Weinstein, Cosby, Casey Affleck, Sheen : la morale à géométrie variable d’Hollywood


Depuis les débuts du Weinstein gate, les langues se délient à Hollywood. Les témoignages sont unanimes : l’industrie du rêve américain a bien couvert les agresseurs tout en se drapant des oripeaux d’une pseudo vertu.

Chaque jour, depuis les premières révélations du quotidien américain New York Times le 5 octobre, l’affaire se fait toujours un peu plus grave pour Harvey Weinstein, magnat d’Hollywood accusé par des dizaines de femmes, actrices, mannequins ou journalistes d’agressions sexuelles, de viol ou de harcèlement. Un effet d’entraînement conduit un nombre grandissant de victimes à s’exprimer. Si les femmes sont aujourd’hui nombreuses à dénoncer ses agissements, les hommes de l’industrie cinématographiques ont quitté la scène. Les employés de la Weinstein Company auraient été au courant du comportement de leur patron abuseur, l’auraient couvert, voire aidé à attirer des femme dans des traquenards, selon l’enquête du New York Times. Des acteurs auraient su également. Et jusqu’à maintenant, leur silence est assourdissant. Etonnant quand on connaît la propension d’Hollywood aux productions lisses et prudes, où se lisent si distinctement les camps du bien et du mal… bien loin de ce qu’il se passe hors champ.

Les satyres d’Hollywood

La face cachée d’Harvey Weinstein est apparue au fil des témoignages des enquêtes du New York Times et du New Yorker. Angelina Jolie, Rosanna Arquette, Rose McGowan, Gwyneth Paltrow, Asia Argento, les Françaises Emma de Caunes, Judith Godrèche, Léa Seydoux… autant de femmes qui se disent terrifiées par la puissance sociale et physique de leur agresseur ; certaines seraient parvenues à la repousser, d’autres non.

Cette histoire rappelle celle d’une autre illustre figure du paysage audiovisuel américain, Bill Cosby. Le second procès de la légende de la télévision américaine poursuivi pour agression sexuelle s’ouvrira le 2 avril 2018. Le premier procès, en juin, s’est soldé par une annulation, faute de verdict unanime de la part des jurés, en dépit d’accusations accablantes. Droguer les femmes, les violer alors qu’elles étaient incapables de se défendre, puis quitter les lieux, semble avoir été son modus operandi.

On peut ainsi dresser des listes des mauvais garçons du cinéma, comme Charlie Sheen. L’homme aux sex tapes scandaleuses, aux 5 000 conquêtes dont un grand nombre de prostituées, a été visé par au moins une plainte de son ex-compagne Brett Rossi, déposée le 3 décembre 2015 pour agression et violence, séquestration, détresse émotionnelle et négligence.

Woody Allen, quant à lui, est accusé de viol par sa fille adoptive, Dylan Farrow, âgée à l’époque de sept ans. Elle s’en est confiée dans une lettre ouverte sur un blog du New York Times.

Dans l’affaire Casey Affleck contre Gorka et White, deux collaboratrices, en 2010, la plainte décrivait l’irruption de la star dans le lit d’une des deux femmes, du harcèlement verbal et sexuel, des attouchements… Le cas s’est finalement réglé à l’amiable, le montant du dédommagement n’ayant pas été communiqué, selon les informations du Huffington Post.

Qu’il s’agisse de Casey Affleck, Bill Cosby, ou Charlie Sheen, à chaque fois ces prédateurs bénéficiaient de la complicité voire du soutien de leurs équipes, du silence de leurs amis. Aujourd’hui alors que le scandale éclate, la réaction de l’industrie va de l’absence de commentaire aux timides protestations. Leonardo di Caprio a twitté son indignation en écrivant qu’il n’y avait pas d’excuses pour le harcèlement ou l’agression sexuels, sans toutefois citer de nom.

