Réforme du bac : vers un diplôme plus inégalitaire et moins républicain ?


Les épreuves du baccalauréat débutent le 18 juin. Celui-ci sera profondément remanié pour une toute nouvelle version en 2021. Enseignants comme élèves craignent une rupture avec la tradition républicaine, redoutant une augmentation des inégalités.

Les lycéens de Terminale sont en plein bachotage. Ils préparent leur première épreuve de l’examen, la philosophie, sur laquelle ils plancheront le 18 juin. La version traditionnelle de ce baccalauréat vit actuellement son crépuscule : elle sera bientôt remplacée par un nouvel examen, «le Bac 2021», version Jean-Michel Blanquer . Les séries ES (économique et social), S (scientifique) et L (littéraire) seront ainsi prochainement supprimées au profit d’un bac dit «modulaire».

Les lycéens auront ainsi à suivre huit enseignements communs, auxquels il devront ajouter deux à trois spécialités (parmi 12 possible,s dont les mathématiques) et jusqu’à deux options (parmi sept proposées). Une usine à gaz qui se confronte à un premier problème, de l’aveu même de Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire, qui confiant sur RTL le 15 février : «[Les spécialités] ne seront pas toutes proposées dans chaque lycée.» Interviewé par RT France, Mohamed Haouas, responsable des mobilisations lycéennes pour le Syndicat général des lycéens (SGL), craint ainsi que l’élève ne doive faire plusieurs kilomètres pour trouver le lycée qui corresponde à ses attentes et proposant les spécialités qu’il désire.

Danielle Goussot, professeure de français à la retraite, s’interroge quant au modèle que propose le gouvernement : «Je ne sais pas si c’est le lycéen qui va choisir son lycée ou si ce n’est pas plutôt le lycée qui va choisir ses élèves», regrette-t-elle.

Professeur de philosophie et vice-président d’Action et démocratie au sein de la CFE-CGC, René Chiche, estime que «le principal danger est le bac maison», c’est à dire un bac local, dont les contours différeraient selon les lycées. Une crainte partagée par Danielle Goussot, qui craint que la part de 40% de contrôle continu dans le résultat final des élèves ne donne trop de poids aux établissements au détriment de l’égalité de chacun face à un examen commun : «Le diplôme ne sera plus un diplôme national».

Pour René Chiche, l’école se «dénationalise» et «se décrédibilise» pour ces mêmes raisons : «Ces notes sont de la responsabilité de chaque professeur alors que dans le cadre d’un examen […] on intègre la dimension universelle [dans la notation].» Le professeur de philosophie se montre ainsi très critique quant au contrôle continu et au poids accordé à l’oral dans la notation, qui sont selon lui contraires à l’objectivité d’un examen commun et à la garantie de l’anonymat des candidats : «Le baccalauréat, lui même, n’aura plus de sens […] On n’aura plus de bac du tout, tout se jouera par l’intermédiaire des dossiers.» Il juge d’ailleurs «que le résultat qui est actuellement déjà grotesque de plus de 80% de réussite au baccalauréat va devenir carrément ridicule avec près de 100% [de réussite]». Logique, puisque 50% de la note finale (contrôle continu et oral) sera attribuée par l’établissement scolaire – qui n’aura aucun intérêt à voir sa réputation touchée par un mauvais taux de réussite.

En outre, René Chiche pointe le risque d’un marchandage de la note qui serait effectuée sur le professeur par sa hiérarchie, les parents voire l’élève, ouvrant ainsi la voie «à des comportements calamiteux».

«Pour un établissement universitaire qui va sélectionner de futurs étudiants, l’université va voir d’un œil différent un lycéen qui vient du 93 et celui qui vient d’Henri IV, cet œil attentif va enlever la nature universelle du baccalauréat», argumente Mohamed Haouas, mettant en exergue la force des lycées dont les notes auraient plus de valeur car plus exigeants.

Une réforme du bac était-elle nécessaire ? Oui, répond Mohamed Haouas, qui aurait préféré que des consultations soient menées avec les lycéens et le monde enseignant avant que le gouvernement n’engage sa réforme. «On voulait un baccalauréat beaucoup plus égalitaire entre les lycéens et les établissements», assume-t-il. Pour René Chiche, «il ne fallait non pas muscler le baccalauréat, mais le clarifier pour rappeler son but [et] muscler l’enseignement». Il juge donc la réforme «bâclée».

Source : RT – Image d’en-tête : FREDERICK FLORIN AFP


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