Contact tracing Covid-19 : plus de 600 millions d’euros dépensés en trois ans pour une « efficacité globale incertaine »


Selon un rapport de la Cour des comptes.

Entre 2020 et août 2022, 34,5 millions de cas de contamination à la covid 19 ont été identifiés en France (hors résultats des auto-tests). Plus de 150 000 personnes sont décédées, dont près de 126 400 à l’hôpital. Le contact tracing (ou l’identification des personnes cas contact à risque), déployé à partir de mai 2020 à la sortie du premier confinement, est l’un des outils de lutte contre cette épidémie. Alors que le contact tracing va s’arrêter fin janvier 2023, la Cour des comptes a dressé le bilan de son efficacité globale, la jugeant plutôt incertaine.

Le contact tracing, déployé à partir de mai 2020 à la sortie du premier confinement, est l’un des outils de lutte du gouvernement français contre cette épidémie. Il consiste à joindre, par téléphone, par SMS ou par courriel, les personnes dépistées positives afin qu’elles recensent les personnes avec lesquelles elles ont eu un contact à risque, puis à prendre l’attache de celles-ci, en préservant l’anonymat des personnes positives, et à utiliser ces échanges pour communiquer des consignes de prévention (tests pour détecter une contamination pour les personnes contact ou une guérison pour celles positives ; isolement dans l’attente ou à la suite de leurs résultats).

Dans cette perspective, des solutions technologiques ont été explorées. Parmi elles figure StopCovid, une application permettant d’informer les citoyens ayant été à proximité des porteurs du virus.

Le 22 octobre 2020, le gouvernement français a annoncé la sortie de l’application de contact tracing TousAntiCovid qui est venue remplacer StopCovid. En plus des améliorations apportées au niveau de l’ergonomie et du contenu, TousAnticovid a reçu une implication particulière de la part du gouvernement dans la promotion de l’application. En effet, le gouvernement français a envoyé un SMS à tous les Français afin de les encourager à télécharger et à activer TousAntiCovid.

Le rapport de la Cour des comptes quant à l’efficacité du contact tracing

Implication de l’assurance maladie

Dans l’urgence, l’assurance maladie a créé un nouveau système d’information, mis en place des plateformes départementales d’enquêteurs, recruté des milliers de contractuels à durée déterminée, puis indéterminée pour stabiliser les effectifs et adapté continûment son dispositif. Depuis mai 2020, l’assurance maladie a joint plus de 32 millions de personnes dépistées positives et près de 22,7 millions de personnes contact, d’abord par téléphone puis essentiellement par SMS ou par courriel.

Pour être plus précis, en 2020, l’assurance maladie a enregistré et contacté 2,5 millions de personnes positives et 5 millions de cas contact, puis, en 2021, 7,2 millions de personnes positives et 11,8 millions de cas contacts. Entre janvier et juillet 2022, elle a joint près de 23 millions de personnes positives et 7,2 millions de cas contact. Au total, 56,7 millions de personnes ont été contactées entre mai 2020 et juillet 2022. À titre de comparaison, l’assurance maladie a reçu sur le numéro téléphonique 3646 ouvert aux assurés 22,6 millions d’appels en 2020 et 29,3 millions en 2021.

Au total, les dépenses liées au contact tracing, notamment de personnel, pourraient dépasser 600 millions d’euros au titre des trois années 2020 à 2022, dont un peu plus de 500 millions d’euros en interne et près de 110 millions d’euros pour la couverture de dépenses des ARS et de l’État.

La dématérialisation croissante du contact tracing

À partir de novembre 2020, les personnes positives ont reçu un SMS leur permettant de préparer l’entretien téléphonique avec l’enquêteur sanitaire. Les cas contact ainsi renseignés recevaient alors, à leur tour, un SMS les renvoyant vers le site de l’assurance maladie et précisant les informations relatives aux mesures sanitaires et à leurs droits. L’assurance maladie a continué à appeler les personnes contact qui ne se rendaient pas sur ce site.

