Après la «PMA pour toutes», bientôt la GPA ?


La ministre de la Justice Nicole Belloubet s’est montrée déterminée : le gouvernement prévoira des freins juridiques bloquant l’accès à la GPA lorsque la PMA pour toutes sera autorisée. Les opposants à cette loi ne partagent pas cette certitude.

En «verrouillant un certains nombres de disposition juridiques liées à la PMA, nous éviterons une extension à la GPA», a affirmé Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, le 13 juin sur France Inter. «En fixant des cadres, nous évitons de tirer le fil jusqu’à la GPA que nous refusons absolument», a-t-elle ajouté. La question de la gestation pour autrui (GPA) ne sera pas abordée dans le cadre de la loi en discussion.

Alors que le projet de loi sur l’ouverture de la procréation médicalement assisté (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires sera examiné à l’Assemblée dès la fin septembre 2019, ces paroles n’ont pas apaisé ses détracteurs. Ludovine de la Rochère, chef de file de la Manif pour tous, principal collectif contre l’extension de la PMA à toutes les femmes, interviewée par RT France, s’insurge : «Ils disaient qu’il y aurait le PACS, donc qu’il n’y aurait pas le mariage homosexuel. Quand il y a eu le mariage homosexuel, ils ont dit qu’il n’y aurait pas la PMA sans père, et aujourd’hui on veut nous faire croire qu’il y aura la PMA et qu’il n’y aura pas la GPA !»

«Pour la GPA, en France, l’interdiction est faite aussi bien aux hétérosexuels qu’aux homosexuels.»

Cet argument est rejeté par l’Association des familles homoparentales (ADFH), qui assure : «On ne peut établir aucune comparaison entre l’accès à la PMA et la GPA. Pour la GPA, en France, l’interdiction est faite aussi bien aux hétérosexuels qu’aux homosexuels. On ne peut pas se prévaloir que ça existait pour l’un et pas pour l’autre, comme c’était le cas pour la PMA réservée actuellement uniquement aux femmes en couple hétérosexuel.»

Cependant, les militants anti-GPA rétorquent que les couples homosexuels masculins pourraient invoquer leur droit à avoir des enfants, tout comme ont pu l’obtenir les femmes lesbiennes ou célibataires grâce à la PMA. «Juridiquement, ça ne tient pas d’invoquer tel argument !», proteste l’ADFH. «La discrimination, c’est lorsqu’un geste est accordé à un humain et pas à un autre à cause de son orientation sexuelle. La GPA n’entre pas du tout dans ce cadre puisqu’elle est interdite pour tout le monde ! Si on devait penser que l’interdiction de la GPA était une discrimination, la cour européenne l’aurait déjà accordée à celles ou ceux qui l’ont demandé», ajoute-t-elle

Promesses, revirements et doute

Le 11 juin, la Garde des Sceaux a reçu aussi bien les associations et personnalités LGBT+ que les anti-PMA pour toutes. Nicole Belloubet l’a reconnu au Sénat le 13 juin, le sujet soulève des «questions très sensibles». Selon un sondage réalisé par l’IFOP pour l’ADFH, publié le 11 juin, 64%, sont pour l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes, et 66% pour les femmes célibataires. 60% des sondés se déclarent favorables à la prise en charge du protocole par l’Assurance Maladies.

Les opposants ne désarment pas pour autant, et agitent le spectre de la GPA, en dépit des nombreuses déclarations des membres du gouvernement auxquelles ils estiment ne pas pouvoir se fier. Qu’importe, pour eux, que la ministre de la Santé Agnès Buzyn ait estimé en septembre 2018 qu’utiliser «le corps d’une femme pour lui faire porter un enfant qu’elle ne gardera pas» rentrait «dans la marchandisation du corps humain», ou qu’Emmanuel Macron ait promis durant sa campagne que la GPA ne serait pas autorisée durant son mandat.

Le calendrier parlementaire semble accorder du crédit aux dénégations du gouvernement. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, est l’une des rares figures de la majorité à avoir publiquement défendu le recours à la GPA «éthique», qui ne met pas d’argent en jeu entre les parents et la mère porteuse. Une sortie suffisante selon Ludovine de la Rochère pour douter de la sincérité du gouvernement dont le revirement sur la question de la PMA annoncerait selon elle de futurs changements d’avis quant à la GPA.

Vers une reconnaissance juridique de la GPA ?

«Ils ne sont pas crédibles!», martèle-t-elle. «Darmanin avait publié une tribune contre l’extension de la PMA il y a trois ans. Edouard Philippe aussi y était opposé il y a trois ans. Marlène Schiappa a affirmé qu’elle était contre la GPA, mais quelque mois plus tard, elle a estimé qu’il fallait réfléchir. Quant à Macron, il a dit que la France n’était pas “prête”. Je ne sais pas quand la GPA sera autorisée, mais si on n’assume pas de dire qu’on ne doit pas utiliser la médecine pour résoudre nos désirs individuels, alors, on n’aura pas de limite pour le reste», poursuit-elle.

La figure de la Manif pour tous critique le militantisme des pro-GPA : «Elle a déjà des militants, des porte-paroles, des actions judiciaires en sa faveur… elle est illégale, mais dans les faits, de décision de justice en décision de justice, mais elle commence à être reconnue puisqu’on on va de plus en plus vers la reconnaissance de la retranscription des parents à l’état civil français, du fait de certaines décisions de la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ou la cour de cassation.»

Actuellement, en France, la retranscription des actes de naissance d’enfants nés de GPA à l’étranger n’est pas obligatoire, selon un avis de la CEDH. Toutefois, grâce à une jurisprudence de la Cour de cassation, la filiation d’un enfant né de GPA est établie à l’égard du père et un système d’adoption par le second parent peut être mis en place. Pour ses défenseurs, il y aurait une réelle différence entre la reconnaissance de la filiation d’enfants nés à l’étranger et l’autorisation de la GPA sur le sol français. L’ADH souligne d’ailleurs que la position de la cour européenne sur la question laisse une marge d’appréciation aux Etats qui demeurent souverains et peuvent prendre les dispositions législatives qu’ils entendent en la matière.

Des situations différentes selon les pays

Cette marge de manœuvre accordée aux Etats conduit à des situations très différentes. Dans certains pays, tel le Royaume Uni, la GPA, autorisée depuis 1985, est ouverte depuis quelques mois aux hommes et femmes célibataires. Un fait que déplore Ludovine de la Rochère : «Ils sont en train de se poser la question de la GPA commerciale, et c’est aussi ce qu’il est en train de se passer en Belgique !»

Mais, pour Ludovine de la Rochère, en France, le processus est bel et bien en marche. «Il y a une volonté politique, et une pression militante», s’inquiète-t-elle. «Pour un choix parfaitement idéologique et politique, on oublie les besoin les plus individuels qui soient, ceux de l’enfant», estime-t-elle. Les Français, quant à eux, semblent avoir un avis plutôt tranché sur la question. Selon le sondage IFOP, 62 % d’entre eux seraient favorables à la GPA pour les couples hétérosexuels infertiles, et 48% à la GPA pour les couples homosexuels.

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Source : RT France


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