Un mur ancien aurait été construit pour se protéger des inondations dues à El Niño


Un chercheur a trouvé de nouvelles preuves de l’existence d’inondations sur un seul côté de ce mur vieux de 1 000 ans, qui pourraient être liées à des cas de sacrifices humains.

La Muralla La Cumbre a longtemps été considérée comme une barrière contre les invasions ennemies, mais de nouvelles preuves suggèrent qu’elle a été conçue pour repousser un ennemi plus élémentaire. Crédit photo : Gabriel Prieto/Huanchaco Archaeological Project

On pensait auparavant que ce mur, connu sous le nom de Muralla La Cumbre, protégeait d’importantes terres agricoles contre les envahisseurs, mais de nouvelles recherches suggèrent qu’il a en fait empêché les inondations dues au phénomène El Niño de faire des ravages.

L’ancien mur de terre mesure environ 10 kilomètres de long et se trouve dans le désert près de Trujillo, dans le nord du Pérou. Il a été construit près de l’endroit où se trouvait la capitale de Chan Chan. Cette ville appartenait au peuple Chimú (également connu sous le nom de Royaume de Chimor) qui a vécu le long de la côte du nord du Pérou entre le 9e et le 15e siècle de notre ère.

Beaucoup d’entre nous ont entendu parler des différents peuples précolombiens d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, tels que les Mayas, les Incas et les Aztèques, mais les Chimú sont souvent oubliés.

À l’époque, cette civilisation était la plus importante et la plus prospère de la région et occupait une bande côtière de 1 000 kilomètres qui s’étendait jusqu’à une zone située dans l’actuel nord du Chili. Malgré leur importance, les Chimú ont fini par être conquis par les Incas, avec lesquels ils entretenaient une longue inimitié.

Jusqu’à récemment, on pensait que la Muralla La Cumbre avait été construite à la suite de ces hostilités. On pensait qu’elle servait de barrière pour protéger les Chimú des invasions.

“Selon plusieurs récits écrits à l’époque coloniale, les descendants de la noblesse inca et de la noblesse chimú ont raconté aux Espagnols que les Incas et les Chimú avaient eu une guerre de longue durée entre 1400 et 1450 de notre ère”, a expliqué à IFLScience Gabriel Prieto, professeur adjoint au département d’anthropologie de l’université de Floride. “Le mur [près de] Chan Chan est alors considéré comme faisant partie de la stratégie défensive pour se protéger des raids incas.”

Cependant, Prieto a trouvé des preuves que Muralla La Cumbre protégeait en fait la région des inondations dévastatrices qui apparaissaient lors des phases les plus humides du Pérou, connues sous le nom d’El Niño.

Un El Niño se produit lorsque les températures de la mer dans le Pacifique tropical oriental augmentent de 0,5 °C par rapport à la normale, ce qui se traduit par des conditions météorologiques plus chaudes que la moyenne. Ces effets ont tendance à se produire tous les deux ans et atteignent leur apogée en décembre. Le terme signifie “le garçon”, et on pense qu’il vient de “El Niño de Navidad” il y a plusieurs siècles, lorsque les pêcheurs péruviens décrivaient le temps en référence au Christ nouveau-né à Noël.

Dans certaines régions du monde, El Niño est synonyme de sécheresse, mais en Équateur et dans le nord du Pérou, il provoque de fortes pluies. Dans le passé, ces eaux auraient constitué une menace importante pour les communautés locales, en particulier pour les Chimú.

Au cours de ses recherches sur la Muralla La Cumbre, M. Prieto a découvert des couches de sédiments d’inondation sur un côté du mur, le côté est, ce qui suggère qu’il a été construit pour protéger les terres agricoles situées à l’ouest.

“J’ai testé une vieille hypothèse proposée en 2003 par deux archéologues péruviens : Victor Piminchumo et César Gálvez”, a expliqué M. Prieto à IFLScience. “En 2021, j’ai obtenu un financement pour creuser, en choisissant un segment du mur traversant l’un des ravins secs et j’ai eu beaucoup de chance de trouver les sédiments du côté est.”

El Niño a laissé des traces distinctes de sédiments d’inondation sur le côté est de l’ancien mur. Crédit photo : Gabriel Prieto/Huanchaco Archaeological Project

D’après les résultats de la datation au radiocarbone, les parties inférieures du mur pourraient avoir été construites vers 1100 à la suite des inondations provoquées par El Niño.

L’analyse de Prieto a également révélé que l’une des couches sédimentaires date d’environ 1450, ce qui coïncide avec les preuves d’un sacrifice collectif d’environ 140 enfants et 200 lamas, qui a eu lieu sur un autre site des Chimús. Pour Prieto, il pourrait s’agir d’un signe que les Chimú connaissaient les dangers posés par les inondations d’El Niño, qui poussaient leurs dirigeants à faire des sacrifices pour apaiser leurs dieux.

Cette recherche est importante à plusieurs égards, a expliqué Prieto à IFLScience. “Elle montre que les Chimú, en plus de satisfaire leurs dieux par des sacrifices humains et animaux, ont également mis en place des infrastructures techniques et efficaces pour faire face aux effets négatifs d'[El Niño]. Ils ont également créé une sorte de barrage retenant les sédiments et les riches limons qui ont peut-être été utilisés pour fertiliser les champs agricoles.”

Il semble que les Chimú étaient beaucoup plus avancés en termes de technologies qu’on ne le pense souvent, notamment en ce qui concerne leur “infrastructure hydraulique”, qui les aidait à faire face à des anomalies climatiques intenses comme celles provoquées par El Niño. C’est “une chose dont les nations modernes comme le Pérou souffrent encore parce qu’elles n’accordent pas assez d’attention à une technologie simple aux résultats efficaces”, a ajouté M. Prieto.

Un article détaillant les recherches de M. Prieto a été accepté pour publication et sera bientôt publié.

Lire aussi : Découverte d’un ancien « cimetière d’éléphants » datant de 5,5 millions d’années dans le nord de la Floride

Source : IFLScience – Traduit par Anguille sous roche


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