Loi contre la haine en ligne : les députés adoptent le retrait dans l’heure des contenus pédophiles ou terroristes


Le délit de non-retrait est aussi adopté.

Hier soir, un amendement de dernière minute proposé par le gouvernement et adopté par les députés oblige les éditeurs de sites à retirer en une heure les contenus que la police leur signalera comme relevant du terrorisme ou d’abus sur mineurs. « Le présent amendement vise à coordonner les dispositions de la présente loi relatives à l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique avec les dispositions de l’article 6-1 de la même loi relatives au retrait des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique sur notification des autorités publiques, en ramenant à 1h le délai de retrait applicable à ces contenus à cas de notification par les autorités », peut-on lire dans l’amendement 161 adopté hier.

Rappelons que le 20 mars 2019, la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet a été déposée à l’Assemblée nationale. Cette initiative dresse le constat d’une « libération de la parole haineuse » sur internet, face à laquelle la réponse judiciaire s’avère le plus souvent démunie , tandis que les plateformes de réseaux sociaux s’abritent derrière la responsabilité limitée qui leur est conférée en la matière par le statut d’hébergeur.

La nouvelle loi française contre la haine en ligne vise les incitations à la haine, la violence, les discriminations, les injures à caractère raciste ou encore religieux. Elle bannira également les messages, vidéos ou images constituant des provocations à des actes de terrorisme, faisant l’apologie de tels actes ou comportant une atteinte à la dignité de la personne humaine. Sont visés aussi par cette loi les contenus constitutifs de harcèlement, proxénétisme ou pédopornographie. Le délai de 24 heures proposé au départ est ramené à 1 heure et la loi est adoptée et le délit de non-retrait a été aussi adopté par les députés.

Rappelons que même le délai de 24 heures inquiétait déjà plusieurs organisations comme l’Association des Avocats Conseils d’Entreprises, Change.org, Conseil National des Barreaux, Conseil National du Numérique et autres. « En tant que principaux représentants de la société civile numérique française, acteurs de la défense des droits et de la mobilisation citoyenne en ligne, nous partageons une profonde inquiétude quant aux risques que ferait encourir à nos droits et libertés fondamentaux la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, si elle imposait aux plateformes un délai de 24 heures pour décider du retrait des contenus qui leurs sont signalés. À l’occasion de sa nouvelle discussion au sein de l’Assemblée nationale, nous portons un appel fort à tenir compte, dans la version finale du texte, des alertes que chacune de nos organisations a pu individuellement ou collectivement porter », ont-elles déclaré dans une lettre.

« Notre principale divergence avec les députés concerne l’article 1er [du texte présenté], qui crée un délit de “non retrait” en 24 heures des contenus haineux. Ce dispositif est juridiquement inabouti, contraire au droit européen et déséquilibré, au détriment de la liberté d’expression », avait déclaré le sénateur Christophe-André Frassa, rapporteur du texte au Sénat, dans un communiqué de presse. Le moins que l’on puisse dire, c’est que leurs craintes n’ont pas été prises en compte, car la loi est adoptée et le délai est désormais d’une heure. S’il n’y a pas de mesures prises dans ce délai, le blocage administratif pourra être engagé.

Des associations s’opposent à la loi contre la cyberhaine adoptée

Pour La Quadrature du Net, une association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, la loi « contre la haine » s’est transformée en loi sécuritaire au nom de la lutte « antiterroriste ». Elle la qualifie même de coup d’État sur la « loi haine ». Les conséquences de cette loi sont importantes. Obliger à un retrait en une heure suppose que les éditeurs de sites soient disponibles et joignables 24 h/24 et 7 j/7 au risque d’un blocage administratif voire un an de prison et 250 000 euros d’amende, portés au quintuple pour les personnes morales.

Aussi, La Quadrature du Net note que la loi ne concernait initialement que les plateformes ayant plusieurs millions de visiteurs par mois (Facebook, Twitter, YouTube, etc.) Et maintenant, les nouvelles mesures visent désormais n’importe quelle plateforme, de toute taille. Il pourra s’agir du forum de n’importe quel site de presse, d’une plateforme militante, d’un petit hébergeur associatif ou de tout nœud d’un réseau social décentralisé.

Elle fait remarquer que « le délai d’une heure est matériellement impossible à respecter pour la grande majorité des plateformes Web (typiquement pour les signalements qui leur seraient faits de nuit). Ces plateformes n’auront d’autres choix que de fermer boutique ou de déléguer leur modération aux outils de censure automatisée fournis par Google et Facebook. Dans tous les cas, les grands vainqueurs seront ces deux dernières entreprises, dont la concurrence sera anéantie ou mise sous leur joug ».

Les associations comme Les Effronté·es, Gwen Fauchois, activiste lesbienne et blogueuse, FéminiCités, l’Inter-LGBT, Women Who Do Stuff et autres, se sont opposées à la proposition de loi contre la haine en ligne. Pour elles, la proposition de loi contre la haine sur Internet ne répond pas aux besoins des victimes et mènera à une censure de la part des plateformes numériques. « Un des dangers de cette loi est qu’elle se retourne contre les journalistes, militantes, chercheuses et chercheurs qu’elle prétend défendre. Alors que le discours raciste est fortement banalisé dans le champ médiatique, nul ne sait exactement quels contenus devront être considérés “manifestement illicites” en ligne », expliquent-elles.

Selon elles, les plateformes seraient incitées « à supprimer tout contenu sur lequel un doute existe » puisqu’« il vaudra mieux pour elles qualifier d’illicite un contenu licite, que prendre le risque inverse ». Elles craignent que les plateformes en ligne ne durcissent les filtres automatiques, avec comme perspective, « une censure massive de contenus licites, et en premier lieu les contenus produits par celles et ceux qui dénoncent les violences en ligne ».

Lire aussi : Loi cyberhaine : une «approche répressive» pour la Commission nationale des droits de l’homme

Sources : Developpez par Bill FassinouAmendement 161, La Quadrature du Net


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