Boston Dynamics vend Digidog, son chien-robot, aux services de police


Mais certains craignent qu’il ne devienne un outil de surveillance dangereux.

Le robot Spot commercialisé par Boston Dynamics ouvre à nouveau le débat sur les enjeux éthiques et les problèmes de confidentialité inhérents aux armes autonomes.

La société a conçu et vendu un chien-robot au département de la police de New York que ce dernier a récemment testé lors d’une prise d’otage. Si les autorités policières déclarent que le robot a été déployé pour s’assurer que le terrain est sûr avant d’envoyer des agents pour intervenir, certaines personnes sont sceptiques sur le sujet. Elles craignent que le robot ne dérive de son objectif initial et devienne un outil de surveillance agressif.

Le NYPD est blâmé pour avoir fait usage d’un robot de Boston Dynamics

Racheté par le Sud-Coréen Hyundai au Japonais SoftBank en 2020, Boston Dynamics est une entreprise américaine spécialisée dans la robotique, notamment à usage militaire. SoftBank lui-même l’avait racheté à Alphabet Inc., la maison de Google, en 2017. Ces dernières années, la société a travaillé sur un robot quadrupède qu’elle a commencé à commercialiser à l’été 2019 sous le nom de Spot. Boston Dynamics avait déclaré l’année dernière que ses nouveaux robots quadrupèdes ne sont pas destinés à un usage militaire. Toutefois, il le vend désormais aux services de police aux États-Unis, et le département de la police de New York (NYPD) s’en est servi la semaine dernière.

En effet, à la suite d’une prise d’otage dans le Bronx, le NYPD a déployé son Spot personnalisé qu’il a baptisé Digidog. La police devait aller à la rescousse d’un homme retenu prisonnier par deux autres hommes. Digidog est un chien-robot possédant des caméras et des lumières fixées sur son châssis, et un système de communication bidirectionnelle qui permet à l’agent qui le manœuvre à distance de voir et d’entendre ce qui se passe. Le NYPD a déclaré que le Digidog peut voir dans le noir et évaluer la sécurité des agents qui pénètrent dans un appartement ou un bâtiment où il peut y avoir une menace.

La police a ajouté que Digidog avait aidé les agents à déterminer qu’il n’y avait personne à l’intérieur, leur permettant ainsi d’intervenir en toute « sécurité ». « La police de New York utilise des robots depuis les années 1970 pour sauver des vies lors de prises d’otages et d’incidents liés aux produits dangereux », a déclaré le NYPD sur Twitter. « Ce modèle de robot est testé pour évaluer ses capacités par rapport à d’autres modèles utilisés par notre unité de services d’urgence et notre équipe de déminage. » Cependant, des voix s’élèvent contre l’utilisation de ce type d’engin par la police, déclarant que cela pose des problèmes de confidentialité.

La représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, a décrit Digidog sur Twitter comme étant un drone de « surveillance robotique au sol ». « Posez-vous la question : quand avez-vous vu pour la dernière fois une technologie de classe mondiale de nouvelle génération pour l’éducation, les soins de santé, le logement, etc., systématiquement priorisée pour des communautés mal desservies comme celle-ci », a-t-elle écrit sur Twitter. En outre, dans une vidéo prise par le vidéaste Daniel Valls de FreedomNews.tv, l’on peut entendre une voix dire « cette chose est effrayante ».

Jay Stanley, un analyste politique senior de l’Union américaine des libertés civiles (ACLU), a déclaré que le fait de donner à un robot le pouvoir de faire le travail de la police pourrait avoir des conséquences sur les préjugés, la surveillance mobile, le piratage et la vie privée. D’autres craignent aussi que le robot puisse être couplé à d’autres technologies et être utilisé comme une arme. « Nous voyons beaucoup de services de police adopter de nouvelles technologies de surveillance et autres sans en parler, et encore moins sans demander aux communautés qu’ils servent », a-t-il déclaré.

« L’ouverture et la transparence sont donc essentielles. » Toutefois, il semblerait que ce soit uniquement la société civile qui voit la chose de cette manière. Selon Keith Taylor, un ancien sergent de l’équipe SWAT du NYPD qui enseigne au « John Jay College of Criminal Justice », un appareil mobile pouvant recueillir des renseignements à distance sur une situation explosive a « un potentiel énorme » pour limiter les blessures et les décès. « Il est conçu pour aider les forces de l’ordre à obtenir les informations dont elles ont besoin sans avoir à se battre contre des incendies meurtriers, par exemple », a-t-il déclaré.

Rappelons que le conseil municipal de la ville a adopté la loi sur la surveillance publique via des technologies de surveillance en juin dernier, dans le cadre des efforts visant à remanier les forces de police. La loi exige que le département de police soit plus transparent sur ses outils de surveillance, y compris Digidog, ce qui, selon les défenseurs des libertés civiles, faisait défaut. Un porte-parole du NYPD a déclaré que le robot est en phase de test, probablement pour voir s’il est réellement utile sur le terrain.

