Confiance dans les médias : la France derrière la Roumanie et la Bulgarie


Le Reuters Institute for the Study of Journalism (RISJ) publie chaque année un rapport analysant l’activité des consommateurs sur le secteur des médias au niveau mondial.

L’édition 2022 de cette étude, la onzième, vient de paraître et a été rédigée en interrogeant 93 000 « consommateurs » de médias répartis sur tous les continents et 46 marchés distincts. Tour d’horizon de ce rapport qui fait autorité et est habituellement largement repris par les grands médias. Sans oublier un coup d’œil sur ses commanditaires.

Les Français n’y croient plus

Selon cette étude, 29 % des Français ont confiance dans les médias, un chiffre qui atteint 33 % en Roumanie, 38 % en Bulgarie ou encore 42 % en Pologne. La France fait au côté de la Hongrie, de la Slovaquie et de la Croatie partie des pays de l’Union européenne dans lesquels moins d’une personne interrogée sur trois déclare avoir confiance dans les médias.

C’est dans les pays germaniques et ceux du Nord de l’Europe que les citoyens ont le plus confiance dans les médias : 69 % en Finlande, 58 % au Danemark, 56 % en Norvège et aux Pays-Bas, 50 % en Suède, 50 % en Allemagne et 41 % en Autriche. Nos amis belges et suisses ne s’en sortent pas trop mal avec respectivement 51 % et 46 %, alors que le Portugal fait exception au sein des pays latins et atteint 61 %.

Le Brexit, Trump, les Gilets jaunes et le Covid sont passés par là

Le Reuters Institute ose l’écrire noir sur blanc :

« […] le manque de confiance dans les informations est moins lié à des clivages politiques idéologiques qu’à un clivage entre les ‘nantis’ et les ‘démunis’. En France, par exemple, nous constatons que les divisions portent davantage sur le revenu et l’éducation que sur l’allégeance à un parti. Pendant les manifestations des Gilets Jaunes, par exemple, les médias ont souvent été perçus comme s’alignant sur les élites. »

Un élitisme que l’étude note aussi dans le cas du Royaume-Uni avec le Brexit et aux États-Unis avec la présidence Trump. Dans ces trois pays, la narration sanitaire liée au Covid fait suite à des épisodes ayant déchiré les sociétés, d’où des chutes conséquentes dans le classement de confiance dans les médias.

Les États-Unis — au côté de la Slovaquie — sont bons derniers de ce classement : seulement 26 % des Américains ont confiance dans les médias (une chute de trois points en à peine un an). Au Royaume-Uni, cette dégradation est surtout palpable lorsqu’on s’intéresse à la confiance dans une véritable institution médiatique, la BBC. De 2018 à 2022, la confiance dans la BBC est passée de 75 % à 55 %, tandis que 26 % des personnes interrogées cette année déclarent purement et simplement ne pas avoir confiance dans cette chaîne (11 % en 2018).

Encore plus préoccupant : au Royaume-Uni, 46 % des personnes interrogées cette année déclarent éviter parfois ou souvent les médias. Un multiplication par deux par rapport à 2016 !

La guerre russo-ukrainienne a tendance à accentuer les tendances

Impact sur l’humeur, propension à éviter les informations, développement du numérique et des réseaux sociaux mais solidité des médias classiques pour ce qui est de la confiance, etc. La guerre entre l’Ukraine et la Russie a encore plus mis en évidence certaines habitudes de consommation.

Elle peut se révéler être un accélérateur et un révélateur, surtout en Allemagne, en Pologne et aux États-Unis, où elle a eu un impact négatif sur la proportion de personnes se détournant des médias : +7 points en Allemagne, +6 en Pologne et + 4 aux États-Unis. Un chapitre entier de l’étude est consacré aux « perceptions de la couverture médiatique de la guerre en Ukraine ».

