Covid-19 : l’approche de suivi de la propagation du virus par smartphones fait un bide partout


Avec des pourcentages d’installation des applis très en deçà de ceux requis pour son efficacité.

applis

Trois mois après le lancement des premières applications de suivi de la propagation du coronavirus via smartphones, l’heure est comme qui dirait au bilan. Les chiffres parlent et le moins qu’on puisse dire en se basant sur ces derniers est que l’approche ne connaît pas de succès. D’un pays à l’autre, le dénominateur commun est que les pourcentages d’installation des applications sont très en deçà de ceux requis pour qu’elle soit efficace. Considérations en lien avec la vie privée, difficultés techniques, etc. Qu’est-ce qui explique cet échec ?

Japon : 126 millions d’habitants ; 7,7 millions de téléchargements de l’application de suivi ; seulement 27 cas positifs signalés par cette dernière. Italie : 60 millions d’habitants ; 4,2 millions de téléchargements de l’appli ; Allemagne : 83 millions d’habitants ; 16 millions d’installations de l’application lancée par le gouvernement. Ce sont des chiffres de la BBC qui présentent une tendance similaire à ceux d’un sondage de Sensor Tower, lequel révèle que seuls 3,1 % des Français ont adopté l’application StopCovid. Les experts sont clairs sur la question : la plus grande majorité doit procéder à l’installation de l’application lancée par les autorités d’un pays donné pour qu’elle puisse rendre satisfaction. Une étude publiée par l’Université d’Oxford (pour ne citer que celle-là) révèle qu’une telle application ne peut être utile que si elle était utilisée par plus de 60 % d’une population.

Dans le processus de gestion de la crise sanitaire, la plupart des pays ont opté en premier lieu pour l’approche de suivi par smartphones avec serveur centralisé. En général, ces applications utilisent le même principe de fonctionnement. Elles s’appuient sur la technologie Bluetooth pour noter les contacts étroits entre citoyens – le système génère des identifiants anonymes des smartphones de personnes qui se sont approchées les unes des autres de moins de deux mètres, ce, pendant 30 minutes. Des identifiants anonymes des smartphones dans ladite configuration sont ensuite envoyés vers un serveur central géré par des responsables de la santé. L’approche devait permettre à ces derniers d’être en mesure d’observer de façon directe et potentiellement de contacter les personnes susceptibles d’être entrées en contact avec des porteurs du virus. Elle s’est néanmoins vite retrouvée sous le feu des critiques, car considérée à la fois comme un risque pour la sécurité et la vie privée par les critiques/ Motif : possibilité de transmission de données médicales potentiellement sensibles à une seule source et ouverture de la voie à une future surveillance par les États.

Le cas d’Israël en est une illustration. En effet, le Premier ministre israélien – Benjamin Netanyahu – a, dans le cadre de la gestion de cette crise sanitaire, autorisé l’agence de sécurité intérieure du pays à puiser dans une vaste banque de données de téléphones portables (GPS), jusqu’alors non divulguée, pour retracer les mouvements des personnes qui ont contracté le coronavirus et identifier d’autres personnes qui devraient être mises en quarantaine parce que leurs chemins se sont croisés.

C’est en raison de ce climat de crise de confiance, qui a eu un impact négatif sur l’adoption de l’approche de suivi avec serveur centralisé, que des États sont passés à l’approche de suivi avec stockage de données décentralisé. La Suisse était la première à se lancer sur cette voie qui s’appuie sur l’API Google-Apple. L’Allemagne lui avait emboîté le pas avec ce qui est désormais considéré comme un modèle d’application de suivi dans l’espace de l’Union Européenne. À date, le code source de Corona-Warn-App est disponible en open source. Dans le principe, l’application se sert de la technologie Bluetooth pour transmettre un identifiant anonyme à un autre utilisateur qui se trouve à proximité pendant un temps défini. Lorsqu’une personne est dépistée comme porteuse du virus, un message anonyme est envoyé à toutes les personnes dont les identifiants ont été récupérés par l’appareil du malade. Le problème est néanmoins demeuré le même : pas de décollage des installations de ces versions d’applications alignées sur l’approche de stockage décentralisé.

Le difficile équilibre entre droits individuels et intérêt général

Les pays où ces dispositifs de suivi (de la propagation du virus via smartphones) ont du succès sont ceux qui ont mis en place des politiques de gestion qui s’écartent de celles mises en œuvre dans des espaces comme l’UE sur un point principal : celui en lien à la question de volontariat.

Dans le cas de Singapour, les personnes susceptibles d’avoir été exposées au nouveau coronavirus (en particulier celles qui revenaient de l’étranger) ont été soumises à des périodes d’isolement à domicile de 14 jours. Les patients confirmés pour leur part ont été hospitalisés. Pour faire respecter les périodes d’isolement à domicile, les fonctionnaires demandaient aux citoyens d’activer les services de géolocalisation sur leur smartphone et de cliquer de façon périodique sur un lien envoyé par SMS. Ce lien signalait leur position, confirmant qu’ils restaient effectivement chez eux. Ces derniers devaient répondre aux messages dans un court laps de temps pour empêcher que des tiers ne trichent en laissant leur téléphone pendant qu’ils s’aventurent à l’extérieur. En sus, les autorités ont procédé à des descentes sur le terrain pour confirmer la localisation des personnes placées en quarantaine.

À Taïwan, les porteurs potentiels du virus sont dotés d’un smartphone équipé d’un GPS et d’une application de pistage. Ces dispositifs font office de « barrière électronique » et permettent de garantir que les personnes en quarantaine restent chez elles en prévenant les forces de l’ordre si ces dernières sortent de quarantaine, s’éloignent de leur domicile ou éteignent leur téléphone. La police locale appelle jusqu’à deux fois par jour pour s’assurer que les personnes en isolement se trouvent là où ils devraient être.

C’est des exemples pour illustrer le dilemme auquel l’humanité fait face. L’humanité fait face à une situation de santé globale. Il existe une technologie qui pourrait être vraiment utile pour mesurer en temps réel l’efficacité (ou non) des politiques publiques. Mais elle est si intrusive qu’en temps normal, on hésiterait à en faire usage. Toute la question est de savoir si elle ne devrait pas faire l’objet de plus d’adoption par les populations d’espaces comme celui de l’UE, ce, pour la durée de la période de crise. C’est l’après qu’il faudra ensuite envisager. Avec les événements du 11 septembre, les USA sont passés par une situation (d’urgence) similaire. Cette urgence a conduit le pays, pris de panique, à mettre en place l’État de surveillance qu’Edward Snowden a fini par exposer en 2013. Une fois qu’un gouvernement s’engage dans ce genre de choses, il semble qu’il n’y ait pas de retour en arrière.

Lire aussi : StopCovid : l’application collecte bien plus de données que ce que le gouvernement avait annoncé

Sources : DeveloppezBBC


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