Pour la première fois, la source d’un étrange sens quantique a été découverte chez un oiseau migrateur


Quand on est aussi petit qu’un rouge-gorge familier, traverser le continent pour l’hiver n’est pas un mince exploit.

Rouge-gorge familier – Wikimedia Commons

Nous connaissons maintenant son secret pour rester sur la bonne voie sur de vastes distances : une capacité innée à exploiter l’étrangeté qui se trouve au cœur de la physique quantique.

Longtemps considérée comme un moyen pour les animaux de ressentir l’attraction du faible champ magnétique terrestre, une réponse non classique à la lumière a été observée dans une protéine exprimée dans les yeux d’un oiseau chanteur migrateur nocturne.

Une collaboration entre des chercheurs d’institutions du monde entier a mis à l’épreuve le complexe protéique cryptochrome du petit oiseau pour voir comment il réagissait à une illumination continue et à des éclairs de lumière bleue, à l’intérieur et à l’extérieur d’un faible champ magnétique.

Bien qu’elle ne prouve pas que les petits oiseaux s’appuient sur une bizarrerie quantique de la chimie pour garder le cap lorsqu’ils traversent l’Europe, cette découverte apporte une preuve cruciale à l’appui de la théorie du rôle de la magnétoréception dans la navigation.

Au début de l’année, une équipe de chercheurs de l’université de Tokyo a découvert qu’une protéine similaire chez l’homme était capable de réagir à la lumière bleue de différentes manières, en fonction de la force d’un champ magnétique proche.

Certains atomes de la protéine, dont l’électron solitaire se balade dans sa coquille externe, peuvent être associés à un autre électron solitaire dans ce qu’on appelle une paire radicale, ce qui a pour effet d’enchevêtrer leurs caractéristiques.

La nature de ce partenariat peut être affectée par un champ magnétique. Frappée par une dose spécifique d’énergie sous la forme d’une lumière bleue, une paire radicale émettra une fluorescence différente selon la façon dont elle est enchevêtrée.

En d’autres termes, la nature quantique de la relation entre deux électrons dans la bonne structure de la protéine peut utiliser la lumière pour signaler différentes intensités d’un champ magnétique, même aussi faible que celui de la Terre.

Il s’agissait d’une découverte tout à fait étonnante, qui impliquait fortement que la biochimie était plus importante que ce que la physique classique pouvait expliquer à elle seule.

De plus, cette découverte pourrait expliquer comment certains animaux, comme les oiseaux migrateurs, pourraient « voir » l’alignement des lignes de champ qui distinguent les points de compas magnétique de la planète, une compétence qui serait utile comme aide à la navigation.

Il y avait juste un problème : ce cryptochrome était humain et provenait de cellules humaines. Ce que cela implique pour notre propre biologie est une question ouverte, mais le potentiel d’influence du cryptochrome à l’intérieur d’autres animaux restait discutable.

La place pour le débat s’est toutefois considérablement réduite avec la découverte qu’un cryptochrome purifié à partir du génome du rouge-gorge familier (Erithacus rubecula) – un animal qui migre occasionnellement des climats glacials de la Russie vers des habitats plus chauds de l’ouest et du sud de l’Europe – présente le même comportement quantique induit magnétiquement.

Les chercheurs ont comparé le cryptochrome du merle à un complexe protéique similaire copié sur des poules (Gallus gallus), un oiseau qui n’est pas connu pour effectuer des voyages plus ardus que la traversée d’une route occasionnelle.

En outre, les chercheurs ont analysé les cryptochromes de pigeons communs (Columba livia). Bien qu’ils soient connus pour retrouver le chemin de leur maison sur de longues distances, les pigeons ne sont pas techniquement migrateurs, ce qui a conduit l’équipe à supposer que leur propre cryptochrome n’a peut-être pas évolué sous les mêmes pressions que celui du merle.

Les tests de laboratoire suggèrent que les cryptochromes des rouges-gorges sont capables de détecter l’influence subtile du champ magnétique terrestre, plus que ceux des poules et des pigeons en tout cas.

Les études futures devront être menées de manière humaine et éthique sur des sujets vivants si nous voulons confirmer que les actions quantiques des cryptochromes indiquent effectivement aux rouges-gorges la direction à prendre pour passer l’hiver au chaud.

Quant à ce que le petit oiseau « voit » réellement lorsqu’il détecte un champ magnétique, nous ne pourrons jamais l’imaginer.

Peut-être une réaction plus forte à un environnement bleu dans une direction ? Peut-être ne voit-il rien – juste une vague inclination à penser qu’une direction est meilleure que l’autre ?

Il y a des secrets que même les bizarreries quantiques ne sont pas capables de révéler.

Cette recherche a été publiée dans Nature.

Lire aussi : Une nouvelle étude étonnante montre que les chiens peuvent utiliser le champ magnétique terrestre pour naviguer

Source : ScienceAlert – Traduit par Anguille sous roche


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