Les lanceurs d’alerte sont la conscience de la société, mais souffrent gravement


La souffrance des lanceurs d’alerte, un prix trop élevé pour la vérité.

Dans un article publié le mois dernier, Ashley Gjøvik, une lanceuse d’alerte qui a dénoncé des abus et des malversations chez son employeur, Apple raconte son expérience traumatisante et les conséquences négatives qu’elle a subies pour avoir voulu défendre le bien commun. Elle explique que les lanceurs d’alerte sont la conscience de la société, mais qu’ils souffrent gravement pour avoir essayé de tenir les riches et les puissants responsables de leurs péchés. Elle conclut en affirmant que les lanceurs d’alerte sont des héros qui méritent notre soutien et notre gratitude.

Les lanceurs d’alertes sont des personnes qui signalent au sein d’une organisation concernée ou à une autorité extérieure ou qui divulguent au public des informations sur un acte répréhensible obtenu dans un contexte professionnel. Ils aident à prévenir les dommages et à détecter les menaces ou les nuisances à l’intérêt public qui pourraient autrement rester cachées. Et si elles ne sont pas abordées, elles peuvent parfois causer un grave préjudice à l’intérêt public.

La lanceuse d’alerte Ashley Gjøvik analyse les difficultés et les souffrances qu’elle a rencontrées en tant que lanceuse d’alerte, comme le harcèlement moral, la discrimination, la surveillance, la censure, la menace de licenciement, et l’isolement social. Elle explique que les lanceurs d’alerte sont la conscience de la société, mais qu’ils sont souvent traités comme des traîtres ou des ennemis par les institutions qu’ils dénoncent.

Ashley Gjøvik a révélé au public des problèmes graves chez son entreprise, comme des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, des violations de la vie privée des clients et des pratiques fiscales douteuses. Elle décrit son parcours de lanceuse d’alerte, depuis ses premières tentatives internes pour signaler les abus, jusqu’à sa décision de les rendre publics face à l’inaction et aux représailles de sa direction.

En effet, des activités illégales et des abus de droit peuvent se produire dans n’importe quelle organisation, qu’elle soit privée ou publique, grande ou petite. Elles peuvent prendre de nombreuses formes, telles que la corruption ou la fraude, la faute professionnelle ou la négligence, d’après la directive du Parlement européen relative à la protection des personnes dénonçant des violations du droit de l’Union.

Les personnes qui travaillent pour une organisation ou qui sont en contact avec elle dans le cadre de leurs activités professionnelles sont souvent les premières à être informées de tels événements et sont donc dans une position privilégiée pour informer ceux qui peuvent traiter le problème.

Quelques abus et manquements aux obligations révélés chez Apple

Il se pourrait que le slogan d’Apple disant ce qui se passe sur votre iPhone, reste sur votre iPhone n’est qu’une succession de mots en l’air, balancés pour susciter la confiance des utilisateurs, pourtant, il n’en serait rien.

Manque de confidentialité

Les chercheurs de la société de logiciels Mysk remettent en question l’importance accordée par Apple à la confidentialité. Les données d’analyse de votre iPhone comprennent un numéro d’identification lié à votre nom, votre adresse électronique et votre numéro de téléphone, affirment les chercheurs qui ont découvert d’autres failles dans les promesses d’Apple. En effet, un test de la manière dont Apple recueille les données d’utilisation des iPhone a révélé que la société collecte des informations permettant d’identifier les personnes, alors qu’elle avait explicitement promis de ne pas le faire.

La politique de confidentialité régissant l’analyse des appareils d’Apple indique « qu’aucune des informations collectées ne permet de vous identifier personnellement ». Mais une analyse des données envoyées à Apple montre qu’elles comprennent un numéro d’identification permanent et immuable appelé Directory Services Identifier, ou DSID, selon les chercheurs de la société de logiciels Mysk. Apple collecte ce même numéro d’identification en même temps que les informations relatives à votre identifiant Apple, ce qui signifie que le DSID est directement lié à votre nom complet, votre numéro de téléphone, votre date de naissance, votre adresse électronique et plus encore, selon les tests de Mysk.

