Un « programme caché » de la faculté de médecine forme les médecins à moins d’empathie


Le manque d’empathie dans les soins de santé peut être désastreux.

Au Royaume-Uni, entre 2005 et 2009, des centaines de décès évitables sont survenus au Mid Staffordshire NHS Foundation Trust. Le rapport Francis, qui a enquêté sur les causes de ces défaillances, a conclu que le manque d’empathie avait contribué à la catastrophe.

Plus récemment, des dizaines de décès tragiques et inutiles de nourrissons et de mères sont survenus dans les hôpitaux de Shrewsbury et de Telford. Le rapport Ockenden, qui a enquêté sur les causes de ces décès, a déclaré que le manque d’empathie avait exacerbé le problème.

Par ailleurs, des recherches suggèrent que l’empathie chez les médecins pourrait même réduire le nombre de décès prématurés chez les patients atteints de diabète de type 2.

L’empathie est une compétence essentielle que les étudiants en médecine doivent posséder. Le General Medical Council, qui fixe les normes et les résultats de l’enseignement et de la formation des étudiants en médecine au Royaume-Uni, affirme que l’empathie est au cœur de sa stratégie.

Cependant, un « programme caché » dans les facultés de médecine peut réduire l’empathie des étudiants en médecine. Une nouvelle étude, publiée dans BMC Medical Education, est la première à démontrer systématiquement pourquoi l’empathie diminue au cours de la formation médicale et soulève des questions importantes sur les priorités de l’enseignement médical actuel.

On sait que l’empathie réduit la douleur des patients et améliore leur satisfaction à l’égard des soins, et qu’elle protège contre l’épuisement professionnel des médecins. Elle est également rentable, selon une étude qui a comparé des consultations empathiques plus longues à des consultations standard.

Compte tenu de son importance, on pourrait espérer que l’empathie se développe tout au long des études de médecine. Pourtant, les niveaux d’empathie des étudiants en médecine diminuent souvent au fur et à mesure de leur formation.

Dans une revue systématique publiée récemment, mes collègues et moi-même avons analysé les données de 16 études qualitatives et de 771 étudiants en médecine. Notre analyse a porté sur toutes les études qualitatives examinant les raisons pour lesquelles l’empathie pourrait changer au cours des études de médecine.

Nous avons constaté que lorsque les étudiants en médecine passent de la première phase des études médicales, qui consiste principalement en des cours magistraux, à la deuxième phase des études médicales, qui est plus clinique et plus proche des patients, ils sont confrontés à un programme d’études informel « caché ».

Ce programme comprend des influences subtiles et non formelles sur les étudiants. Par exemple, l’accent est souvent mis de manière déséquilibrée sur le modèle biomédical de la maladie, qui se concentre sur le corps en tant que machine, par rapport au modèle « biopsychosocial » de la maladie, qui inclut des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux.

Mais la façon dont le programme d’études est structuré pour créer une charge de travail stressante et pour promouvoir l’influence de modèles (qui peuvent eux-mêmes faire preuve de peu d’empathie) a également un effet.

Les étudiants, qui ont probablement peu d’expérience de ce qu’est un patient, s’adaptent souvent à ce programme caché en développant le cynisme et en devenant émotionnellement distants et désensibilisés. Ce qui, à son tour, diminue l’empathie.

Comme toutes les études, notre analyse présente certaines limites. Les études incluses dans l’analyse étaient de petite taille, très peu provenaient de pays autres que l’Europe ou l’Amérique du Nord, et beaucoup étaient de qualité limitée. Toutefois, la remarquable cohérence des thèmes identifiés justifie des efforts rigoureux pour inverser le déclin de l’empathie.

Comment résoudre le problème

En mettant en lumière la cause du déclin de l’empathie, notre étude ouvre la voie à des programmes éducatifs qui favorisent, maintiennent et même améliorent l’empathie chez les étudiants en médecine. Ces interventions sont décrites brièvement ci-dessous.

  1. Faire en sorte que les étudiants « se mettent à la place des patients », par exemple en leur faisant passer la nuit dans la salle d’urgence ou en leur faisant porter des combinaisons de simulation d’âge. En faisant vivre aux étudiants l’expérience d’être un patient, on leur donne une perspective plus empathique.
  2. Équilibrer l’accent mis sur le modèle biomédical et l’enseignement du modèle biopsychosocial plus holistique de la maladie. Les patients sont de plus en plus complexes et viennent consulter leur médecin pour des problèmes physiques, psychologiques et sociaux qui s’entremêlent. Le modèle biopsychosocial est mieux adapté pour comprendre et traiter ces patients.
  3. Faire entrer de vrais patients dans la salle de classe lorsque les élèves apprennent des faits sur le corps. En combinant des histoires de patients avec des faits sur le corps humain, le passage de l’amphithéâtre aux stages cliniques est moins choquant.
  4. Une formation à la communication empathique efficace et fondée sur des données probantes. Si toutes les écoles de médecine enseignent les techniques de communication, l’efficacité de la formation varie. Les techniques de communication empathique se sont avérées efficaces et comprennent l’expression de la compréhension, le comportement non verbal (hochement de tête, inclinaison vers l’avant) et l’optimisme.
  5. Formation à l’utilisation de modèles et soutien par les pairs. On sait que les modèles ont une forte influence sur le comportement des étudiants en médecine, mais la mesure dans laquelle les médecins font preuve d’empathie varie. L’amélioration de l’empathie des médecins que les étudiants rencontrent favorisera donc l’empathie des étudiants en médecine.

La mise en œuvre de ces interventions sur l’empathie est difficile compte tenu des pressions exercées sur le programme très chargé des facultés de médecine. Mais c’est possible. Le Stoneygate Centre for Empathic Healthcare de l’université de Leicester est en train de les développer et de les piloter.

L’empathie est bénéfique pour les patients et les praticiens, mais elle diminue tout au long des études de médecine. Maintenant que nous avons identifié les causes de cette détérioration, les facultés de médecine peuvent se concentrer sur les interventions du programme d’études qui la renforcent.

Lire aussi : Un banquier d’affaires s’exprime : « C’est une industrie qui récompense les psychopathes »

Source : The Conversation – Traduit par Anguille sous roche


Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *