La philosophie m’a sauvé de la pauvreté et de la drogue : Voilà pourquoi je l’enseigne aux enfants


Pouvez-vous être une bonne personne si vous faites de mauvaises choses ? Qui devrait avoir le pouvoir ? Ce sont des questions qui ont un grand intérêt pour les jeunes issus de milieux en difficulté.

Quand je dis aux gens que j’enseigne la philosophie aux enfants, leur réaction est presque toujours la même : «Ça alors, tu veux dire dans une école privée ?” Quand je leur dis que je travaille surtout à Deptford, Brixton et Whitechapel avec les enfants recevant des repas scolaires gratuits, ils ont l’air étonné.

Qui peut les blâmer ? Les philosophes remuent leur thé en réfléchissant à comment nous savons que le soleil se lèvera demain, alors que les classes ouvrières se demandent si il y a suffisamment d’argent sur le compte bancaire pour aujourd’hui, correct ?

En grandissant, mon père, mon frère et mon oncle étaient souvent en prison pour des crimes violents et liés à la drogue, tandis que ma mère cumulait deux emplois. Les enseignants ont essayé de faire le maximum avec moi, mais plus ils me disaient : “Vous avez le choix”, plus j’étais convaincus qu’ils ne savaient rien sur le monde réel. Mes pairs ne pouvaient pas comprendre les réalités de mon expérience.

J’ai quitté l’école très tôt. Afin de calmer mon beau-père, j’ai dis que je rejoindrai l’armée, mais l’autorité là-bas m’a vite fait quitter les lieux. En achetant des bonbons dans mon supermarché local, j’ai compris que je pourrais y travailler bientôt. Si tel était mon avenir, le soleil ne viendrait pas demain. Je savais que beaucoup d’enfants faisaient du trafic de drogues de là où je venais. Ils avaient de bons enseignants aussi. Mieux que les miens j’ai pensé.

Plus tôt cette année, un enseignant avait photocopié le cours d’un ex-étudiant et écrit mon nom dessus. Je le respectais pour avoir enfreint les règles; Je sentais qu’on me donnait une chance. Son geste m’a aidé à comprendre qu’il y avait des enseignants qui essayaient de m’aider. Donc, je suis allé à une journée portes ouvertes d’une université où le professeur de philosophie a posé la question : “Comment savons-nous que nous ne sommes pas en train de rêver cette réalité ?”.

Perdu dans ma propre réalité, j’ai embrassé cette chance de débattre avec la vraie nature des choses. Comme nous avons discuté, je me suis rendu compte que l’aliénation qui a soutenu mon identité pourrait être transformée dans des pensées, des essais, des grades; cela pourrait être les éléments essentiels d’un enseignement. Dans cette salle de classe, ma nature argumentative était une vertu et pourrait être moulée en compétences plus nuancée. J’ai décidé de reprendre les études pour que je puisse apprendre la philosophie. Le soleil pourrait bien venir demain.

Principalement en raison de l’accès que j’avais à la philosophie, j’ai été amené en toute sécurité loin du bord de l’abîme où ma vie vacillait ci-dessus. Mais mon histoire est-elle simplement une anomalie ? Est-ce encore une autre histoire de la mobilité sociale qui est aussi peu représentative car elle est rédemptrice ? Les recherches menées par l’Institut de l’éducation ont montré que plusieurs séances de philosophie ont amélioré les compétences en lecture des enfants par rapport à un groupe témoin. Si la philosophie est rendue plus accessible aux enfants de la classe ouvrière, alors les histoires comme la mienne ne sembleront pas si inhabituelles.

Peter Worley a développé une stratégie de questionnement qui, je crois, permet aux enfants d’accéder à la philosophie, indépendamment de leur identité culturelle. Lorsque l’enseignant montre une peinture à la classe, il demande : qu’est-ce que l’art ? Lorsque l’enseignant raconte une histoire sur un navire qui a toutes ses parties remplacées par de nouvelles, ils demandent : est-ce le même bateau ?

Les deux sont des questions philosophiques. La question de l’art est plus accessible à des enfants qui ont été voir des galeries, mais les enfants qui n’ont pas été sur un navire seront toujours en mesure de discuter des thèmes de l’identité derrière la question du navire. Fondamentalement, la question du navire crée une classe inclusive parce que c’est une question fermée et il faut que l’enfant ait seulement une intuition positive ou pas de réactions. C’est alors le travail du professeur de philosophie d’aider l’enfant à développer sa réponse dans un argument raisonné. Pour répondre à la question de l’art, l’enfant doit être précis avant de répondre, la question du navire est conçue pour aider les enfants à devenir plus clairs et précis dans leurs réponses.

J’enseigne la philosophie dans les écoles, car elle permet aux jeunes de défier l’autorité et de s’exprimer d’une manière qui crée plutôt que détruit leurs chances dans la vie. Les questions philosophiques telles que «Qui devrait avoir le pouvoir ?” et “Pouvez-vous être une bonne personne si vous faites de mauvaises choses ?” sont universellement évocatrices; si nous avons les moyens de les rendre universellement accessible, alors nous devons le faire. Si le soleil se lève demain ou non peut en dépendre.

Source : The Guardian


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