À son lancement, Spot n’était pas destiné à un usage militaire

Comme souligné plus haut, Boston Dynamics a commencé par commercialiser son robot quadrupède Spot l’année dernière. Il s’agit en effet d’un robot agile qui grimpe les escaliers et traverse les terrains accidentés avec une grande facilité, tout en étant assez petit pour être utilisé à l’intérieur. Spot est conçu pour être une plateforme robuste et personnalisable. L’été dernier, la société a déclaré que Spot répond de manière autonome aux besoins en matière de détection industrielle et d’exploitation à distance. Elle estime que son robot peut aller là où vous lui dites, même les endroits où les robots à roues ne peuvent pas aller.

Il serait également capable d’éviter les obstacles et de garder son équilibre dans des circonstances extrêmes. Selon l’entreprise, tout ceci constitue des compétences cruciales si vous essayez de naviguer dans un environnement inconnu. Elle estime aussi que Spot peut transporter des charges utiles dont l’endurance dépasse de loin celle des drones aériens. Spot serait en mesure de transporter jusqu’à quatre modules matériels sur son dos et sa capacité d’emport serait de 14 kilogrammes. Le robot possède une vision à 360 degrés et utilise des caméras stéréoscopiques pour éviter les obstacles et les personnes lorsqu’il se déplace.

La société estime que Spot est conçu pour résister aux environnements industriels poussiéreux et humides. Il serait aussi doté d’une protection en cas d’accident. Boston Dynamics concevait des robots pour la plupart orientés vers le domaine militaire, mais dans le cas du Spot, l’entreprise a indiqué l’année passée qu’il n’était en aucun cas destiné à un usage militaire. « Nous ne voulons pas voir Spot faire quoi que ce soit qui nuit aux gens, même si c’est de façon simulée », a déclaré Michael Perry, vice-président du développement commercial chez Boston Dynamics.

« C’est quelque chose sur quoi nous sommes plutôt fermes quand nous parlons aux clients », ajouta-t-il. Selon ce dernier, au lancement, la plupart des acheteurs ont été des entreprises de services publics et d’énergie ainsi que des fabricants et des entreprises de construction, qui l’utilisent pour pénétrer dans des espaces trop dangereux pour les humains. Il a déclaré que le robot a été utilisé pour inspecter des sites contenant des matières dangereuses. Au début de la pandémie, il aurait été utilisé par des travailleurs de la santé pour communiquer avec des patients potentiellement malades sur les sites de dépistage.

Il a ajouté que la plupart des entreprises renomment le robot après l’avoir acheté. Cela dit, même s’il existe une différence fondamentale entre la fonction policière et la fonction militaire, des critiques estiment que Boston Dynamics n’a pas tenu sa promesse de départ en vendant ses robots dotés de capacités « surprenantes » à la police. Selon des rapports sur le sujet, le NYPD est l’un des trois départements de police du pays à posséder le Spot. La police d’État du Massachusetts et le département de police d’Honolulu l’utiliseraient également. Il a une autonomie de 90 minutes et marche à une vitesse d’environ 4 km/h.

D’autres services de police auraient appelé l’entreprise pour en savoir plus sur le robot, qui a un prix de départ d’environ 74 000 dollars. Perry a déclaré qu’il pourrait coûter plus cher lorsque l’acheteur souhaite avoir des fonctionnalités supplémentaires. En réponse aux inquiétudes liées à la confidentialité et la surveillance de masse, Perry a déclaré que le chien mécanique n’a pas été conçu pour servir d’outil secret de surveillance de masse. « Il est bruyant et a des lumières clignotantes. Ce n’est pas quelque chose de discret », a-t-il déclaré pour tenter de convaincre les sceptiques.

Par ailleurs, l’utilisation de robots pouvant être déployés dans des situations dangereuses pour garder les policiers hors de danger pourrait devenir la norme. À Dallas, en 2016, la police a mis fin à une impasse avec un homme armé recherché dans le meurtre de cinq officiers en le faisant exploser à l’aide d’un robot. En 2015, un homme armé d’un couteau qui avait menacé de sauter d’un pont à San Jose, en Californie, a été arrêté après que la police eut fait apporter par un robot un téléphone portable et une pizza.

Et en 2014, la police d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique, aurait utilisé un robot pour « déployer des munitions chimiques » dans une chambre de motel où un homme s’était barricadé avec une arme à feu. Il se serait rendu ensuite. Enfin, ce n’est pas la première fois que le NYPD déploie un des robots de Boston Dynamics. En octobre dernier, le département a utilisé un autre Spot pour retrouver un homme armé qui s’était barricadé dans un bâtiment après avoir accidentellement tiré une balle dans la tête de quelqu’un lors d’un conflit de stationnement à Brooklyn.

Lire aussi : Les robots de Boston Dynamics dansent sur « Do You Love Me » dans la dernière vidéo

Source : Developpez


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