Ces empreintes de pas de l’homme de Néandertal, jamais datées, pourraient avoir près de 300 000 ans


Il semble que les choses pourraient changer.

Détails des empreintes de pas trouvées en Espagne. Nature

Il y a un peu plus d’un an, nous avions signalé une vaste zone située au pied de la falaise d’Asperillo, sur la côte de l’espace naturel de Doñana, à Huelva, en Espagne. Là, à côté de nombreuses empreintes d’animaux, d’autres empreintes avaient été découvertes – celles d’hominidés.

Jusqu’alors, la seule référence temporelle permettant d’établir l’âge du site était la datation d’une des dunes qui recouvraient la surface, il y a environ 106 000 ans (Pléistocène supérieur). Comme pour la plupart des empreintes d’hominidés retrouvées dans le monde, nous les avons datées en fonction de l’environnement dans lequel elles ont été trouvées. C’est pourquoi notre première hypothèse, lorsque nous avons tenté d’attribuer ces nouvelles empreintes, était qu’elles appartenaient à des Néandertaliens, qui vivaient au Pléistocène supérieur.

Cependant, au cours de l’enquête, nous avons échantillonné la surface où se trouvaient les empreintes, qui n’avait jamais été datée auparavant, ainsi que les dunes situées au-dessus. Il s’est avéré qu’elle était âgée d’environ 295 800 ans (Pléistocène moyen) : c’est-à-dire beaucoup plus tôt que ce que l’on pensait auparavant.

Un changement climatique radical

La nouvelle datation a placé les empreintes dans un nouveau contexte géographique et environnemental. Le continent européen était sur le point de subir un changement climatique radical il y a 300 000 ans. Les conditions relativement chaudes se transformaient en conditions beaucoup plus froides, précurseur d’une ère glaciaire. À cette époque, le niveau de la mer sur le continent européen se situait en moyenne à environ 60 mètres en dessous de son niveau actuel, ce qui implique que le littoral de Huelva se trouverait à 20 ou 25 kilomètres au large de sa position actuelle.

En d’autres termes, la plaine côtière était très étendue et probablement créée par le delta du fleuve. Elle était probablement recouverte d’eau pendant les saisons humides et totalement ou partiellement exposée pendant les saisons sèches.

C’est sur cet environnement lacustre peu profond et salin, fait de sols polygonaux et de couvertures microbiennes, que les hominidés et d’autres animaux ont piétiné. Aujourd’hui, on retrouve le même type de couvertures polygonales dans de vastes zones marécageuses, aussi bien dans les déserts chauds que dans les climats tropicaux.

Des zones de végétation plus ou moins étendues se trouveraient dans les zones non inondées de cette large plaine côtière. Autour d’elles, il y aurait un développement important de systèmes dunaires qui s’éloigneraient de la côte vers les terres.

De nouveaux suspects ?

Le contexte environnemental et le paysage ont changé par rapport à l’interprétation initiale. La question s’est donc posée de savoir si notre compréhension de l’auteur de ces empreintes devait également changer. La réponse se trouve dans les archives paléontologiques.

On pense que les fossiles d’hominidés appartenant au Pléistocène moyen appartiennent à la lignée de Néandertal : Homo neanderthalensis et Homo heidelbergensis. Cependant, leurs restes sont encore très rares, fragmentaires et géographiquement dispersés. Pire encore, les empreintes de pas sont encore plus rares que les restes squelettiques. Dans tout le Pléistocène moyen européen, seuls quatre sites ont livré des traces de cette période : Terra Amata, en France (380 000 ans), Roccamonfina, en Italie (345 000 ans, attribué à Homo heidelbergensis), Biache-Vaast, en France (236 000 ans, Homo neanderthalensis) et Theopetra, en Grèce (130 000 ans, Homo neanderthalensis).

D’autre part, il faut considérer que les caractéristiques formelles de l’empreinte ne sont pas seulement le résultat de l’anatomie du pied, mais aussi d’autres facteurs comme les caractéristiques biomécaniques, le type de substrat et les processus qui ont donné naissance au fossile. Par conséquent, les empreintes étudiées doivent être bien conservées et refléter plusieurs caractéristiques anatomiques (impression de la voûte plantaire des orteils), ce qui est rarement le cas dans des endroits comme ce site de Huelva.

Pour confirmer à quel groupe d’hominidés appartiennent les empreintes, il faudrait comparer leurs caractéristiques anatomiques avec les squelettes connus du Pléistocène moyen.

Presque tous les fossiles de pieds connus pour cette période proviennent du site de Sima de Los Huesos (Atapuerca, Espagne) et sont associés à des individus apparentés aux Néandertaliens. Une attribution plus précise serait difficile, car il existe de nombreux débats sur l’évolution de cette lignée, mais aussi sur la définition taxonomique de l’Homo heidelbergensis.

Différents modèles d’évolution de la lignée néandertalienne ont été proposés, mais cette question est encore loin d’être résolue, étant donné la rareté des archives fossiles et le nouveau tableau évolutif plus complexe fourni par les dernières études sur l’ADN ancien. En outre, tous les traits anatomiques n’ont pas évolué au même rythme et des polymorphismes se sont probablement produits dans différents traits à des rythmes différents.

Malgré ces incertitudes, le site de Doñana s’avère être un témoignage crucial pour comprendre les occupations humaines en Europe au cours du Pléistocène. Nos récentes datations ouvrent un horizon plus large de possibilités. Par exemple, nous pourrions être en présence de restes d’hominidés néandertaliens très précoces ou de leurs ancêtres plus directement apparentés, Homo heidelbergensis.

Lire aussi : Cette gravure sur os réalisée par des néandertaliens il y a 51 000 ans pourrait être l’une des plus anciennes œuvres d’art au monde

Source : The Conversation – Traduit par Anguille sous roche


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