Apple ignore les violations du droit du travail

The Information a publié en 2020 un rapport selon lequel le témoignage d’anciens employés d’Apple et des présentations et données internes de l’entreprise ont montré qu’Apple n’a pas réussi à responsabiliser ses partenaires industriels en Chine après que le gouvernement chinois ait adopté une loi limitant le recours aux travailleurs temporaires dans les usines. Apple était parfaitement conscient qu’à partir de 2014, ses fournisseurs violaient le droit du travail chinois, mais n’a rien fait parce qu’il ne voulait pas mettre un frein à ses lancements de produits ou augmenter les coûts.

Les employés, ainsi que les présentations internes de l’entreprise, ont suggéré que la société technologique ne faisait pas grand-chose pour empêcher ses fournisseurs d’enfreindre le droit du travail. Ils ont déclaré qu’Apple craignait que la règle n’augmente les coûts, ne retarde le lancement de ses nouveaux appareils et ne draine ses ressources. Trois des anciens employés travaillaient au sein de l’équipe d’Apple chargée de la responsabilité de l’approvisionnement, qui surveille les violations et applique les sanctions. Le quatrième ex-employé était un cadre supérieur qui connaissait bien ses opérations en Chine, selon le rapport.

Apple espionnerait ses employés

Gerard Williams, un ex-employé d’Apple, l’avait accusé d’avoir espionné ses messages privés lorsqu’il y travaillait encore. En effet, Apple s’est retrouvé engagé dans une action en justice contre l’un de ses anciens employés qui prétend que la société a eu accès à la messagerie de son iPhone pendant qu’il travaillait encore chez elle.

Gerard Williams, ancien ingénieur qui a travaillé pendant 9 ans pour le compte d’Apple, dirigeait la conception de toutes les puces alimentant les appareils mobiles d’Apple. Williams a quitté Apple en février dernier pour devenir PDG de Nuvia, une startup qui fabrique des puces en silicium pour les centres de données. Williams n’a pas été le seul employé ayant quitté Apple, d’autres employés ont fait pareil parmi lesquels 2 d’entre eux sont devenus avec lui, les cofondateurs de Nuvia.

Face à son succès après sa démission, Apple a engagé une action en justice contre lui pour rupture de contrat, affirmant qu’un accord de propriété intellectuelle l’empêchait de planifier ou de se livrer à des activités commerciales susceptibles de concurrencer la société.

Face aux accusations d’Apple, les avocats de Williams allèguent que les messages texte entre Williams et ses anciens collègues qui ont été cités dans le procès d’Apple sont la preuve que le fabricant d’iPhone a illégalement espionné ses communications privées avec ses collègues. Ils ont avancé l’argument selon lequel la société n’avait pas obtenu ces messages avec les consentements de leurs propriétaires.

Protection légale et sociale pour les lanceurs d’alerte

Ashley Gjøvik appelle à une meilleure protection légale et sociale pour les lanceurs d’alerte, qui sont souvent victimes de représailles, de harcèlement, de stigmatisation et d’isolement. Elle souligne l’importance de leur rôle pour révéler les abus et les malversations des riches et des puissants, et pour promouvoir la transparence et la responsabilité.

Ashley Gjøvik cite des exemples de lanceurs d’alerte célèbres, comme Daniel Ellsberg, qui a divulgué les Pentagon Papers sur la guerre du Vietnam ; Edward Snowden, qui a exposé la surveillance de masse pratiquée par les agences de renseignement américaines ; ou Julian Assange, qui a fondé WikiLeaks pour publier des documents secrets sur les crimes de guerre et la corruption.

Les lanceurs d’alertes bénéficient à l’échelle de l’Union européenne, d’une protection accrue grâce à une législation historique, approuvée en 2019, et qui vise à encourager les signalements d’actes répréhensibles.

Les dénonciateurs sont souvent découragés de lancer une alerte concernant des actes d’abus et manquements aux obligations par crainte de représailles. C’est pour ces raisons que le Parlement européen a approuvé une loi qui protège les dénonciateurs. La loi leur accorde également des « canaux sûrs » qui leur permettront de signaler les infractions au droit communautaire en toute sérénité, selon un article de la BBC. La loi avait été approuvée par 591 voix, avec 29 voix contre et 33 abstentions.

