Ni vu ni connu, la France s’apprête à réintégrer l’Otan


Le gouvernement a déposé le 4 janvier 2016 un projet de loi prévoyant la réintégration de la France dans l’organisation de défense multinationale. Une mesure incontestable qui surprend par sa discrétion.

Incognito, la France est en passe de réintégrer l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan). Le gouvernement a déposé le 4 janvier 2016 un projet de loi « autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ». Derrière cette formule, il permet la réadhésion au commandement de l’Otan. Un processus lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy.

Le Général de Gaulle l’avait quitté en 1966, préférant une politique de défense indépendante, promouvant une certaine idée de la France. Dans sa lettre au Président Jonhson, il écrivait « la France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements “intégrés” et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN. […] La France croit devoir […] modifier la forme de notre alliance sans en altérer le fond ».

Un nouveau contexte international

Mais les temps ont bien changé depuis les années 1960 ! La recomposition du monde et surtout l’émergence d’un terrorisme mondial ne permettent plus d’être seuls face à cette menace. La présidente du Front national, Marine Le Pen, ainsi que le leader du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon, n’ont pas manqué de s’élever contre cette disparition annoncée de notre souveraineté dans ce qu’elle comporte de plus sensible : la défense. Une fois de plus, ils n’ont rien compris au monde dans lequel nous vivons, pour la protection duquel murs et miradors ne sont d’aucune utilité.

La mondialisation des échanges commerciaux est également celle du terrorisme. Il faut donc adapter la réponse et la mutualiser. L’excellence et la forte expérience de nos armées, de la dissuasion nucléaire à l’efficacité de nos forces spéciales, ne peuvent suffire seules face à cette globalisation.

Allié, mais pas vassal prévalut en 1966. Cette maxime doit être reprise. Ce n’est pas parce que la France réintègre l’Otan qu’il faut en déduire une soumission entière aux desiderata américains même s’il faudra nécessairement faire quelques concessions dans le but de satisfaire l’objectif commun. Au-delà de cela, ce qui frappe, c’est la manière dont le gouvernement a fait passer cette proposition de loi dans la plus grande discrétion alors que nul ne contestera qu’elle est porteuse de sens !

Une forme de realpolitik à la française

L’atlantisme apparemment honni trouve donc finalement grâce, incarnant sûrement une forme de realpolitik à la française. Derrière les déclarations fracassantes d’indépendance et de souveraineté, le choix s’est porté sur la consolidation de l’alliance. Gageons que ce ralliement militaire inspire l’économie et permette la signature du Tafta, le projet d’accord de libre échange transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis.

Nonobstant l’opposition apparente de Matthias Fekl , secrétaire d’État au Commerce extérieur, cette adhésion au Tafta ne parait plus guère faire de doute au vu des intérêts multiples qui l’irriguent. Reste à attendre quelques mois pour vérifier si l’avenir nous donne raison.

Par Hervé Guyader, avocat au Barreau de Paris et président du Comité français pour le droit du commerce international.

Pour approfondir :
La Suède fait un pas de plus vers l’Otan

Source : Les Echos


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