Des manipulations génétiques d’embryons humains autorisées au Royaume-Uni


Une équipe de l’Institut Francis-Crick, à Londres, a reçu le 1er février de l’Autorité pour l’embryologie et la fertilisation humaine britannique (HFEA) l’autorisation de procéder à des manipulations sur des embryons humains, à l’aide d’une nouvelle technique d’ingénierie du gène, Crispr-Cas9.

En avril, une équipe chinoise avait annoncé l’avoir utilisée sur des embryons humains non viables, pour voir si elle permettrait d’enrayer une maladie génétique du sang, la bêta-thalassémie. Cette annonce avait lancé une série de débats sur la possibilité de créer des bébés génétiquement modifiés et d’altérer la lignée humaine en modifiant les cellules germinales.

L’autorisation donnée par la HFEA va sans nul doute relancer les discussions sur le spectre d’une forme d’eugénisme. Il s’agit en l’espèce de permettre à l’équipe de Kathy Niakan de désactiver de façon sélective certains gènes qui, chez les modèles animaux, sont considérés comme cruciaux dans le développement de l’embryon et la différenciation de ses premières cellules en divers tissus – l’individu à naître d’un côté, le placenta de l’autre. Crispr-Cas9 serait mis en œuvre sur l’embryon au stade de la première cellule (premier jour), et sa croissance serait stoppée au bout d’une semaine, quand il compte 250 cellules. Il n’est pas question d’implanter ces embryons dans un utérus, mais d’observer les anomalies induites par le « knock-out », l’inactivation des gènes ciblés, dans le but de mieux comprendre certaines formes d’infertilité.

Les embryons utilisés seraient issus de dons effectués par des couples ayant dû avoir recours à des fécondations in vitro (FIV). Il faudrait de 20 à 30 embryons par gène étudié, estime l’équipe de l’institut Crick.

Pas un feu vert définitif

Le Royaume-Uni autorise depuis 2009 les recherches fondamentales sur des embryons humains. Il a aussi autorisé début 2015 la fécondation in vitro « à trois parents » : l’ADN mitochondrial d’une donneuse serait introduit dans l’œuf pour éviter des maladies métaboliques. Le Royaume-Uni n’est pas signataire de la convention d’Oviedo (1997), ratifiée par la plupart des pays européens, dont la France, qui interdit « toute modification génique sur des embryons qui serait transmise aux générations futures ».

En décembre 2015, une réunion internationale convoquée à Washington à l’initiative de sociétés savantes américaine, britannique et chinoise, s’était conclue par un appel à un moratoire sur les manipulations de l’ADN des cellules sexuelles et de l’embryon, jugeant qu’aujourd’hui, pour des raisons techniques et éthiques, « il serait irresponsable de poursuivre tout usage clinique de l’édition de cellules germinales ». En l’occurrence, les travaux envisagés par Kathy Niakan s’inscrivent dans un cadre de recherches fondamentales auxquelles cette déclaration n’était pas opposée. Cette réunion avait montré qu’au sein même des promoteurs de Crispr-Cas9, certains étaient favorables à son utilisation sur l’embryon, quand d’autres étaient fermement contre.

L’autorisation donnée par la HFEA ne vaut pas feu vert définitif. Un comité d’éthique doit encore se prononcer avant que l’expérimentation puisse commencer, en principe d’ici quelques mois. En France, plusieurs sociétés savantes préparent des avis sur l’utilisation de Crispr-Cas9 sur les cellules germinales et l’embryon humains.

Source : Le Monde


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