Une percée dans le domaine des fibres optiques a permis de transformer un câble sous-marin en 12 sismographes


Elle ne nécessite aucune modification de l’infrastructure sous-marine.

Une carte montrant le réseau de câbles de fibre optique sous-marins. DNI

Un câble de 5 860 km de long s’étend de l’est du Canada à la côte ouest du Royaume-Uni. Ce câble sous-marin fait partie de la vaste infrastructure cachée de l’internet qui transporte des données à travers les océans en bien moins de temps qu’il n’en faut pour cligner des yeux. Mais ce câble particulier a une autre fonction.

Selon un article publié jeudi dans la revue à comité de lecture Science, le câble peut se transformer en un réseau ultramoderne de plus de 100 capteurs qui détectent l’activité sismique. Lors de tests effectués en novembre dernier, le câble a enregistré un tremblement de terre de magnitude 7,5 qui a secoué le nord du Pérou, à des milliers de kilomètres de là.

“La technique que nous présentons a le potentiel de transformer nos capacités de surveillance de la Terre”, selon les auteurs. Ils affirment que “le plancher océanique pourrait être équipé de milliers de capteurs [de ce type] sans modifier l’infrastructure de télécommunication sous-marine existante”.

Ces résultats font progresser une technique naissante

Le premier câble permettant une communication rapide entre l’Amérique du Nord et l’Europe – via le télégraphe – a été posé avant la guerre de Sécession. Dans les années 1990, les gouvernements et les entreprises ont commencé à poser des câbles sous-marins à fibres optiques qui utilisent la lumière pour transmettre des quantités gargantuesques de données internet. Trois décennies après l’installation des premiers câbles de fibre optique, environ 1,2 million de kilomètres de câbles sillonnent les mers et les océans de la planète.

Il y a cinq ans, un groupe de chercheurs a eu l’idée d’utiliser ce réseau pour surveiller les changements subtils sur le plancher océanique, y compris les signes révélateurs de tremblements de terre et de tsunamis. Les premières versions de cette technologie empruntaient des techniques utilisées par les ingénieurs de l’industrie pétrolière et gazière pour étudier les gisements de combustibles fossiles. Ils mesuraient la rétrodiffusion des signaux qui rebondissaient sur les molécules présentes dans les câbles. Ces signaux contenaient des informations précieuses sur l’état physique du câble, notamment sur l’activité sismique qui se produisait dans le sol où il était posé. D’autres chercheurs ont trouvé le moyen d’effectuer des calculs similaires en mesurant la polarisation des ondes lumineuses lorsqu’elles se déplacent le long du câble.

Ces méthodes présentent un énorme inconvénient : le câble entier agit comme un seul capteur. Il n’est donc pas impossible de recueillir des données utiles, mais cela pose quelques problèmes. Tout d’abord, il existe un potentiel énorme de bruit si fort qu’il peut être extrêmement difficile de trouver le signal – les secousses d’un tremblement de terre, par exemple. Cela limite également la quantité de données qui peuvent être collectées à un moment donné. Quelle que soit la longueur du câble, il ne peut créer qu’un seul point de données à la fois. Toute personne souhaitant extrapoler des informations utiles à partir de ce type de système devrait trianguler les données de plusieurs câbles pour déterminer l’origine d’une perturbation sismique.

La nouvelle méthode résout ces problèmes.

La méthode exploite deux aspects clés de la conception des câbles

Les câbles sous-marins à fibres optiques ne sont pas de simples voies à sens unique pour les photons. Les câbles modernes sont équipés de dispositifs appelés répéteurs qui détectent le signal entrant et l’amplifient pour la prochaine étape de son voyage. Les répéteurs sont situés tous les 45 à 90 km le long d’un câble, divisant la longue distance en dizaines de “travées” plus courtes.

Au lieu d’utiliser le câble entier comme un seul capteur, la technique décrite dans le nouvel article utilise chaque travée comme son propre capteur. Cette approche réduit la quantité de bruit par capteur tout en augmentant considérablement le nombre total de capteurs. Et au lieu de s’appuyer sur la rétrodiffusion ou la polarisation pour détecter les changements physiques subtils dans le câble, la méthode décrite dans l’article de jeudi tire parti des fibres spéciales qui relient les répéteurs.

“Ces voies de retour sont utilisées par le câblo-opérateur pour vérifier périodiquement l’état des amplificateurs optiques”, expliquent les chercheurs. “Ces contrôles sont généralement effectués selon un calendrier ou en cas de dysfonctionnement, ce qui laisse ces voies inutilisées la plupart du temps”, précisent-ils. Les chercheurs ont réussi à détecter les tremblements de terre en mesurant soigneusement la façon dont la lumière changeait lorsqu’elle voyageait le long de ces voies.

Les câbles sous-marins pourraient surveiller les tremblements de terre et faire la lumière sur le changement climatique

Les chercheurs ont testé la nouvelle technique en utilisant seulement 12 travées du câble transatlantique reliant le Canada et le Royaume-Uni. Même avec ce réseau limité, ils ont réussi à détecter deux tremblements de terre et les signaux de l’ouragan Larry. Avec un peu de chance, ce projet pilote n’est qu’un début.

“En convertissant les câbles sous-marins en réseaux de capteurs environnementaux, on pourrait mettre en place un vaste réseau de centaines ou de milliers de capteurs permanents et en temps réel sur le fond marin sans modifier l’infrastructure sous-marine existante”, écrivent-ils. Un réseau de cette taille pourrait permettre de détecter les tremblements de terre et les tsunamis avec une meilleure précision et une meilleure résolution que les méthodes actuelles.

Le réseau pourrait également permettre des recherches scientifiques qui sont beaucoup trop coûteuses avec la technologie actuelle. “La possibilité d’enregistrer des phases sismiques au milieu des bassins océaniques pourrait permettre d’obtenir des images de structures auparavant obscures, telles que les dorsales médio-océaniques et les zones de faille océaniques”, écrivent-ils.

Cette technique pourrait également contribuer à l’élaboration de modèles climatiques plus précis. “La sensibilité du câble aux courants d’eau pourrait être explorée pour améliorer notre compréhension des flux en eaux profondes… y compris le ralentissement proposé des courants océaniques en raison de l’augmentation des températures mondiales”, écrivent-ils.

Lire aussi : Le câble sous-marin de Facebook deviendra le plus long du monde avec 37 000 km

Source : Interesting Engineering – Traduit par Anguille sous roche


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