Les nanostructures de fluor peuvent dessaler l’eau 2 400 fois plus vite que les nanotubes de carbone


La méthode est “plusieurs milliers de fois plus rapide” que les systèmes actuellement disponibles sur le marché.

Une partie des 13 millions de km cubes d’eau salée de la Terre. Thierry Meier / Unsplash

Imaginez la coupe transversale d’une mèche de cheveux. Cette surface minuscule – d’un diamètre d’environ un millionième de mètre – est énorme comparée aux pores d’un nouveau type de filtre mis au point par des ingénieurs de l’université de Tokyo, au Japon.

Dans un article publié jeudi dans la revue à comité de lecture Science, les chercheurs ont dévoilé leur nouvelle méthode de dessalement de l’eau à l’aide d’anneaux de fluor d’un à deux nanomètres de diamètre seulement. Les propriétés hydrophobes de ce produit chimique ont contribué à sa remarquable capacité à filtrer les molécules de sel avec une rapidité et une efficacité impressionnantes.

Disposés bout à bout, il faudrait près de 100 000 de ces anneaux pour s’étendre sur toute la surface coupée d’un cheveu humain.

“C’était très excitant de voir les résultats de première main”, déclare l’ingénieur en matériaux Yoshimitsu Itoh, l’un des coauteurs de l’article. “Le plus petit de nos canaux d’essai a parfaitement rejeté les molécules de sel entrantes, et les plus grands canaux aussi étaient encore une amélioration par rapport aux autres techniques de dessalement et même aux filtres de pointe à nanotubes de carbone.”

Le fluor est l’élément parfait pour les pores incroyablement petits

L’innovation clé de cette nouvelle technologie de dessalement est le fluor, un élément hydrophobe qui a longtemps été apprécié pour son désir d’être laissé tranquille. Ce n’est pas un hasard si le fluor est un ingrédient clé du téflon, utilisé sur les poêles antiadhésives pour empêcher les œufs au plat de coller et à l’intérieur des tuyaux pour que les fluides circulent plus efficacement. Au niveau nanoscopique, le fluor repousse les ions chargés négativement, y compris le chlore du sel (NaCl). Ses propriétés électriques permettent également de briser les amas de molécules d’eau qui peuvent empêcher le liquide de s’écouler aussi librement que possible.

Les chercheurs ont créé des membranes en empilant plusieurs anneaux fluorés les uns sur les autres pour former des tubes. Ils ont noyé les tubes, côte à côte, dans une couche étanche de molécules lipidiques, créant ainsi quelque chose qui ressemble à une membrane cellulaire. Les molécules d’eau peuvent passer à travers, mais pas les molécules de sel.

“La vraie surprise pour moi a été la rapidité avec laquelle le processus s’est produit. Notre échantillon a fonctionné environ plusieurs milliers de fois plus vite que les dispositifs industriels typiques, et environ 2 400 fois plus vite que les dispositifs expérimentaux de dessalement à base de nanotubes de carbone.”

Un long chemin vers la commercialisation

Transformer l’eau de mer en quelque chose que les humains peuvent boire est une capacité technologique vitale qui prend de plus en plus d’importance.

“Il existe actuellement deux méthodes principales pour dessaler l’eau : par voie thermique, en utilisant la chaleur pour évaporer l’eau de mer afin qu’elle se condense en eau pure, ou par osmose inverse, qui utilise la pression pour forcer l’eau à traverser une membrane qui bloque le sel”, explique M. Itoh.

S’il est prouvé que ces technologies fonctionnent à grande échelle, elles nécessitent beaucoup d’énergie. Ces premiers résultats suggèrent que les nanostructures de fluor pourraient être la clé de techniques de dessalement bien plus efficaces. “Nos tests suggèrent que les nanocanaux fluorés nécessitent peu d’énergie”, explique M. Itoh.

Pour l’instant, le processus de fabrication du nouveau matériau nécessite beaucoup d’énergie, mais les chercheurs pensent pouvoir faire baisser ces coûts. “Et, compte tenu de la longévité des membranes et de leurs faibles coûts d’exploitation, les coûts énergétiques globaux seront beaucoup plus faibles qu’avec les méthodes actuelles”, précise M. Itoh.

L’étude actuelle est impressionnante, mais elle est loin d’être un prototype fonctionnel sur lequel une communauté pourrait compter. “Nos échantillons d’essai étaient des nanocanaux uniques, mais avec l’aide d’autres spécialistes, nous espérons créer une membrane d’environ un mètre de diamètre dans plusieurs années”, explique M. Itoh. Les chercheurs ont également l’intention d’aller au-delà du dessalement de l’eau.

“Nous étudions également la possibilité d’utiliser des membranes similaires pour réduire le dioxyde de carbone ou d’autres déchets indésirables rejetés par l’industrie”, poursuit M. Itoh.

Lire aussi : Un système de dessalement à 4 $ fournit de l’eau potable en continu à une famille

Source : Interesting Engineering – Traduit par Anguille sous roche


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