Pour se mettre vos élus dans la poche, le fisc va inspecter votre jardin avec Google


Afin de débusquer les dépendances non déclarées, le Trésor public peaufine un logiciel qui recoupera les informations cadastrales et celles de Google.

Plus qu’un moyen supplémentaire d’investigation pour traquer les fraudeurs, il s’agit surtout d’un outil visant à rassurer les élus locaux dont l’autonomie fiscale a été mise à mal. Analyse.

Nom de code Foncier innovant. Selon Le Canard enchaîné, Bercy apporterait les derniers réglages à sa dernière arme dans la traque aux fraudeurs, ou supposés tels : une intelligence artificielle capable de recouper les 87 millions de parcelles cadastrales avec les photos satellitaires de Google. Imparable. Mission de l’algorithme : inventorier les cours de tennis, piscines, vérandas, garages et autre abris de jardin qui n’auraient pas fait l’objet d’une déclaration en bonne et due forme auprès du Trésor.

La résolution « de l’ordre de 20 cm » des clichés du géant américain offre aux agents une précision quasi-chirurgicale. « On peut repérer la boule d’accrochage d’une caravane derrière une voiture », se félicite un agent du cadastre cité par Le Canard. Il faut dire que les « résidences mobiles terrestres » (ou « caravanes » pour le commun des mortels) étaient jusqu’à récemment, comme les dépendances, déclarées avec réticence. Bref, l’administration fiscale pense à tout !

« Un marronnier du Canard »

Google, allié du fisc dans la traque des fraudeurs ? La nouvelle a fait florès dans la presse hexagonale depuis l’article publié par le Canard dans son édition du 9 août. « C’est le monde à l’envers », tacle d’emblée l’hebdomadaire satirique. En effet, Google n’est pas réputé pour être le plus exemplaire des contribuables. En septembre 2019, poursuivi pour fraude fiscale, le membre des GAFAM acceptait de régler un milliard d’euros à la France.

Dans les faits, c’est le français Capgemini qui a été mandaté par Bercy afin d’élaborer l’outil d’investigation. Pour Mark Wolf, ancien directeur adjoint de la direction générale des Finances publiques (DGFiP), toute cette histoire n’est rien d’autre qu’« un marronnier du Canard » tombant à point nommé pour une presse qui n’aurait pas grand-chose à se mettre sous la dent au mois d’août.

« L’enjeu fiscal est sensible pour le cadre supérieur lecteur des Échos, qui n’a pas déclaré sa piscine », ironise l’ancien patron du contrôle fiscal. « Mais l’enjeu monétaire est dérisoire », relativise-t-il au micro de Sputnik.

À ses yeux, les élus locaux sont les principaux destinataires du message diffusé par Le Canard. Ces derniers se sont en effet vu retirer une partie de leurs jouets depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. D’abord avec l’annonce de la fin progressive de la taxe d’habitation (sur les résidences principales du moins) puis avec les coupes drastiques dans les différents impôts de production. Si les régions se sont entendues avec le palais pour se voir reverser une part de la TVA en compensation, communes et départements se sont retrouvés le bec dans l’eau.

« L’enjeu monétaire est dérisoire »

Certes, le gouvernement a promis aux élus locaux de les dédommager à l’« euro près », via une dotation de l’État. Pour autant, cela ne leur rend pas la possibilité d’augmenter à leur guise les taux de prélèvement sur une grosse partie des résidences principales.
Bref, les impôts fonciers demeurent le dernier sanctuaire de l’autonomie fiscale des communes. La perspective de dénicher quelques piscines supplémentaires et autres abris de jardin à taxer est plus que bienvenue.

Marc Wolf résume la situation : « Après la suppression de la taxe d’habitation, la taxe foncière devient la principale ressource autonome des communes. […] Le message aujourd’hui envoyé par l’administration fiscale est : “Nous faisons notre boulot, donc ne nous critiquez pas !” »

Comme le rappelle cet ancien cadre de Bercy, passé par la sous-direction du cadastre, il est de la responsabilité de l’administration fiscale de rechercher la « matière imposable » pour les collectivités. Rien de choquant donc, bien au contraire, dans la démarche de Bercy.

Quant à la méthode, à savoir ce recoupement de bases de données de Bercy et de Google, sur laquelle s’interroge d’ailleurs Le Canard enchaîné, notre intervenant n’y voit de révolutionnaire que l’aspect historique : « Les données cadastrales sont publiques depuis 1799 ! » Un cadastre français par ailleurs « infiniment plus performant » que ses équivalents « latino-américains ou anglo-saxons qui sont partagés entre le privé et le public », poursuit-il.

« À mon sens, il est encore moins intrusif et problématique, au regard des libertés publiques, d’exploiter les données publiques de Google pour les confronter avec les déclarations H2 [concernant les constructions nouvelles, ndlr] des propriétaires et le cadastre topographique, que d’utiliser les réseaux sociaux. Ce qui nécessiterait un support législatif afin d’identifier ceux qui oublient leurs obligations », développe Marc Wolf. « On a là affaire à des données qui sont complètement publiques », insiste-t-il.

Bref, rien de choquant en comparaison du « grand chalutage » effectué par Bercy sur la Toile.

Photos Facebook ou Instagram, tweets… Tout ce qui est publiquement accessible sur le Net est dorénavant automatiquement aspiré par les serveurs du fisc avant d’être passé au peigne fin par des algorithmes. Depuis un décret de février 2021, les plates-formes de mise en relation entre particuliers sont systématiquement surveillées. Exemple pratique : l’adresse à laquelle vous vous faites livrer vos achats sur Le Bon Coin correspond-elle à celle de votre résidence principale ?

Bref, voilà le fisc 2.0 de la start-up nation ! Quant à l’algorithme de Foncier innovant, il est toujours en phase de test. Les équipes du cadastre s’attellent à passer derrière le programme informatique afin de s’assurer qu’il ne prenne pas une vulgaire bâche pour une piscine à vagues dernier cri. Cela dit, les essais sont prometteurs. Lors d’une première expérimentation de son arme, en 2017, sur la commune de Marmande, en Lot-et-Garonne, « plus du tiers des 800 bassins de la ville n’étaient pas déclarés », relate Le Canard. Pour un pays comme la France, au deuxième rang mondial quant au nombre de piscines privées (3 millions), même « minimes », les retombées ont de quoi faire saliver quelques élus.

Lire aussi : France : le gouvernement met en place la surveillance des réseaux sociaux par le fisc

Source : Sputnik


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