Neuvième planète : «Il faudra dix ou quinze ans pour parvenir à l’observer»


INTERVIEW Grand connaisseur du Système solaire et de ses planètes, Alessandro Morbidelli apporte à «20 Minutes» son éclairage sur la probable 9e planète du système solaire…

Elle n’a pas encore de nom, et on n’est même pas sûr qu’elle existe bel et bien. Mais les calculs des chercheurs californiens affirmant qu’une neuvième planète, plus grosse que la Terre, existe dans notre système solaire, sont considérés comme sérieux par la communauté scientifique. Et Alessandro Morbidelli, directeur de recherche au CNRS établi à l’Observatoire de la Côte d’Azur, ne fait pas exception. 20 Minutes a demandé à ce fin connaisseur du système solaire ce qu’il pensait de la découverte.

Ce n’est pas nouveau, comme théorie, une 9e planète lointaine…

En 2014, un article avait mis en évidence le fait que les objets les plus distants du système solaire, au nombre de 13, avaient des orbites à peu près alignées, ce qui est statistiquement anormal. Ses auteurs l’expliquaient par la présence possible d’une planète. Mais ils ne l’avaient pas démontré, et en choisissant leurs 13 objets ils avaient un peu mélangé les torchons et les serviettes. L’article de cette semaine sépare ces torchons et ces serviettes, et ne garde plus que 6 objets lointains dont, pour le coup, les orbites sont vraiment alignées dans l’espace. Ils ont calculé que la probabilité pour que ce soit dû au hasard est de 0,007%. Ils ont donc revisité l’hypothèse de la planète en démontrant qu’elle était solide et en caractérisant cette planète et son orbite.

Pourquoi n’a-t-on pas eu l’idée de faire ces calculs plus tôt ?

Parce que les six objets lointains utilisés dans l’étude ne sont pas connus depuis longtemps, moins de dix ans pour certains. Il fallait donc le temps de bien les connaître, eux et leur orbite. Et puis il fallait y croire, pour se lancer dans une telle recherche ! Personnellement, j’aurais eu peur de donner un coup d’épée dans l’eau.

Ne pourrait-on pas calculer où se trouve la planète, pour l’observer ?

On avait pu le faire pour Neptune : la 8e planète a été découverte en 1846 par Le Verrier, qui a déduit son orbite et sa position sur cette orbite parce que la configuration Uranus-Neptune le lui permettait. Du coup, l’observation de la planète avait pu être faite rapidement, parce qu’on savait où regarder. Ici c’est différent, on comprend le type d’orbite de cette 9e planète mais on ne peut pas savoir où elle est. Ça va être une recherche très longue : à mon avis il faudra entre dix et quinze ans pour soit la trouver, soit conclure: « C’est bizarre, mais il n’y a pas de 9e planète ».

Pourquoi une telle attente ?

Un nouveau télescope, le LSST, est en train d’être construit au Chili. Il aura un grand champ de vision, conçu pour voir tout le ciel. S’il y a quelque chose à trouver, on le trouvera avec ça. Il devrait entrer en fonction vers 2022, je lui donne un peu de temps pour bien fonctionner et chercher et j’arrive à, au mieux, une observation possible de la 9e planète à partir de 2026.

Comment la planète s’est-elle retrouvée si loin du Soleil ?

Cette planète, si elle existe, est un sous-produit de la formation des planètes géantes. Elles se sont formées à partir de planètes plus petites qui, en entrant en collision au début du système solaire, se sont accrétées. Mais toutes ne se sont pas accrétées, certaines ont été envoyées très loin, comme exilées du centre du système solaire. Et l’orbite de ces planètes exilées ressemble tout à fait à celle de la 9e planète. En fait, les planètes naissent comme une famille, et s’ensuit un fratricide où les plus costaudes survivent et les plus petites sont soit accrétées, soit chassées.

Peut-on imaginer une 10e planète, une 11e, une 12e… ?

Aucun indice ne permet de le penser, mai ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. Cela dit, il y a une limite à la fois au nombre de planètes qu’un système solaire peut former et au nombre de planètes expulsées qui peuvent continuer à tourner autour du Soleil –quatre sur cinq quitteront le système solaire. Je dirais donc qu’une neuvième planète, c’est probable, une dixième peut-être, mais je n’irais pas au-delà.

Source : 20 Minutes


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