Faut-il taxer les robots ? Une taxe « modeste » sur les robots pourrait aider à combattre les effets de l’automatisation sur l’inégalité des revenus aux États-Unis


Selon une étude du MIT.

Des chercheurs en économie du MIT ont récemment publié une étude selon laquelle l’introduction d’une taxe sur le travail des robots, de préférence une taxe modeste, inciterait les entreprises à conserver les travailleurs, tout en compensant une partie des charges sociales perdues par une réduction des effectifs. D’après les calculs des économistes, une taxe effective sur les robots se situerait probablement entre 1 % et 3,7 %. Si elle est beaucoup plus élevée, la taxe exagérerait le rôle que jouent les robots dans les routines opérationnelles ; si elle est plus faible, les entreprises ne seraient pas du tout incitées à conserver leurs employés humains.

Aussi utiles et impressionnants que puissent être les robots, ils suscitent une inquiétude omniprésente : vont-ils prendre nos emplois ? Les robots et autres technologies autonomes gagnent rapidement du terrain dans de nombreux secteurs, de la restauration rapide aux transports en passant par le cirage de chaussures et le service au bar. Alors que certains disent qu’il est nécessaire d’intégrer les robots dans la main-d’œuvre, d’autres craignent qu’ils ne remplacent les travailleurs humains qui ont le plus besoin de ce revenu. Cependant, selon les économistes du MIT, « nous pouvons avoir le beurre et l’argent du beurre : il suffit de taxer les robots ».

Le mois dernier, des chercheurs en économie du MIT ont réalisé une étude confirmant la tendance de l’automatisation à déplacer les travailleurs à faible revenu tout en augmentant les bénéfices des entreprises (et de leurs dirigeants). Arnaud Costinot et Iván Werning, deux professeurs d’économie au MIT, ont analysé le rythme auquel les robots tendent à remplacer les travailleurs humains pour définir la fourchette de taxation idéale. Ils ont également tenu compte des niveaux de revenus habituels des travailleurs déplacés ainsi que de l’impôt sur le revenu, ce dernier étant destiné à remédier, dans une certaine mesure, aux inégalités de revenus.

« Nos résultats suggèrent que les taxes sur les robots ou les biens importés devraient être assez faibles. Bien que les robots aient un effet sur l’inégalité des revenus, ils conduisent toujours à des taxes optimales qui sont modestes », déclare Costinot. L’étude révèle qu’une taxe sur les robots devrait représenter entre 1 % et 3,7 % de leur valeur, tandis que les taxes sur le commerce représenteraient entre 0,03 % et 0,11 %, compte tenu des impôts sur le revenu actuels aux États-Unis. Le rapport, intitulé “Robots, Trade, and Luddism : A Sufficient Statistic Approach to Optimal Technology Regulation”, est publié dans The Review of Economic Studies.

« Nous avons abordé cette question sans savoir ce qui allait se passer. Nous avions tous les ingrédients potentiels pour que ce soit une grosse taxe, de sorte qu’en arrêtant la technologie ou le commerce, vous auriez moins d’inégalités, mais pour l’instant, nous trouvons une taxe dans la gamme à un chiffre, et pour le commerce, des taxes encore plus petites », explique Werning. Un élément clé de l’étude est que les chercheurs ne sont pas partis d’une idée a priori sur le bien-fondé ou non des taxes sur les robots et le commerce. Ils ont plutôt appliqué une approche de “statistique suffisante”, en examinant les preuves empiriques sur le sujet.

Par exemple, une étude menée par Daron Acemoglu, économiste au MIT, et Pascual Restrepo, économiste à l’université de Boston, a révélé qu’aux États-Unis, entre 1990 et 2007, l’ajout d’un robot pour 1 000 travailleurs a réduit le ratio emploi/population d’environ 0,2 % ; chaque robot ajouté dans le secteur manufacturier a remplacé environ 3,3 travailleurs, tandis que l’augmentation du nombre de robots sur le lieu de travail a fait baisser les salaires d’environ 0,4 %. Pour mener leur analyse politique, Costinot et Werning se sont inspirés de cette étude empirique et d’autres. Ils ont construit un modèle pour évaluer plusieurs scénarios différents.

