L’histoire de Yip Man, le grand maître des arts martiaux qui a fait de Bruce Lee une légende


Pendant des décennies, la vie du grand maître des arts martiaux Yip Man a été le parcours d’un héros chinois aux rebondissements étonnants.

Yip Man (à droite) et Bruce Lee dans les années 1950. Yip Man/Facebook

D’agent de police et de réfugié à père de famille et maître de kung-fu, sa vie a été riche en rebondissements. Le plus remarquable, cependant, est qu’il a enseigné à nul autre que Bruce Lee tout ce qu’il savait.

En tant que grand maître du Wing Chun, Yip Man (parfois appelé Ip Man) a popularisé un art martial qui avait été discrètement mis de côté pendant des siècles. Il a appris à maîtriser son tempérament au combat bien avant que Bruce Lee n’atteigne l’âge adulte. C’est Ip Man qui a appris à Lee à calmer son esprit et à “être comme l’eau” avant même qu’il ne devienne une star d’Hollywood.

Comme le montre la série de films Ip Man qui retrace sa vie, l’héritage de Yip Man est presque impossible à quantifier. Il a initié des générations entières à une activité de toute une vie qui leur a inculqué une discipline dont elles ne se débarrasseront jamais. À la fois philosophe et guerrier, il était l’incarnation du kung-fu et a donné au monde Bruce Lee.

Le vrai Yip Man

Yip Man est Ip Kai-man le 1er octobre 1893, dans la ville animée de Foshan, dans la province chinoise du Guangdong. Élevé par des parents aisés, Yip Man était le troisième de quatre enfants. Avec son frère aîné Ip Kai-gak, sa sœur aînée Ip Wan-mei et son cadet Ip Wan-hum, il a reçu une éducation traditionnelle chinoise.

Yip Man a commencé à étudier le Wing Chun à l’âge de neuf ans. Wikimedia Commons

Pour leurs parents Ip Oi-dor et Ng Shui, il était impératif d’inculquer à leurs enfants la discipline et l’autonomie du Wing Chun. Après tout, ils étaient résidents du sud de la Chine et vivaient donc dans le berceau même où cet art martial avait été développé plus de 300 ans auparavant.

Selon les sources, Yip Man avait 9 ou 13 ans lorsque Chan Wah Shun lui a donné sa première leçon. Disciple du grand maître Leung Jan, Chan n’avait que récemment commencé à enseigner à ses propres élèves. Il a audacieusement surfacturé Yip Man dans l’espoir qu’il parte. Finalement, Yip Man n’est parti que pour parfaire son éducation.

En 1909, Yip Man s’est installé à Hong Kong pour fréquenter le St. Stephen’s College. C’est dans ce lycée destiné à l’élite chinoise et aux riches étudiants étrangers qu’un camarade de classe lui a présenté Leung Bik, un soi-disant prodige du kung-fu. Comme Yip Man était invaincu et qu’il était un adolescent confiant à l’époque, il a défié Bik en combat.

Lorsque Bik l’a battu deux fois de suite, Yip Man, âgé de 16 ans, a été si déçu qu’il a juré de ne plus jamais parler de kung-fu. Cependant, Bik fut plutôt impressionné par ses compétences et révéla qu’il était le fils de Leung Jan, qui avait entraîné l’ancien maître de Yip Man. Revigoré, Yip Man a étudié avec Bik jusqu’en 1916.

Yip Man (à droite) et Leung Bik dans La légende est née : Ip Man. Mei Ah Entertainment

À l’âge de 24 ans, Yip Man est retourné dans son pays pour devenir officier de police pour le gouvernement nationaliste de Chine et donner des cours privés de Wing Chun. Il a rencontré sa femme Cheung Wing-sing et a eu quatre enfants. Bien qu’il ait courageusement défendu la Chine pendant la deuxième guerre sino-japonaise, il a dû fuir le continent lorsque le parti communiste a pris le pouvoir en 1949.

