Le traitement du tapis rouge : Une histoire légendaire de l’élite

Aujourd’hui, le tapis rouge est associé aux VIP, aux dignitaires, aux chefs d’État, aux célébrités, aux festivals de cinéma.

Il évoque des images de flashs d’appareils photo et de paparazzi, de robes et de maquillages clinquants, de costumes et de tenues élaborés, de dignitaires importants atterrissant dans de grands avions et saluant la foule. Il s’agit là d’une conception très moderne de ce que le tapis rouge symbolise aujourd’hui. Ce que l’on sait moins, c’est que la première mention du tapis rouge dans la culture populaire remonte en fait à la Grèce antique, il y a plus de 2 000 ans.

Dans Agamemnon (la première des trois pièces de l’Orestie), le roi Agamemnon est persuadé de marcher sur un tapis rouge pour entrer dans son palais. (JamesMacMillan / CC BY-SA 4.0)

Agamemnon d’Eschyle – Mortalité et divinité

Plus précisément, cette référence se trouve pour la première fois il y a 2 500 ans dans une épopée grecque attribuée au père de la tragédie, Eschyle, et son histoire d’Agamemnon, la première des trois pièces qui forment l’Orestie. Dans cette épopée datant de 458 avant J.-C., Clytemnestre, la reine vengeresse du roi Agamemnon, prépare le grand retour de son mari après une victoire dans la guerre de Troie. Clytemnestre parle d’un “plancher de broderies cramoisies à étendre / Pour le chemin du roi”.

Ce n’est pas seulement la première mention du tapis cramoisi, mais aussi la première suggestion d’une différence entre les personnes considérées comme “mortelles” et celles qui doivent être placées sur un piédestal. Même au cours de l’histoire, le protagoniste d’Eschyle répond en disant : “Je suis un mortel, un homme ; je ne peux pas fouler ces splendeurs teintées sans craindre d’être jeté sur mon chemin.”

Il est important de noter que Clytemnestre a cherché à se venger de son mari pour deux raisons : premièrement, parce qu’il revenait avec sa toute nouvelle concubine Cassandre, et deuxièmement, à cause du rôle d’Agamemnon dans la mort de leur fille, Iphigénie, dix ans plus tôt.

“Agamemnon part se battre (dans les guerres de Troie) et laisse sa femme Clytemnestre à la maison”, a expliqué Amy Henderson, historienne émérite à la National Portrait Gallery de Washington, dans un reportage CNN de 2019. “Il est absent pendant une longue période, et ils trouvent tous deux des personnes significatives. Quand il revient, il est amoureux de Cassandre et ramène sa concubine à la maison avec lui.”

Agamemnon avait raison d’être prudent, mais il a fini par céder et par marcher sur le tapis vermillon, mais sans ses sandales. Le tapis le conduira dans son palais, où il finira par être poignardé à mort dans sa baignoire par Clytemnestre. Tu parles de prémonitions ! “Elle déroule le tapis cramoisi pour le convaincre de marcher vers sa mort”, ajoute Henderson. Les récits diffèrent, mais Clytemnestre a soit assassiné Agamemnon dans son bain, soit il a été tué par son amant. Elle tue également Cassandre. “Ce n’est pas une belle histoire.”

Des érudits comme Jeanne Gutierrez, senior fellow en histoire des femmes à la New York Historical Society, ont déclaré que l’association avec la couleur rouge dans la Grèce antique était celle de la divinité et des dieux. “Il hésitait à marcher dessus parce que le rouge dans la Grèce antique était considéré comme une couleur divine”, a déclaré Gutierrez à TIME en 2019. Peut-être que la nuance elle-même était plus importante que le tapis rouge.

Clytemnestre hésite avant de tuer Agamemnon endormi, par Pierre-Narcisse Guérin. (Domaine public)

La Renaissance et la révolution industrielle

Curieusement, il y a très, très peu d’exemples enregistrés du tapis rouge et de son utilisation dans l’histoire après ce moment, jusqu’à l’histoire moderne. Il existe quelques cas isolés et non vérifiés d’utilisation du tapis rouge par l’élite à la Renaissance (en gros entre le 14e et le 16e siècle) en Europe occidentale. Dans le même temps, il n’existe pas suffisamment d’éléments historiographiques corroborant l’utilisation du tapis rouge comme symbole de pouvoir ou de statut.

