France : un rapport sénatorial préconise d’expérimenter la reconnaissance faciale pour une durée de trois ans


Et érige des lignes rouges à l’utilisation de cette technologie.

En France, le débat sur l’utilisation, ou non, de la reconnaissance faciale dans l’espace public se poursuit et un nouveau rapport sur le sujet vient de paraître. Mercredi, les sénateurs Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain ont présenté les conclusions de leur rapport qui comporte 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance. Les sénateurs se disent contre une société de surveillance, mais proposent “d’expérimenter la reconnaissance faciale pendant 3 ans sur des cas restreints, contrôlés et encadrés”. Les résultats des tests devraient permettre d’établir une base juridique pour l’utilisation de cette technologie.

Aux yeux de beaucoup, le rapport des trois sénateurs pourrait paraître ambivalent. Intitulé “la reconnaissance biométrique dans l’espace public : 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance”, le rapport, fait au nom de la commission des lois, présidée par François-Noël Buffet, liste de 30 propositions pour “un déploiement réussi” de la reconnaissance faciale. Parmi les points forts du rapport figurent les propositions 3 et 7. La recommandation n°3 propose d’interdire l’utilisation de la reconnaissance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public, sauf “exceptions très limitées” (voir la proposition n° 22).

Plus précisément, les sénateurs proposent d’interdire clairement la surveillance biométrique à distance en temps réel lors de manifestations sur la voie publique et aux abords des lieux de culte. Ils justifient les exceptions très limitées par le risque terroriste, les enquêtes sur des infractions graves qui menacent ou portent atteinte à l’intégrité physique des personnes et d’autres risques réels. Lors d’une conférence de presse mercredi, les trois rapporteurs ont insisté sur le fait qu’ils sont contre une société de surveillance et que leur travail a permis d’ériger des « lignes rouges » à l’utilisation de la reconnaissance biométrique.

En ce qui concerne la recommandation n°7, elle préconise d’élaborer une loi d’expérimentation de la reconnaissance faciale sur une durée de trois ans. « Fixer dans une loi d’expérimentation, pour une période de trois ans, les conditions et les finalités pour lesquelles la reconnaissance biométrique pourra faire l’objet de nouvelles expérimentations par les acteurs publics ou dans les espaces ouverts au public et prévoir la remise de rapports annuels détaillés au Parlement sur son application, dont le dernier au plus tard six mois avant la fin de la période d’expérimentation », indique la recommandation n°7 du rapport.

Bien sûr, les sénateurs ont déclaré qu’il ne s’agissait pas d’utiliser la reconnaissance faciale de façon large, mais “au cas par cas, avec limitation géographique et dans le temps”. « Ce serait une loi d’expérimentation sur des cas restreints, contrôlés et encadrés », a affirmé Jérôme Durain. De son côté, le sénateur républicain Marc-Philippe Daubresse a déclaré : « on ne va pas comparer en temps réel les 28 000 fichés S avec 30 000 personnes qui entrent dans un stade ! Pas de surveillance tout le temps et largement ». Il a ajouté : « 80 % de notre rapport est consacré aux lignes rouges », en soulignant que le rapport avait été voté “à l’unanimité”.

Ensuite, les recommandations 8 et 9 du rapport des sénateurs proposent de soumettre ces expérimentations à l’évaluation régulière d’un comité scientifique et éthique unique et indépendant dont les rapports seront rendus publics. Ils ajoutent qu’en accompagnement de ces expérimentations, il faudrait apporter une information accessible à tous sur les techniques de reconnaissance biométrique, les bénéfices qui en sont attendus et les risques encourus afin de sensibiliser le public sur leurs enjeux. En outre, le rapport semble vouloir écarter tout risque pour les Français de se retrouver dans un système de crédit social comme dans le cas des Chinois.

Les sénateurs ont en effet proposé de fixer dans la loi les cas où le développement, la mise sur le marché et l’utilisation de techniques de reconnaissance biométrique sont interdits, qu’elles soient mises en œuvre par des acteurs publics ou privés (recommandation n°2). En particulier, le rapport écarte trois cas précis :

  • les systèmes de notation sociale des personnes ;
  • les systèmes de catégorisation des personnes selon une origine, des convictions religieuses ou philosophiques ou une orientation sexuelle, sauf à des fins de recherche scientifique et sous réserve de garanties appropriées ;
  • les systèmes de reconnaissance d’émotions, sauf à des fins de santé ou de recherche scientifique et sous réserve de garanties appropriées.

En outre, la recommandation n°5 propose de cantonner le recours aux algorithmes et à la technologie d’identification par reconnaissance biométrique, lorsqu’elle est déployée par exception, à un rôle d’aide à la décision et prévoir un contrôle humain systématique. À cela s’ajoute la recommandation n°6 qui demande d’assurer la transparence de l’usage de technologies de reconnaissance biométrique à l’égard des personnes par la fourniture d’informations claires, compréhensibles et aisément accessibles. Par ailleurs, le rapport n’oublie pas la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et lui attribue quelques rôles importants.

Les sénateurs veulent mettre l’organisation à contribution afin qu’elle puisse, le cas échant, assurer la survie du déploiement de la reconnaissance faciale et détecter et prévenir les éventuels abus. Ainsi, les recommandations 10, 11, 12 et 13 traitent d’un régime de contrôle a priori et a posteriori. Elles se présentent comme suit :

  • recommandation n°10 : soumettre le déploiement des technologies de reconnaissance biométrique par les pouvoirs publics à l’autorisation du préfet en matière de police administrative ou d’un magistrat en matière de police judiciaire ;
  • recommandation n°11 : soumettre le déploiement des technologies de reconnaissance biométrique par les acteurs privés dans les espaces accessibles au public à l’autorisation de la CNIL ;
  • recommandation n°12 : prévoir le recensement au niveau national des actes autorisant le déploiement des technologies de reconnaissance biométrique ;
  • recommandation n°13 : renforcer les moyens de la CNIL afin qu’elle puisse, le cas échéant avec l’assistance du Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN), assurer le suivi du déploiement des techniques de reconnaissance biométrique, détecter d’éventuels détournements de finalité ou des usages illégaux de ces technologies et sanctionner les contrevenants.

Environ 19 autres propositions sont listées dans le rapport des sénateurs. Elles couvrent des points tels que : “la distinction entre technologies de reconnaissance biométrique et technologies connexes”, “l’authentification biométrique en vue de permettre un contrôle d’accès sécurisé”, “l’usage de la reconnaissance biométrique par les acteurs privés fondé sur le consentement des usagers”, “la nécessaire création d’un tiers de confiance européen”, “la levée des obstacles à la recherche et au développement par la mise en place d’un cadre juridique stable et spécifique, et faciliter l’accès aux jeux de données pour la recherche publique”, etc.

Lire aussi : Le Conseil d’État autorise le fichage des opinions politiques ou appartenances syndicales

Sources : DeveloppezRésumé du rapport des sénateurs (PDF)


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