Une fissure dans votre poêle antiadhésive peut libérer des milliers de produits chimiques dangereux
Rappelez-nous pourquoi nous enduisons nos ustensiles de cuisine de produits chimiques cancérigènes ?
Le 6 avril 1938 est l’un de ces jours qui ont changé le monde. Un jeune chercheur scientifique, qui travaillait pour l’entreprise chimique DuPont afin de mettre au point de nouveaux types de réfrigérants, s’est aperçu qu’un gaz connu sous le nom de tétrafluoroéthylène, ou TFE, s’était accidentellement polymérisé à l’intérieur de l’une de ses éprouvettes, donnant naissance à une substance solide et cireuse dotée de propriétés de résistance extrême à la chaleur, de faible friction de surface et de haute résistance à la corrosion.
Cette nouvelle substance étrange, initialement appelée polytétrafluoroéthylène, ou PTFE, allait bientôt se retrouver dans tous les aspects de la vie. Il a joué un rôle essentiel dans le projet Manhattan, il a été tissé dans des manteaux imperméables et des combinaisons spatiales et, surtout, il a trouvé sa place dans presque toutes les cuisines du pays. Son nom commercial : Teflon.
Mais plus de 70 ans plus tard, le Téflon n’est plus le produit chimique miraculeux qu’on célébrait autrefois. Aujourd’hui, il est plus connu comme l’un des nombreux “produits chimiques éternels” – les substances per- et polyfluoroalkyles, plus familièrement appelées PFAS, qui sont omniprésentes dans nos réserves d’eau, nos collections de maquillage et, ce qui est inquiétant, dans des endroits comme notre foie ou nos cordons ombilicaux.
“Le revêtement antiadhésif Téflon est généralement un membre de la famille des PFAS”, explique Cheng Fang, chercheur principal au Global Centre for Environmental Remediation de l’université de Newcastle, et co-auteur d’un récent article révélant comment des millions de ces minuscules particules de plastique peuvent être transférées de nos poêles et casseroles antiadhésives dans notre environnement.
“Étant donné que les PFAS sont très préoccupants, ces microparticules de téflon dans notre alimentation pourraient être un problème de santé”, a-t-il déclaré dans un communiqué publié le mois dernier. “[Il] faut enquêter car nous ne savons pas grand-chose sur ces contaminants émergents.”
C’est donc précisément ce que l’équipe a fait. En utilisant une technique appelée spectroscopie Raman, qui permet aux chimistes d’identifier les molécules en mesurant leurs structures vibratoires individuelles, et en appliquant une approche algorithmique nouvellement développée pour détecter la présence de microplastiques, les chercheurs ont découvert qu’une seule fissure dans le revêtement en téflon d’une casserole ou d’une poêle peut libérer environ 9 100 particules de plastique. Les revêtements cassés en général peuvent libérer jusqu’à 2 300 000 microplastiques et nanoplastiques, indique l’article.
Ces chiffres sont inquiétants. Les PFAS sont connus depuis longtemps pour leurs propriétés cancérigènes, ainsi que pour toute une série d’autres problèmes de santé. Ils peuvent interférer avec les niveaux d’hormones, entraver notre capacité à nourrir nos bébés et même réduire nos réponses immunitaires contre les infections et les virus.
En d’autres termes, ce n’est pas le genre de choses que nous voulons voir joncher nos assiettes. “Des recherches supplémentaires sont recommandées pour évaluer les risques des microplastiques et des nanoplastiques en téflon, étant donné que le téflon fait partie de la famille des PFAS”, a déclaré Youhong Tang, professeur au College of Science and Engineering de l’université Flinders, dans le communiqué.
D’ici là, l’étude n’est que la dernière d’une série de découvertes révélant à quel point les PFAS menacent la santé humaine et environnementale – un problème à propos duquel, il devient de plus en plus clair, nous sommes encore pour la plupart dans le noir.
“Cette étude nous met fortement en garde”, a déclaré M. Tang. “Nous devons faire attention au choix et à l’utilisation des ustensiles de cuisine pour éviter la contamination des aliments.”
L’étude est publiée dans la revue Science of The Total Environment.
Source : IFLScience – Traduit par Anguille sous roche