Dans l’art de la Renaissance lui-même, l’utilisation de tapis et de moquettes rouges était fréquente, d’origine orientale, avec des motifs complexes. Ils apparaissent généralement dans les peintures de divinités, de saints et de membres de la royauté, ce qui, selon certains historiens, est dû à la préciosité de la teinture écarlate. Cette teinture, la plus difficile à fabriquer et la plus chère, était tirée de la cochenille, un insecte présent sur le continent américain. En fait, les Aztèques et les Mayas utilisaient fréquemment cette teinture et cette technique pour colorer les tissus.

Au XVIIe siècle, la teinture rouge est devenue un produit d’exportation populaire et très apprécié. Le prix de la teinture rouge a commencé à baisser au 16e siècle après la conquête de l’Amérique latine par l’Espagne. Comme ils l’ont fait avec le café, le tabac et plusieurs autres produits de base, les Espagnols ont pris le relais et en ont fait un commerce lucratif. Cela a incité d’autres concurrents coloniaux d’Europe occidentale à entrer sur le marché, qui ont commencé à produire des insectes cochenilles femelles pour vendre la teinture.

Cependant, la révolution industrielle a rendu la teinture omniprésente, et la teinture synthétique était disponible à la fin du XVIIIe siècle. Ce qui était associé à l’élite était désormais disponible en quantité massive pour les sections les plus pauvres de la société occidentale.

Tapis rouge pour la première de Robin des Bois à l’Egyptian Theatre en Californie, 1922. (Domaine public)

Le glitz et le glamour des temps modernes : La tradition du tapis rouge

Dans la période qui a suivi l’exportation de l’écarlate, la teinture cochenille est devenue populaire, un symbole avec la royauté et l’élite a continué à être d’un statut élevé. Le prochain exemple populairement enregistré du tapis rouge se produira au début du 19e siècle aux États-Unis. En 1821, une nouvelle association avec le tapis rouge et le transport a vu le jour, lorsque James Monroe, le cinquième président des États-Unis, est descendu d’un bateau de rivière en Caroline du Sud en guise de cérémonie. Depuis Prospect Hill (aujourd’hui Arcadia), un tapis rouge a été déroulé jusqu’à la rivière.

L’association contemporaine commence il y a un peu plus d’un siècle, et elle est également liée au transport et au statut social. Il s’agissait de l’emblématique Limited Express du 20e siècle sur le New York Central Railroad, qui a fonctionné de 1902 à 1967, transportant les gens de New York à Chicago beaucoup plus rapidement que jamais auparavant. Un tapis rouge était déroulé dans la gare de Grand Central pour les personnes qui montaient dans le train, ce qui a donné naissance à ce que l’on appelle le traitement “tapis rouge”.

En 1922, le concept a voyagé vers l’ouest pour la première de Robin des Bois à l’Egyptian Theatre en Californie, la première (et désormais centenaire) association avec Hollywood. Il sera honoré par le premier roi d’Hollywood, Douglas Fairbanks, lors de son arrivée pour la première. En 1961, les Academy Awards adopteront la tradition et la diffuseront à la télévision. Toutefois, la dernière pièce du puzzle est apparue en 1964, lorsque la cérémonie et la tradition ont été diffusées sur la télévision en couleur, faisant de cette cérémonie un phénomène de masse.

Ce n’est que dans les années 1990 que l’idée de fusionner Hollywood et la mode est devenue un concept synonyme. Cette époque a donné naissance aux créateurs et aux maquilleurs de célébrités, en particulier pour les femmes, soumises à l’examen intense du regard impitoyable du public. Les types de corps, les styles de maquillage, les coiffures et les tissus, jusqu’aux chaussures, portés sur le tapis rouge, sont devenus une partie de la conscience et du goût du grand public.

“Il est intéressant que le tapis rouge soit devenu synonyme de stars de cinéma qui, en un sens, sont devenues la royauté d’aujourd’hui”, a déclaré Sonnet Stanfill, conservateur principal au Victoria & Albert Museum, à BBC Culture en 2016. “L’évolution des picture house dans la seconde moitié du 20e siècle en a fait les palais du peuple. Il y a une certaine synergie dans le fait que le tapis rouge – qui était traditionnellement destiné à accueillir la royauté – accueille maintenant la royauté du cinéma”, a-t-il conclu.

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Source : Ancient Origins – Traduit par Anguille sous roche