La Chine veut que tous les commentaires sur les réseaux sociaux fassent l’objet de revue avant publication


Et attire l’attention sur la multiplication de mesures similaires à l’échelle globale.

La Chine peaufine sa machine à censurer en proposant cette fois des changements dans la manière de réglementer les milliards de commentaires en ligne publiés chaque jour dans le pays. Le régulateur de l’Internet, la Cyberspace Administration of China (CAC), a publié un projet de mise à jour sur les responsabilités des plateformes et des créateurs de contenu dans la gestion des commentaires en ligne. Une ligne se démarque : tous les commentaires en ligne devront être examinés au préalable avant d’être publiés. Le tableau est susceptible d’avoir des répercussions à l’échelle globale. En effet, les démocraties occidentales s’orientent de plus en plus les mesures liberticides comme la levée de l’anonymat en ligne.

La proposition consiste principalement à mettre à jour la version actuelle des règles relatives aux commentaires afin de les aligner sur le langage et les politiques des autorités plus récentes, telles que les nouvelles lois sur la protection des informations personnelles, la sécurité des données et les règlements généraux sur le contenu.

Les dispositions couvrent de nombreux types de commentaires, y compris les messages de forums, les réponses, les messages laissés sur des panneaux d’affichage publics et les bulles de conversation (un moyen innovant utilisé par les plateformes vidéo en Chine pour afficher des commentaires en temps réel au-dessus d’une vidéo). Tous les formats, y compris les textes, les symboles, les GIF, les images, les sons et les vidéos, relèvent de ladite proposition.

L’autorité de régulation est désormais rendue à l’étape de collecte des commentaires publics sur les révisions proposées jusqu’au 1er juillet 2022. Pour l’instant, les discussions sur la rigueur avec laquelle elles seront appliquées ne sont que spéculatives.

La Chine poursuit avec l’identification des failles de sa grande muraille numérique qui semble inspirer de plus en plus de pays à l’échelle globale, dont les démocraties occidentales. En effet, le gouvernement australien a, au troisième trimestre de l’année précédente, fait l’annonce de son intention de lever l’anonymat sur Internet en requérant des internautes de fournir une pièce d’identité (passeport, permis de conduire, etc.) pour l’accès à leurs comptes de réseaux sociaux. La disposition s’inscrivait en droite ligne avec l’adoption d’une loi qui autorise les forces de l’ordre à prendre le contrôle de comptes de médias sociaux lorsque des tiers sont soupçonnés dans le cadre d’une enquête. C’est la plus osée de toutes celles en gestation dans l’alliance Five Eyes. Elle permet à la police de pirater les appareils de tiers, de collecter ou de supprimer leurs données.

La manœuvre est destinée à protéger les citoyens contre les abus en ligne (pédophilie, discours haineux, propagande terroriste, etc.). Elle n’est pas sans faire penser à une sortie d’Emmanuel Macron à propos de l’anonymat en ligne : « Nos gouvernements, nos populations ne vont pas pouvoir tolérer encore longtemps les torrents de haine que déversent en ligne des auteurs protégés par un anonymat devenu problématique. » Beaucoup s’accordent sur le fait qu’en rendant les utilisateurs responsables de leurs propos – en supprimant la possibilité de poster des messages dans l’anonymat –, il est moins probable qu’ils s’engagent dans des discussions ou publications inciviles. C’est la raison pour laquelle des élus français ont proposé que les réseaux sociaux et autres hébergeurs soient obligés à vérifier l’identité réelle des internautes lors de leur inscription.

L’Allemagne s’est penchée sur la question depuis un moment dans le cadre de discussions sur les amendements à apporter au Code pénal en vigueur dans le pays. Un extrait de la proposition de loi mise sur la table par le ministre de la Justice de Rhénanie-du-Nord-Westphalie :

« Le projet de loi vise à introduire de nouvelles infractions pénales via un nouvel article 126a au Code pénal. Une peine privative de liberté ou une amende est prévue à l’encontre de quiconque offre un service sur Internet dont l’accès et l’accessibilité sont limités par des précautions techniques spéciales et dont le but ou l’activité est de commettre ou de promouvoir certains actes illicites.

Les criminels utilisent de plus en plus les possibilités d’anonymisation que leur offre Internet. Le chiffrement des données de l’utilisateur et la sélection aléatoire d’itinéraires contrôlée par programme via des serveurs répartis dans le monde entier rendent considérablement plus difficile la détermination des points de départ et d’arrivée d’un transfert de données. En particulier, le réseau Tor, qui sert cet anonymat, permet également l’accès au Darknet.

L’accès au Darknet et l’accessibilité à ses services sont limités par des programmes spéciaux. En plus desdits services à accès restreint, le Darknet donne également l’accès à d’autres qui sont à caractère criminel tels que les plateformes de trafic de stupéfiants, de pédopornographie, de vente d’armes, de logiciels malveillants, etc. Ces offres constituent une menace considérable pour la sécurité publique. »

Si le texte fait directement référence au réseau Tor, il faut souligner qu’il est susceptible de s’appliquer à une panoplie d’autres situations. En effet, une relecture plus globale de « service sur Internet dont l’accès et l’accessibilité sont limités par des précautions techniques spéciales et dont le but ou l’activité est de commettre ou de promouvoir certains actes illicites » peut, par exemple, permettre de classer un service de courriel avec chiffrement dans le lot des plateformes qui tombent sous le coup dudit projet de loi.

Vers un futur Internet piloté sur le modèle chinois à l’échelle globale ?

C’est ce que les derniers développements laissent penser. Pour parvenir à une telle maîtrise de son cyberespace, la Chine s’appuie sur un levier de taille : le contrôle de l’anonymat en ligne. Il n’ y a qu’à jeter un œil à l’article 6 de la réglementation chinoise en la matière. À la réalité, la question revient de plus en plus en Europe ; le cas autrichien l’illustre puisque le pays a lui aussi annoncé son intention de mettre fin à l’anonymat en ligne. On anticipe à 2020 la période à laquelle il ne sera plus possible dans ce pays de rédiger un commentaire en ligne sans fournir son nom, prénom et adresse exacts. La raison, souligne le ministère en charge des médias dans ce pays, est très simple ; en cas d’enquête, les opérateurs de plateformes seraient tenus de fournir des informations aux agences gouvernementales ou, dans certains cas, aux personnes privées en cas d’insulte ou de diffamation. En France, le processus est lancé pour la mise en place d’une loi en vue d’en finir avec l’anonymat sur Internet.

Le train est en marche ; lentement certes, mais il semble que la destination finale soit, à l’échelle globale, un Internet régulé, modéré et censuré par les États.

Lire aussi : Censures sur les réseaux sociaux, le gouvernement veut doubler la mise

Sources : Developpez, Proposition


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