Ils ont inclus des leviers tels que l’impôt sur le revenu comme autres moyens de lutter contre les inégalités de revenus. Les économistes ont construit un modèle pour évaluer plusieurs scénarios différents et ont inclus des leviers tels que l’impôt sur le revenu comme autres moyens de lutter contre les inégalités de revenus. « Nous disposons de ces autres outils, même s’ils ne sont pas parfaits, pour lutter contre les inégalités », explique Werning. « Nous pensons qu’il est incorrect de discuter de ces taxes sur les robots et le commerce comme si elles étaient nos seuls outils de redistribution » a ajouté l’universitaire.

La taxation des robots est un concept qui a été publiquement débattu par plusieurs analystes politiques, des universitaires et Bill Gates (qui est favorable à cette idée). Jusqu’à présent, la Corée du Sud a réduit les incitations pour les entreprises à déployer des robots ; les décideurs de l’Union européenne, quant à eux, ont envisagé une taxe sur les robots, mais ne l’ont pas adoptée. En effet, pour résoudre les différents problèmes que pose le développement de la robotique et l’IA, le groupe de travail de la Commission juridique du Parlement européen avait suggéré en janvier 2017 que les robots et IA paient des cotisations de sécurité sociale.

Pour cela, les entreprises seraient tenues de déclarer le nombre de « robots intelligents » qu’elles utilisent ainsi que les économies réalisées en cotisations de sécurité sociale grâce à l’utilisation de la robotique en lieu et place du personnel humain. Elles devraient fournir une évaluation du montant et de la proportion des recettes de l’entreprise qui résultent de l’utilisation de la robotique et de l’IA. Ces données seront utilisées à des fins de fiscalité et de calcul des cotisations. Le groupe a proposé l’instauration d’un revenu universel de base, car l’automatisation pourrait déboucher sur un creusement des inégalités dans la répartition des richesses.

Des entreprises comme Tesla et Amazon, qui sont connues pour utiliser la robotique de pointe dans leurs usines et leurs entrepôts, sont également connues pour imposer des journées de travail dangereusement longues et pour sous-payer – sans parler de la déshumanisation – les employés mêmes que l’automatisation est censée aider. Lorsque ces systèmes tombent en panne, ce sont souvent les employés au bas de la chaîne alimentaire qui en portent la responsabilité. (Il est bon de mentionner que ces deux exemples sont dirigés par des personnes disproportionnellement riches, également).

Il est évident que les entreprises vont continuer à automatiser certains pans de leurs activités. Les robots continueront à faire leur chemin dans des secteurs tels que l’agriculture, les usines et les forces de l’ordre, tandis que l’intelligence artificielle (un domaine d’étude entièrement distinct, mais également conçu pour la commodité) s’attaque à l’illustration et au codage. Cela signifie que des idées comme la taxe sur les robots du MIT sont pratiquement garanties de mûrir dans les années à venir. En dehors de ses chiffres d’impôts de base, l’étude contient quelques conclusions supplémentaires sur les tendances de la technologie et des revenus.

De manière peut-être contre-intuitive, la recherche conclut qu’après l’ajout de nombreux robots dans l’économie, l’impact de chaque robot supplémentaire sur les salaires peut en fait diminuer. À un moment ultérieur, les taxes sur les robots pourraient alors être réduites encore davantage. « Nous pourrions nous retrouver dans une situation où la redistribution nous tient à cœur, où il y a plus de robots, plus de commerce, mais où les taxes diminuent en fait. Si l’économie est relativement saturée de robots, ce robot marginal que vous obtenez dans l’économie compte de moins en moins pour l’inégalité », explique Costinot.

Lire aussi : Les robots volent les emplois pendant la pandémie alors que les travailleurs pauvres sont déplacés

Sources : DeveloppezRapport de l’étude


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1 réponse

  1. Patrick dit :

    On commence toujours par un pourcentage, et après on le fait grimper. Comme pour la CSG. de 0,5 % au début à près de 20 % maintenant.

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