De l’autoroute à la table : des pneus en caoutchouc dans nos salades


Une nouvelle étude de l’Université de Vienne (Autriche) montre que la laitue absorbe facilement les particules produites par les pneus en caoutchouc des voitures lorsqu’elles roulent sur nos routes.

Gabriel Sigmund/ Université de Vienne.

Ces recherches s’inscrivent dans le cadre d’un ensemble de preuves de plus en plus nombreuses selon lesquelles des matériaux de tous les jours, tels que les bouteilles en plastique et les médicaments, se retrouvent dans notre alimentation, où leurs effets potentiellement néfastes sont encore inconnus.

En nous transportant, les pneus en caoutchouc créent des particules d’usure microscopiques qui contiennent des antioxydants, des accélérateurs de vulcanisation, des activateurs, des supports d’additif et des plastifiants. Selon les chercheurs, ces particules se retrouvent dans l’environnement à raison d’environ 1 kg par personne et par an. Elles finissent par se retrouver dans le sol des terres agricoles sous l’effet conjugué des dépôts atmosphériques, du ruissellement des routes et des boues des stations d’épuration utilisées par les agriculteurs comme engrais. En fait, selon les chercheurs, environ 93 % des particules de pneus subsistent après le passage des eaux usées dans ces stations. Selon une estimation, entre 1 400 et 2 800 tonnes de particules d’usure sont répandues chaque année sur les terres agricoles rien qu’en Allemagne.

De précédentes recherches de l’Université de Vienne ont montré que nombre de ces particules finissent par libérer des polluants dans les couches supérieures du sol, mais l’équipe était curieuse de savoir ce qui pourrait se passer si les produits chimiques voyageaient plus bas. Pouvaient-ils pénétrer dans les systèmes racinaires et être absorbés par les plantes ?

Pour le savoir, des plants de laitue ont été placés dans une solution hydroponique dans laquelle cinq polluants issus de pneus ont été ajoutés. Les chercheurs soulignent que tous les composés testés ne se sont pas encore révélés toxiques, à l’exception d’un seul : la 6PPD-quinone, qui a été liée à la mort massive de saumons dans le nord-ouest des États-Unis.

Résumé graphique de l’étude. (Stephanie Castan et col./ Environmental Science & Technology)

Selon Anya Sherman, doctorante au Centre for Microbiology and Environmental Systems Science (CMESS) et coauteure de l’étude :

Nos mesures ont montré que les plants de laitue ont absorbé tous les composés que nous avons étudiés par leurs racines, les ont transférés dans les feuilles de laitue et les y ont accumulés.

L’équipe a également essayé d’ajouter des fragments de pneus à l’eau et elle a constaté que les plants de laitue continuaient à absorber les polluants. Qui plus est, celles-ci ont métabolisé les produits chimiques en de nouvelles substances.

Selon Thorsten Hüffer, chercheur principal au CMESS :

Les plantes ont transformé les substances et, ce faisant, elles ont produit des composés qui n’ont pas été décrits auparavant. Comme nous ne connaissons pas la toxicité de ces métabolites, ils présentent un risque pour la santé qui ne peut être évalué jusqu’à présent.

Les chercheurs soulignent que si ces produits chimiques sont stables dans les plantes de laitue, ils pourraient être débloqués lorsqu’ils sont consommés.

Selon Sherman :

Dans le corps humain… de tels composés sont très facilement décomposés. Ainsi, si quelqu’un mange une salade ainsi contaminée, les produits chimiques initiaux pourraient être libérés à nouveau dans le corps.

Dans la prochaine phase de la recherche, l’équipe va expérimenter avec des plantes placées dans le sol (à la différence de l’hydroponie) pour voir comment elles interagissent avec les particules de pneu.

L’étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology : Uptake, Metabolism, and Accumulation of Tire Wear Particle-Derived Compounds in Lettuce et présentée sur le site de l’Université de Vienne : From the road to the plate: lettuce takes up toxic additives from tyre wear.

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Source : GuruMeditation


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