L’incendie de Notre-Dame révèle une surprise majeure cachée dans son architecture


Malgré tous les dégâts causés par l’incendie de Notre-Dame en 2019, les archéologues parisiens ont eu l’occasion unique de se pencher sur l’histoire de ce monument.

Des parties de la célèbre cathédrale qui ont été dissimulées pendant des siècles sont aujourd’hui démontées et remontées, offrant une fenêtre sur les innovations architecturales qui ont fait de cet édifice de 32 mètres de haut la plus haute cathédrale de son époque.

Il s’avère que cette hauteur est en grande partie due au fer qui coule dans les veines de la majestueuse structure.

Les archéologues ont découvert des milliers d’agrafes métalliques dans différentes parties de la cathédrale, dont certaines remontent au début des années 1160.

Ces découvertes suggèrent que l’utilisation intensive du fer dans la maçonnerie n’est pas aussi moderne que les experts le pensaient. Les bâtisseurs médiévaux qui travaillaient sur Notre-Dame utilisaient cette technique architecturale bien avant que les travaux de restauration ne commencent au XIXe siècle.

“Notre Dame est incontestablement la première cathédrale gothique connue où le fer a été massivement utilisé pour lier les pierres en tant que matériau de construction”, concluent les archéologues travaillant à Paris.

Agrafe cassée sur le sol des tribunes, la ligne rouge indiquant l’endroit où elle a été coupée pour l’analyse. (L’Héritier et al., PLOS ONE, 2023)

L’équipe estime que les ferrures trouvées à Notre-Dame ont été conçues jusqu’à deux décennies avant la construction de la cathédrale de Soisson et quatre décennies avant celle de la cathédrale de Bourges. Jusqu’à présent, ces deux édifices gothiques étaient considérés comme les premiers exemples de maçonnerie systémique en fer.

L’architecte initialement chargé de la construction de Notre-Dame était manifestement en avance sur son temps.

Il semble qu’il ait généreusement utilisé des armatures en fer pour lier les pierres entre elles. Ces agrafes résistantes ont été retrouvées sur le sol des tribunes de la cathédrale et dans les courbes de ses nombreux arcs.

“Cette grille métallique, installée lors des premières phases de construction, doit être interprétée comme le renforcement innovant des nervures transversales du déambulatoire extérieur culminant à près de 11 m de haut, qui devaient être maintenues sans aucun support interne…”, écrivent les chercheurs.

“Alors que d’autres édifices utilisaient des tirants en bois tendus entre les arcs, le premier maître d’œuvre de Notre-Dame de Paris a fait le choix audacieux d’un système utilisant un matériau plus durable et plus facilement dissimulable.”

Ces renforts astucieux ont manifestement fonctionné et semblent avoir été imités par les futurs architectes, jusqu’au XIIIe siècle, au fur et à mesure des ajouts et des améliorations apportés à la cathédrale.

Les détecteurs de métaux, par exemple, ont révélé des centaines d’agrafes métalliques utilisées dans la nef de Notre-Dame, et bien qu’elles n’aient pas pu être datées correctement, elles semblent différentes des agrafes sur le sol. Les experts pensent qu’elles sont l’œuvre d’un architecte postérieur qui, selon les documents historiques, a probablement été engagé entre 1170 et 1190 de notre ère.

a) Agrafes en fer des murs supérieurs. b) Agrafes en fer à l’intérieur des colonnes monolithiques de la nef. c) Agrafes en fer dans la tribune. (L’Héritier et al., PLOS ONE, 2023)

Ce second architecte a très probablement adopté la technique de l’agrafe du maître maçon qui l’a précédé. Et il a probablement transmis ce savoir à son successeur.

Une rangée d’agrafes au sommet des murs latéraux de l’édifice date au plus tard du début du XIIIe siècle, ce qui suggère que les structures ont été érigées après que l’ossature de l’édifice ait déjà été posée.

“Cette continuité dans les techniques, depuis le niveau inférieur des tribunes jusqu’au sommet de l’édifice et impliquant probablement au moins trois maîtres maçons sur une période de 50 ans, est frappante à Notre-Dame”, écrivent les archéologues.

“Ses maîtres d’œuvre ont décidé d’employer des formes connues depuis l’Antiquité, ces agrafes étant par exemple largement utilisées au Colisée de Rome, dans une mise en œuvre inédite au service d’une architecture novatrice.”

Au XIXe siècle, plusieurs campagnes de restauration de la cathédrale Notre-Dame ont été lancées, et elles ont également fait appel à des chaînes et des tirants en fer.

Par convention, les experts ont supposé que les armatures en fer n’ont été utilisées que lors de ces rénovations plus modernes.

Mais la restauration la plus récente de la cathédrale Notre-Dame a apparemment “jeté une lumière nouvelle sur les débuts de la construction gothique, permettant de mieux comprendre la pensée des maîtres maçons”.

Plus intriguant encore, une analyse chimique des agrafes médiévales suggère qu’elles provenaient de plusieurs sources différentes et qu’elles étaient couramment soudées entre elles.

Il est possible qu’au XIIe siècle, il y ait eu un marché florissant pour le fer neuf et recyclé dans la grande ville médiévale. En effet, des documents historiques suggèrent que les importations de fer étaient taxées aux 12e et 13e siècles.

Alors que les travaux de réparation de Notre-Dame se poursuivent, les chercheurs espèrent en apprendre davantage sur ces impressionnants bâtisseurs médiévaux et sur la manière dont ils s’approvisionnaient en matériaux et les assemblaient il y a plusieurs siècles.

L’étude a été publiée dans PLOS One.

Lire aussi : Un ancien sarcophage découvert sous la cathédrale Notre-Dame

Source : ScienceAlert – Traduit par Anguille sous roche


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