Ben Affleck s’est fendu d’un commentaire plus offensif, mais qui semblait signifier qu’il découvrait la chose. «Je suis attristé et en colère qu’un homme avec lequel j’ai travaillé ait utilisé sa position de pouvoir pour intimider, harceler sexuellement et manipuler un grand nombre de femmes durant des décennies.»

Un tweet immédiatement repéré par une des figures de proue de la fronde anti-Weinstein, l’actrice Rose McGowan. Elle lui répond sur Twitter : «Tu m’as dit en face “NOM DE DIEU! JE LUI AVAIS DIT D’ARRETER DE FAIRE CA !”», l’accusant de mentir.

Une réaction en entraînant une autre, la maquilleuse Annamarie Tendler demande des excuses pour la fois où l’acteur lui a touché les fesses durant la cérémonie des Golden Globes.

Entre mutisme et censure

Le quotidien britannique The Guardian a tenté de contacter une trentaine de professionnels du cinéma, mais aucun n’a répondu. La marque d’une solidarité sans faille, qui tolère les forfaits en son sein tant que les places se conservent ? Toute l’ironie réside dans la manière dont Hollywood façonne les mentalités depuis sa création. Cadenassée par plusieurs ligues de vertus depuis le début du XXe siècle, comme le pre-code entre 1929 et 1934 ou le code Hays de 1934 à 1936, l’industrie des grands studios a veillé à bannir les images immorales, la sexualité, la nudité, promouvoir la famille… Et bien entendu à projeter les figures des ennemis de son temps, attribuant sans sourciller les places dans le camp du bien et du mal en fonction des remous géopolitiques qui affectaient l’histoire des Etats-Unis.

Aujourdhui, c’est le Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA), dont le comité est tenu par les grands studios, qui décide si un film est visible par les mineurs. Il a été accusé d’être plus laxiste avec ses propres productions qu’avec celles des films indépendants, comme l’ont remarqué les réalisateurs de South Park, selon les informations du Saturday Evening Post. Ces derniers avaient produit un film dans un studio, un autre dans une société indépendante et leur second, similaire au premier en terme de contenu, a été le seul censuré.

Hollywood défend ses enfants terribles

Comment être juge et partie ? C’est toute l’ambiguïté d’Hollywood, et les mots d’Harvey Weinstein durant l’affaire Polanski en 2009 résonnent étrangement aujourd’hui.

“Quoi que vous pensiez du crime supposé, Polanski a payé sa dette.”

Le réalisateur Polonais, accusé du viol d’une mineure de 13 ans après l’avoir droguée en 1967, avait fui les Etats-Unis pour échapper aux poursuites. Aujourd’hui dans le collimateur de la justice américaine, il vit en Suisse. Harvey Weinstein, ami de Polanski, a affiché publiquement son soutien, lancé une pétition en sa faveur pour qu’il ne soit pas extradé. Et lui a même dédié une tribune dans The Independant : «Quoi que vous pensiez du crime supposé, Polanski a payé sa dette.» Un texte dans lequel il fait part de son intention de contacter Thierry Frémaux, un des hommes forts du festival de Cannes pour que Polanski ne soit pas rendu par la France à la justice américaine. «Je sais que Thierry Frémaux a un bon contact avec Nicolas Sarkozy», avait-il ajouté. Il annonçait dans ce texte qu’il parlerait à tous les dirigeants du pays pour le protéger. «C’est une manière choquante de traiter un tel homme», se désolait alors Harvey Weinstein.

“Hollywood a le meilleur compas moral, parce qu’il a de la compassion.”

En 2009, le L.A. Times révélait en outre que Harvey Weinstein avait accordé une interview où il donnait sa vision de la morale. «Hollywood a le meilleur compas moral, parce qu’il a de la compassion. Nous sommes les personnes qui avons organisé la collecte télévisée pour les victimes du 11 septembre. Nous étions là pour les victimes de Katrina et toutes les catastrophes mondiales», se félicitait Harvey Weinstein. Il y a, manifestement, des victimes plus visibles que d’autres.

Source : RT


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