Une étude révèle que 90% des « récits chevaleresques » ont été perdus


Des chercheurs ont utilisé le modèle écologique des « espèces invisibles » pour estimer le nombre d’œuvres médiévales chevaleresques et de récits héroïques perdus au cours de l’histoire.

Crédits : C-BY Bibliothèque universitaire de Leiden

D’après ces travaux, plus de 90% de ces témoignages auraient disparu.

Nos ancêtres nous ont laissé des livres, des manuscrits, des peintures, des sculptures et d’autres artefacts permettant de mieux appréhender leurs cultures. Cependant, tous ces témoignages n’ont pas survécu. Aussi, les historiens doivent souvent composer avec un ensemble de données incomplet. Et déterminer quelle partie d’un domaine culturel a pu être perdue reste un défi considérable.

Dans le cadre d’une étude publiée dans Science, Folgert Karsdorp et son équipe, du KNAW Meertens Institute, se sont appuyés sur une méthode statistique utilisée en écologie pour estimer le nombre « d’espèces invisibles » dans le but de déterminer la proportion de récits médiévaux chevaleresques perdus au cours de l’histoire.

La méthode Chao1 revisitée

En écologie, certains chercheurs utilisent la correction des biais dans les modèles statistiques qui peuvent tenir compte des espèces dites invisibles dans un écosystème donné pour déterminer la richesse de la diversité des espèces. Ce modèle est connu sous le nom de méthode Chao1, et a été développé par Anne Chao, de l’Université nationale Tsing Hua.

Pour simplifier cette méthode très complexe, les scientifiques collectent des « données d’abondance » en comptant toutes les espèces animales qu’ils peuvent observer. La formule Chao1 examine ensuite à quel degré les espèces apparaissent. Si vous n’avez repéré une espèce qu’une seule fois, elle sera désignée « F1 », si vous avez repéré une espèce deux fois, elle sera désignée F2, etc. Ces rapports peuvent ensuite être utilisés pour calculer F0, le nombre d’espèces qui n’ont pas été observées.

Concrètement, l’idée de cette étude était donc d’adapter le modèle de Chao au domaine culturel. En adaptant cette méthode, Kestemont et son équipe ont donc traité les œuvres littéraires et autres copies manuscrites comme des espèces pour calculer F0, dans ce cas, le nombre d’œuvres jamais observées. Pour ces travaux, les chercheurs se sont concentrés sur les archives en langues vernaculaires néerlandaise, française, islandaise, irlandaise, anglaise et allemande.

Ouverture du conte médiéval irlandais Cath Leithreach Ruibhe. Crédits : CC-BY Académie royale irlandaise (Dublin)

Beaucoup de pertes, notamment en Angleterre

Au terme de son analyse, l’équipe a découvert qu’il y aurait eu environ 40 614 manuscrits écrits, dont 3 649 seulement survivent encore. Le taux de survie seraient donc d’environ 9 %. Point intéressant, ce résultat est très similaire aux estimations faites par les chercheurs utilisant d’autres données, telles que les références aux œuvres perdues qui apparaissent dans les manuscrits survivants. Quant aux œuvres littéraires, seuls 38 % auraient survécu.

La littérature médiévale anglaise aurait eu un taux de perte particulièrement élevé, avec seulement 7% de manuscrits survivants. Cela pourrait avoir quelque chose à voir avec le statut culturel différent de l’anglais à cette époque, selon Daniel Sawyer, de l’Université d’Oxford, faisant référence à la conquête normande francophone de l’Angleterre en 1066. « Pour une partie importante de la population au Moyen Âge, le français était [l’une des] langues parlées les plus prestigieuses en Angleterre », note le chercheur. « Je soupçonne que les livres contenant des romans ou des histoires héroïques en anglais avaient tendance à être de taille moyenne ou petite et moins impressionnants, et donc plus susceptibles d’être oubliés ou recyclés. »

À l’inverse, la littérature islandaise et la littérature irlandaise auraient les taux de survie les plus élevés. Pour les chercheurs, ces œuvres auraient pu survivre, car elles n’étaient pas imprimées, mais gardées précieusement sous forme de manuscrits écrits par les Islandais et Irlandais « toujours friands de raconter des histoires », souligne Matthew Driscoll, de l’Université de Copenhague.

Mais alors, où sont passées toutes ces œuvres chevaleresques et héroïques ? D’après les chercheurs, certaines ont sans doute été perdues dans les incendies de la bibliothèque. Certains manuscrits anciens étaient également souvent recyclés, peut-être pour soutenir la reliure d’autres œuvres imprimées plus tard.

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Source : SciencePost


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