Les Français restent vieux jeu

La France appartient aux pays pour lesquels la télévision joue encore un rôle déterminant, alors que la presse régionale est ce en quoi les français ont le plus confiance. 58 % des Français ont confiance dans la PQR et 53 % dans France Télévisions. Si cette confiance n’est que de 40 % pour CNews et de 37 % pour BFMTV, elle reste supérieure à la confiance moyenne qu’ont les Français dans les médias.

Les Français sont parmi les consommateurs de médias les moins connectés au monde :

« Si les États-Unis semblent avoir le groupe le plus important d’utilisateurs d’informations déconnectés, nous observons des chiffres tout aussi élevés au Japon (15 %), au Royaume-Uni (9 %), en France (8 %) et en Australie (8 %). »

Très peu, sont par ailleurs en France à payer pour des contenus médiatiques en ligne (11 %). Cette proportion est bien plus élevée en Suède ou en Norvège, pays où la confiance dans les médias dépasse largement celle constatée en France.

Remarques sur la méthodologie

La force de ce rapport est à la fois sa grande faiblesse. Le rapport annuel du Reuters Institute est ce qui existe de plus complet et de plus large en matière de confiance dans les médias et d’habitudes de consommation au niveau mondial. Bien qu’il soit fait à partir d’échantillons faibles (à peine 2059 interrogés pour la France), ce rapport permet de dégager de réelles tendances que les observateurs et analystes n’auront pas de mal à confirmer.

Mais un œil non-avisé risque très vite de s’y perdre. Les mêmes instruments de mesure sont en effet utilisés pour des pays aux cultures historiques et politiques différentes : les pays latins et verticaux, où la politique est le lieu de concentration des tensions sociales, les pays protestants, scandinaves et/ou germaniques, où l’horizontalité, la contractualité et le compromis sont des éléments constitutifs du fait politique, les pays post-communistes, où la presse est ouvertement partisane voire clanique. Ces éléments permettent d’apporter de la complexité aux résultats de l’étude et de les relativiser, et de prendre le travail du Reuters Institute avec des pincettes et du recul.

En revanche, sans cette contextualisation, les résultats de cette étude jetés en pâture dans la grande presse peuvent remplir un objectif politique. Ils peuvent très vite devenir un vivier à gros titres. Exemple parfait : la Hongrie. La presse hostile à Viktor Orbán n’aura pas tardé à reprendre les mauvais résultats de la Hongrie dans cette étude. 27 % de confiance dans les médias, alors que les médias les plus fiables sont sans surprise ceux opposés à la politique du gouvernement hongrois (Telex et 444 entre autres). Pas étonnant lorsqu’on s’intéresse à ce qu’est le Reuters Institute.

Attention aux commanditaires de l’étude de Reuters !

Parmi les sponsors de cette étude, on retrouve quelques-uns des traditionnels usual suspects : Open Society Foundations (George Soros), Google News Initiative, la BBC, des grandes universités bien-pensantes (l’université d’Oxford est d’ailleurs co-rédactrice du rapport), ou encore une fondation finlandaise de recherche sur les médias (la Finlande sort grande championne de cette étude).

Le Reuters Institute fonctionne quant à lui grâce au soutien financier de la fondation Thomson Reuters, derrière laquelle on trouve le groupe éponyme, leader mondial de l’information financière avec Bloomberg. Cette fondation a des liens avec la Commission européenne et l’European Press Prize, graal des médias de grand chemin.

À la tête de cette fondation, bien évidemment « indépendante », on trouve depuis 2019 l’Italien Antonio Zappulla, un ancien de Bloomberg TV et défenseur de premier plan des droits LBGT. Zappulla est à l’origine de la création de la première plate-forme d’informations LGBT, distribuée par Reuters : Openly. Toujours le même constat : la prétendue expertise au service d’un militantisme à peine voilé !

Voir aussi : Institute for Strategic Dialogue : tous unis contre la haine ! Autre exemple de fondation soi-disant indépendante…

Lire aussi : La collusion des médias avec le pouvoir exécutif a détruit la confiance dans la santé publique : Dr Ben Carson

Source : Observatoire du journalisme | Ojim.fr


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