Fin 2021, la dématérialisation s’est poursuivie. En décembre 2021 et janvier 2022, les personnes positives ont été invitées par SMS à alerter elles-mêmes leurs cas contacts, qui n’étaient ainsi plus recensés par l’assurance maladie. Début février 2022, la Cnam a mis en ligne le téléservice « Lister mes cas contacts » afin de dématérialiser l’ensemble du dispositif. Ce téléservice aide les personnes positives à identifier leur période de contagiosité et les situations à risque et permet d’informer automatiquement les cas contact par SMS. Les appels téléphoniques sont alors devenus résiduels, les enquêteurs sanitaires n’appelant plus que les personnes positives n’ayant pas renseigné au préalable leur numéro de téléphone portable.

Depuis juillet 2022, le contact tracing est entièrement dématérialisé : l’assurance maladie ne passe plus d’appels, même aux personnes pour lesquelles elle ne disposait pas au préalable des coordonnées téléphoniques ; elle continue en revanche à traiter des appels entrants. Compte tenu de cette dématérialisation intégrale, les personnes n’ayant pas communiqué au préalable leur numéro de téléphone portable ne reçoivent pas de SMS de l’assurance maladie les invitant à déclarer leurs cas contact. Elles représentent une part réduite des assurés (moins de 5 %) et restent en revanche destinataires des messages adressés par SiDep par courriel et SMS.

Une efficacité globale incertaine

Sans le contact tracing, il est vraisemblable que les contaminations auraient été plus nombreuses ou rapides et leur incidence plus forte sur les hôpitaux, mais ces impacts ne peuvent être quantifiés en l’absence d’évaluation scientifique.

L’assurance maladie est parvenue à joindre plus de neuf personnes sur dix dépistées positives ou qui lui ont été déclarées comme cas contact et plus de 90 % des personnes positives jointes l’ont été dans les 24 heures suivant l’annonce du résultat du test. En revanche, seules 70 à 80 % des personnes contact ont été jointes dans les 24 heures suivant leur recensement.

Surtout, l’assurance maladie n’est parvenue à recenser qu’une partie, potentiellement minoritaire, des personnes contact. En moyenne, une personne dépistée positive sur deux ne lui a déclaré aucune personne contact en 2020 et en 2021. En augmentant sa charge de travail, les vagues épidémiques ont conduit l’assurance maladie à alléger ses procédures de recherche des cas contact. Devant l’impact des 5ème à 7ème vagues sur le nombre de personnes à contacter, l’assurance maladie a dématérialisé l’essentiel des procédures de traçage. Or, l’envoi de SMS aux personnes positives pour les inviter à télédéclarer leurs contacts sur un site internet
entraîne moins de déclarations de cas contact que les appels téléphoniques. Près de 90 % des personnes positives n’en ont déclaré aucun au premier semestre 2022.

En outre, les rares éléments d’analyse disponibles font apparaître un respect partiel par les personnes positives et par leurs contacts des consignes de prévention qu’elles ont reçues, ce qui n’a pu qu’amoindrir l’efficacité du contact tracing.

Les principaux enseignements de l’enquête

Le traçage des personnes contact à risque de personnes dépistées positives, ou contact tracing, est un dispositif de prévention de la covid 19, devenu secondaire à la suite de la montée en charge de la vaccination. L’assurance maladie s’est fortement impliquée dans cette mission de santé publique inédite et de grand ampleur et a joint dans des délais rapides plusieurs dizaines de millions de personnes positives et de personnes contact.

Cependant, elle n’est parvenue à recenser qu’une partie des personnes contact. Le remplacement des appels téléphoniques par des demandes par SMS de déclaration des contacts sur internet s’est accompagné d’une chute des nombres de contacts déclarés. L’efficacité du contact tracing a par ailleurs été affectée par des facteurs sur lesquels l’assurance maladie ne pouvait avoir prise (non-respect des consignes de prévention données).

Alors que le contact tracing va s’arrêter fin janvier 2023, il convient de procéder à une évaluation scientifique de son impact sur les chaînes de contamination de la covid 19 afin de concevoir un dispositif plus efficace dans l’éventualité de nouvelles épidémies.

Lire aussi : Au Canada, 40 % des dépenses liées au déficit fédéral en cas de pandémie n’avaient « rien à voir » avec le Covid : étude

Sources : Developpezrapport de la Cour des comptes


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