliments gras, mais n’ont jamais été informés des effets néfastes du sucre.

Ce scandale est d’ailleurs aisément comparable à celui des lobbys des fabricants de cigarettes, ces derniers s’étant rendus coupables de corruption à l’égard de scientifiques pour mentir sur les réels effets du tabac sur la santé.

Enfin, Yves Gingras, chercheur en histoire et en sociologie à l’université du Québec à Montréal, estime à juste titre que :

« Si l’on veut que les scientifiques soient indépendants dans des recherches importantes pour la santé publique, ces recherches doivent être subventionnées par l’État. »


Source : SciencePost


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