Les lanceurs d’alertes subissent des représailles dans les systèmes universitaires

Dans un article d’opinion, Mark Geoghegan, un ancien universitaire qui a une situation de harcèlement moral après avoir révélé l’existence d’une relation non déclarée entre le responsable de son département et une étudiante de ce même département raconte son expérience et celle de trois autres lanceurs d’alerte qui ont souffert de représailles, de menaces, de licenciement ou de mise à l’écart.

Mark Geoghegan et ses camarades ont subi des représailles pour avoir révélé des faits de plagiat, de falsification ou de pollution dans le domaine de la recherche. Ils ont été victimes de pressions et de manipulations de la part de ses supérieurs hiérarchiques, qui ont remis en cause sa crédibilité et sa compétence. Mark Geoghegan a fini par quitter son poste, déçu et écœuré par le manque d’honnêteté et de loyauté des personnes en qui il avait confiance.

Il souligne lui aussi les risques et les difficultés auxquels sont confrontés les lanceurs d’alerte, qui sont souvent ignorés, discrédités ou isolés par les institutions qui devraient les protéger. Il cite le cas d’une sociologue renommée qui a été victime d’une campagne d’intimidation après avoir contesté l’efficacité d’un modèle opérationnel imposé à un institut de recherche et avoir refusé d’effacer les preuves de son échec.

Elle accuse son responsable hiérarchique de l’avoir harcelée professionnellement et d’avoir utilisé une collègue féminine pour l’aider dans ses hostilités. Elle qualifie son comportement de misogynie prédatrice. Elle a tenté de porter plainte, mais son université a laissé le responsable hiérarchique diriger l’« enquête ». Face à l’hostilité constante et aux conséquences graves sur sa santé, elle a pris sa retraite.

Le lanceur d’alerte Geoghegan mentionne également le cas d’un professeur de neurosciences qui a été licencié après avoir signalé que l’une de ses propositions réussies au Conseil de la recherche en biotechnologie et en sciences biologiques avait été largement plagiée par des collègues.

Il affirme qu’il a été enquêté par le Conseil pour avoir transmis sa proposition au doyen de la recherche, alors qu’elle était confidentielle. Il a ensuite subi un processus de licenciement, suivi d’un long processus d’usure et de stress qui l’a conduit à être hospitalisé pour une embolie pulmonaire. Il regrette que ses plaintes n’aient pas été prises au sérieux et qu’il se soit senti traité comme un être inférieur.

Mark Geoghegan rapporte enfin le cas du responsable de recherche du projet OpenAg (Open Agriculture) au Media Lab du MIT (anciennement parrainé par Jeffrey Epstein). Le projet était un ordinateur alimentaire open source censé révolutionner la culture hydroponique des aliments, et le MIT affirmait (faussement) qu’il avait été déployé dans un camp de réfugiés.

Le chercheur a remis en question la légitimité des affirmations et a allégué que des déchets contenant plusieurs fois la limite légale d’azote étaient déversés dans les eaux souterraines, risquant de contaminer les puits privés. Pour lui, le pire moment a été lorsque, alors qu’il était en congé médical après avoir souffert de crises de panique, son avocat lui a rapporté que l’avocat du MIT lui avait dit : « Bonne chance à sa carrière s’il décide d’attaquer le MIT ».

Mark Geoghegan critique le manque de transparence et d’éthique dans le milieu universitaire, où les intérêts personnels ou financiers l’emportent sur la vérité scientifique. Il appelle à une réforme du système et à une reconnaissance du rôle crucial des lanceurs d’alerte pour la qualité et l’intégrité de la recherche.

Mark Geoghegan dénonce lui aussi le manque de protection et de soutien dont bénéficient les lanceurs d’alerte, qui sont souvent exposés à des risques et à des difficultés pour avoir révélé des faits gênants ou contraires à l’éthique. Il critique le manque de transparence et d’intégrité dans le milieu universitaire, où les intérêts personnels ou financiers prévalent sur la vérité scientifique. Il appelle à une réforme du système et à une reconnaissance du rôle crucial des lanceurs d’alerte pour la qualité et l’intégrité de la recherche.

Lire aussi : Snowden déclare que la censure des plateformes est « clairement allée trop loin »

Sources : DeveloppezAshley Gjøvik’s blog post, Mark Geoghegan’s blog post


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