Twitter va réduire la portée des « entités médiatiques contrôlées par un Etat » – du moins certaines


Twitter a décidé de marquer d’un libellé les comptes des médias « affiliés à un Etat » et de réduire leur portée. Tous ? Non : si RT ou CCTV se voient infliger ce stigmate, d’autres médias financés par des Etats comme France 24 ou la BBC y échappent.

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Twitter a pris la décision de signaler par un libellé des « comptes de médias gouvernementaux ou affiliés à un Etat ».

Ces libellés permettront, affirme Twitter, de fournir aux internautes « davantage de contexte » sur ces comptes. Mais ce n’est pas tout : les médias ainsi labellisés ne bénéficieront pas de recommandations de Twitter et leurs tweets ne seront pas amplifiés par la plateforme. En d’autres termes, leur portée sera limitée par rapport à tous les autres comptes.

Pourquoi une telle mesure ? « Contrairement aux médias indépendants, les médias liés à un Etat utilisent fréquemment leur couverture de l’actualité à des fins politiques », se justifie le réseau social, cité par l’AFP. Et d’ajouter : « Nous pensons que les gens ont le droit de savoir quand le compte d’un média est affilié directement ou indirectement à un acteur étatique. »

Le libellé en question s’affiche sur la page de profil des comptes concernés et sur les tweets publiés et partagés par ces comptes, selon les informations fournies par le géant du web. « Les libellés contiennent des informations sur le pays auquel le compte est affilié et indiquent s’il est géré par un représentant de gouvernement ou une entité médiatique affiliée à un Etat », précise-t-il encore.

Mais quels comptes exactement sont concernés ? « À l’heure actuelle, des libellés s’affichent sur les comptes Twitter concernés des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) », et plus précisément :

  • « les comptes gouvernementaux fortement engagés en matière de géopolitique et de diplomatie » ;
  • « les entités médiatiques contrôlées par un Etat » ;
  • « les individus, tels que les rédacteurs en chef ou les journalistes de premier plan, associés à des entités médiatiques contrôlées par un Etat ».

D’autres pays seront concernés à l’avenir.

Or, ces critères ne sont visiblement pas les seuls que Twitter prend en compte pour décerner ses libellés : d’ores et déjà, des différences de traitement apparaissent entre les médias financés par les cinq Etats membres permanents du Conseil de Sécurité.

Une discrimination… selon quels critères ?

Ainsi, le compte Twitter de RT France (de même, notamment, que RT en anglais, en espagnol, en allemand ou en arabe), financé par l’Etat russe, se voit gratifié du libellé «Média affilié à un Etat, Russie» ce soir du 6 août 2020…

rt

… de même que le compte du média financé par l’Etat chinois, CCTV.

cctv

Or le compte de France 24, média pourtant financé par l’Etat français, ne se voit pas stigmatisé de cette manière, ce soir du 6 août toujours.

france24

Le média public britannique BBC, non plus, n’a pas le droit au libellé « Média affilié à un Etat ».

bbcworld

Pas de libellé non plus sur le compte Twitter de National Public Radio (NPR), média financé par l’Etat américain.

npr

De même pour le compte Twitter de Radio Free Europe/Radio Liberty, média financé par le Congrès américain à travers la United States Agency for Global Media (USAGM).

Une discrimination idéologique ?

Pourquoi une telle différence de traitement ? « Les médias financés par les institutions étatiques mais jouissant d’une “indépendance éditoriale”, comme la BBC ou NPR […] ne seront pas concernés », rapporte l’AFP. En d’autres termes, Twitter se réserve le droit de désigner les médias jouissant d’une « indépendance éditoriale », et ceux qui n’en bénéficieraient pas… Selon quels critères, quels éléments, quels exemples ? Twitter ne le précise pas, laissant libre d’interpréter cette différence de traitement comme une discrimination politique.

« Ces réseaux sociaux sont partis en guerre idéologique contre ce qu’ils considèrent comme étant le camp du mal. Il leur sera désormais impossible de continuer à revendiquer leur statut de plateforme neutre. »

Pour l’avocat de RT France, Jérémie Assous, il s’agit d’une décision « discriminatoire » qui « illustre à merveille le parti pris des réseaux sociaux américains ». « Ces réseaux sociaux sont partis en guerre idéologique contre ce qu’ils considèrent comme étant le camp du mal. Il leur sera désormais impossible de continuer à revendiquer leur statut de plateforme neutre, ils devront être traités comme des éditeurs de contenu. Leurs arguments pour qualifier les “médias indépendants” de ceux qui ne le sont pas sont grotesques pour quiconque s’intéresse un tant soit peu aux médias », juge le juriste.

En tout état de cause, restreindre la liberté d’informer constitue, ni plus ni moins, une atteinte directe aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme. Celle-ci stipule en effet, à l’article 10 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. »

La décision de Twitter, pour autant, n’est guère surprenante au regard des discriminations que RT subit déjà : en mai dernier, YouTube a décidé de labelliser les médias publics ou gouvernementaux sous leurs vidéos, mais avec une différence sémantique notable : RT France est, selon le label de YouTube, « financée par le gouvernement russe », quand France 24 ou la BBC sont des « chaînes de service public »

La présidente de RT France dénonce une censure et un deux poids deux mesures

Xenia Fedorova, présidente et directrice de l’information de RT France, a dénoncé ce 6 août une censure et un « deux poids deux mesures », au sujet de cette décision du géant du web californien. « Twitter affuble notre média d’une “étiquette” et promet une “réduction de portée”. J’ai hâte de savoir si des mesures identiques seront prises à l’encontre de #France24 et d’autres médias financés par un Etat », a-t-elle tweeté.

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Par ailleurs, la présidente de RT France a rappelé que RT France était « une chaîne française, composée de journalistes français, qui a signé une convention avec le CSA, dispos[ant] d’une charte de déontologie, de syndicats de journalistes et d’un comité d’éthique ».

Lire aussi : En supprimant le débat médical, c’est Twitter qui met en danger les Américains

Source : RT France


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