Transhumanisme : La Singularité nous sauvera-t-elle de la mort ?


Alerte spoiler : tout le monde meurt.

Que devons-nous faire face à la mort ? Vivre, c’est vivre dans son ombre. La mort nous hante et façonne une grande partie de notre culture, notamment la religion.

Chacun d’entre nous sait qu’il va mourir, mais nous passons la majeure partie de notre vie à ignorer joyeusement ce fait. La semaine dernière, je suis tombée sur une citation de Jack London qui m’a vraiment forcée à me remettre en question par rapport à cette question écrasante. Aujourd’hui, je souhaite y réfléchir un peu, notamment à la lumière de ce que l’on appelle le transhumanisme et de sa tentative de “vaincre la mort”.

Carpe diem

Voici la citation :

“La fonction propre de l’homme est de vivre, non d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie. Je veux brûler tout mon temps.”

Jack London

Alors, quel est le rapport avec le transhumanisme ? En guise de définition générale, le transhumanisme est “la croyance ou la théorie selon laquelle la race humaine peut évoluer au-delà de ses limites physiques et mentales actuelles, notamment grâce à la science et à la technologie”. La limite ultime de l’être humain est, bien sûr, la mort. De nombreux transhumanistes espèrent utiliser la science pour échapper à la mort. C’est pourquoi certains envisagent de congeler leur cadavre dans l’espoir d’être réanimés plus tard, lorsque la technologie aura progressé.

L’espoir ultime réside dans “La Singularité”, lorsque la capacité des ordinateurs s’accélère de façon exponentielle, conduisant à une intelligence artificielle générale. Dans le cadre de cet éveil des machines, il sera également possible de télécharger sa conscience dans le silicium, ce qui garantira une sorte d’immortalité (tant qu’il y aura des machines pour stocker et traiter son “connectome”).

Personnellement, je trouve que les objectifs des transhumanistes sont à la fois tragiquement malavisés et dangereusement malavisés (au sens le plus littéral du terme). La partie malavisée est magnifiquement résumée dans la citation de London. Comment peut-il y avoir une vie sans mort ? Comment notre époque peut-elle avoir un sens sans son aboutissement ? Pour emprunter une page aux bouddhistes (et à beaucoup d’autres traditions spirituelles), la mort n’est pas simplement “là dehors”, quelque part. Chaque moment est un surgissement et une chute. Chaque instant est une naissance suivie d’une mort. Passer à côté de ce point, c’est passer à côté de ce qui rend la vie si poignante et si riche en buts et en potentiel.

Oui, la mort est effrayante et effrayante, mais d’un autre côté, je n’ai aucune idée directe de ce qu’elle implique réellement (n’ayant jamais été mort moi-même). Compte tenu de cette réalité, mon travail consiste à vivre cette vie aussi complètement que possible. Vous pouvez vous engager pleinement dans sa richesse, ses peines et sa beauté, ou vous pouvez passer à côté en vous inquiétant de savoir quand ou comment cet aspect de l’être se termine.

Le transhumanisme est une religion

Dans cette perspective, le désir transhumaniste de “vaincre” la mort ressemble aux pires formes de zèle religieux. La science et la pratique spirituelle sont toutes deux censées nous aider à regarder directement dans la vérité de la vie, de l’Univers et du Tout. La mort, quelle que soit sa signification, fait partie de ces trois éléments. S’efforcer de penser autrement, c’est malheureusement passer profondément à côté de l’essentiel.

Plus important encore, cependant, est l’absurdité de la conception transhumaine de ce que signifie être humain. Leur idée est que tout est littéralement dans la tête. Votre vie, dans la conception transhumaniste, est réductible aux calculs effectués dans votre cerveau. La totalité de votre expérience – sa vivacité, son immédiateté et l’étrange luminosité inéluctable de sa présence – n’est que de la viande informatique. Et si c’est le cas, qui a besoin de la viande ? Remplaçons simplement les neurones par des puces en silicium, et tout sera pareil. En fait, ce sera même mieux, et cela pourra continuer pour toujours.

Il y a tellement d’hypothèses et de croyances métaphysiques dans ces idées qu’il est difficile de savoir par où commencer. La plus importante, cependant, est cette réduction de la vie à l’informatique de la viande. Ce n’est vraiment rien de plus qu’un espoir injustifié. C’est un engouement pour une technologie qui se trouve définir la frontière de la technologie en ce moment. Mais après plus d’un demi-siècle de recherche sur l’IA, rien ne prouve que vous serez en mesure de vous télécharger dans une machine. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir d’interfaces cerveau-machine qui étendent la capacité d’effectuer des tâches simples. Mais tout comme nous ne parvenons pas à construire une “IA générale”, nous ne remplacerons pas l’holisme du “monde de la vie” par du silicium.

Si je suis tout à fait favorable à l’idée de prolonger un peu les années que nous avons à vivre (si ces années sont vraiment vécues), l’idée de “vaincre la mort” avec des machines ressemble plus à un cauchemar qu’à un rêve. Ne gâchons donc pas nos journées en essayant simplement de les prolonger, mais profitons plutôt de ce jour et de toutes les aventures d’apprentissage, de compassion et d’expérience qu’il promet.

Lire aussi : Adieu l’immortalité. Des scientifiques disent qu’il n’y a aucun moyen d’arrêter de vieillir

Source : Big Think – Traduit par Anguille sous roche


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1 réponse

  1. Maewan dit :

    Vivre éternellement est à la fois une psychopathie avérée parce qu’irréalisable en dépit de toutes les annonces tonitruantes faites pour les “douxe rêveurs ou les fameux “boomers” qui pètent de trouille à l’idée de ne plus jouir sans limite ; et également un cauchemar si c’était réalisable… voir de son vivant les délires, l’effondrement et la destruction de ce qu’on appelle la civilisation n’est certainement pas souhaitable.

    La poignée de dingos dont Elon Musk en tête sont particulièrement atteint du bulbe. Être considéré comme un exemple de “réussite” parce qu’un individu névrosé fait fortune, d’une façon parfaitement virtuelle de surcroît, est déjà en soi un sérieuse perturbation psychique.

    Nous vivons une époque de pervers en tout genre. Ça promet pour les années à venir…

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