L’ascension du Grand Maître Ip

La fuite précipitée de Yip Man vers Hong Kong, alors britannique, impliquait de laisser sa famille et ses biens à Foshan. L’or qu’il avait sur lui a donc été rapidement dépensé ou escroqué en route.

Ayant trouvé refuge dans la salle du syndicat des travailleurs de la restauration, Yip Man a été très reconnaissant. Cependant, selon la légende, il ne pouvait s’empêcher de rire lorsque le maître de kung-fu Leung Sheung enseignait le kung-fu à ses élèves. Furieux de ce manque de respect, le maître a ordonné à Yip Man de se battre – ce que l’étranger vieillissant et apparemment sans abri a gagné facilement.

“Tout ce que vous faites, c’est que vos élèves frappent l’air”, a dit Yip Man. “Mais l’air ne riposte pas. Que se passe-t-il lorsque vous faites face à un ennemi qui le fera ? Si vous devez pratiquer le kung-fu, vous devriez le faire sérieusement – ou pas du tout.”

Yip Man (premier rang, au centre) à l’Association athlétique Wing Chun. Wikimedia Commons

Après avoir jeté Sheung, 90 kg, à travers la pièce, Yip Man avait renversé les rôles. C’est ce jour de 1952 qui a officiellement fait de lui la figure de proue de cette école d’arts martiaux naissante, et a fait de Sheung lui-même un disciple. Selon un autre de ses premiers élèves, William Cheung, Yip Man était un professeur aimable.

“Yip Man avait un très bon sens de l’humour”, dit Cheung. “Il aimait donner des surnoms à ses élèves et il prenait beaucoup de temps pour les inventer. Par exemple, Wong Shun Leung était appelé ‘Wong Ching Leung’, ce qui signifie qu’il est comme un taureau. On m’appelait ‘Big Husky Boy’. Et Bruce était surnommé ‘Upstart’.”

On a finalement demandé à Yip Man de quitter Macao car ses classes avaient pris trop d’ampleur et bénéficiaient à trop de membres non syndiqués. Il a ouvert sa propre école à Kowloon, à Hong Kong, où il a rencontré Bruce Lee en 1956. Le jeune homme de 16 ans venait de perdre un combat contre des membres d’un gang rival et était désireux d’affiner ses compétences.

L’homme qui a formé Bruce Lee

Yip Man et Bruce Lee partageaient une passion pour les blagues. Ils s’affrontaient notamment avec des poings recouverts de poudre à démanger ou utilisaient des vibromasseurs sur des étudiants crédules. Le plus remarquable, bien sûr, est que Lee, qui était un pratiquant médiocre, est devenu l’élève le plus compétent de Yip Man. Il se souvient avec tendresse de ses leçons en 1961 :

“Mon instructeur, le professeur Yip Man, directeur de l’école de Wing Chun, venait me voir et me disait : “Détends-toi et calme ton esprit. ‘Oublie-toi toi-même et suis le mouvement de ton adversaire. Laisse ton esprit, la réalité de base, faire le contre-mouvement sans aucune délibération interférente. Par-dessus tout, apprends l’art du détachement’.”

Yip Man et Lee sont restés des amis de toujours. Singapore Ip Man Ving Tsun Kuen Sim-Vtk/Facebook

Alors que sa vie professionnelle était florissante, sa vie personnelle était entachée de tragédies. La femme de Yip Man est morte seule en Chine en 1960 en raison de la fermeture des frontières de Hong Kong. Il s’est remarié, mais sa deuxième femme est morte d’un cancer en 1968. De plus en plus accro à l’opium, Yip Man a fini par être expulsé de sa maison transformée en école.

La célébrité croissante de Bruce Lee a permis à Yip Man d’élargir sa clientèle et de fonder la salle de sport Wing Chun Athletic Association en 1967, mais Yip Man est décédé d’un cancer du larynx le 2 décembre 1972, sept mois seulement avant la mort de Bruce Lee à la suite d’une réaction fatale à un médicament.

Lire aussi : La fin du Dragon – Les derniers jours de Bruce Lee

Source : All That’s Interesting – Traduit par Anguille sous roche


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