Glenn Greenwald quitte The Intercept après la censure de son article sur Biden


Le célèbre journaliste Glenn Greenwald a démissionné jeudi de The Intercept, un organe de presse qu’il a co-fondé, suite à la tentative de « censure » d’un article qu’il avait écrit au sujet de l’exposé du Post concernant des documents récupérés dans un ordinateur portable de Hunter Biden.

Greenwald est surtout connu pour son rapport de 2013 sur les fuites de documents de surveillance de la population révélés par l’ancien sous-traitant de l’Agence de sécurité nationale Edward Snowden. Son travail pour The Guardian lui a valu le prix Pulitzer.

« En violation avec mon droit contractuel de liberté éditoriale, les éditeurs de The Intercept ont censuré un article que j’ai écrit cette semaine, refusant de le publier à moins que je ne supprime toutes les parties critiques à l’égard du candidat démocrate à la présidence, Joe Biden », a écrit Greenwald dans un billet de blog.

« La censure brutale de mon article de cette semaine – au sujet des documents de Hunter Biden et de la conduite de Joe Biden concernant l’Ukraine et la Chine, mais aussi de ma critique de la tentative des médias de serrer les rangs, dans une union profondément contre nature, avec la Silicon Valley et la “communauté du renseignement”, pour supprimer les révélations de l’article – a érodé le dernier prétexte auquel je pouvais m’accrocher pour rester. »

Censure libérale

Co-fondateur du site The Intercept, Greenwald a décidé de le quitter après que les responsables de la rédaction lui aient demandé de retirer tous les passages critiques sur Joe Biden dans un article concernant les affaires juteuses et illégales de son fils Hunter. Cette affaire révélée par le New York Post a été censurée sur Facebook et sur Twitter qui ont effacés tous les posts la relayant.

Dégoûté de la partialité de ses collègues

Dans un podcast d’un collègue, puis dans une tribune publiée le 20 octobre 2020 sur la plateforme collaborative Substack, il a exprimé sa déception devant l’attitude de ses collègues :

« Je ne pense pas avoir été dégoûté par mes collègues dans la profession comme je l’ai été ces trois dernières semaines avec cette histoire ». Parlant des journalistes américains dans leur immense majorité, il a ajouté « Ils sont tellement dans l’espérance que Trump perde (They are all desperate for Trump to lose), c’est ça la réalité. Ils veulent que Biden gagne, c’est pourquoi ils ne veulent diffuser aucune information ou aucune histoire qui puisse favoriser la défaite de Biden. »

Greenwald, 53 ans, vit au Brésil avec son mari David Miranda, membre socialiste du Congrès, et leurs deux enfants. Il a participé au lancement de The Intercept au début de l’année 2014.

Greenwald a publié l’article censuré ainsi que les courriels qu’il a échangé avec les rédacteurs sur la plate forme SubStack, qui permet aux abonnés de financer le journalisme indépendant.

Le commentaire de l’article censuré précise : « La publication par le New York Post, il y a deux semaines, d’e-mails provenant de l’ordinateur portable de Hunter Biden, concernant le travail du vice-président Joe Biden en Ukraine, et d’articles ultérieurs provenant d’autres médias concernant la persistance de la famille Biden à rechercher des opportunités commerciales en Chine, a provoqué des initiatives extraordinaires de la part d’une coalition de fait entre les médias, les géants de la Silicon Valley et les services de renseignements pour supprimer ces articles. »

Peter Maas, rédacteur en chef de The Intercept, a rejeté le projet d’article de Greenwald, écrivant dans un courriel que son « problème principal est le lien souvent affirmé ou supposé entre les courriels de Hunter Biden et la corruption de Joe Biden ».

Selon Maas, « il y a de nombreux passages dans lesquels la position explicite ou implicite est a) que les courriels exposent de la corruption chez Joe Biden et b) que les organismes de presse suppriment leurs reportages à ce sujet. Ces prises de position me semblent être les fondements de ce projet d’article, et d’autre part elles me paraissent inexactes, et cette inexactitude vient remettre en cause des points plus spécifiques qui eux sont fondés ».

Maas admet qu’il existe quelques courriels publiés et textes dans lesquels Hunter Biden ou ses partenaires commerciaux insinuent ou laissent entendre que Joe Biden pourrait être au courant de leurs relations avec la Chine ou y être impliqué. Ce sont ces passages qui ont le plus attiré l’attention, à juste titre, mais ils restent vagues.

Dans l’un des courriels envoyés en Chine, par exemple, il est fait référence du « mec important » – qui pourrait être Joe Biden ou quelqu’un d’autre – et il n’est pas clair que Joe Biden, même s’il est ce mec important, était au courant qu’une négociation en sa faveur sur des parts de propriété était en cours. Certaines des accusations les plus graves, et des corroborations potentielles, proviennent non pas du disque dur mais de la courte conférence de presse de Tony Bobulinski au cours de laquelle il n’a pas accepté de questions, avant de se présenter lors du débat en tant qu’invité de Trump.

Maas a également écrit que les organismes de presse évitent peut-être de publier cette histoire parce qu’ils n’ont pas de copie du disque dur de Hunter Biden qui leur permettrait de la valider.

Réponse de Greenwald : « Vous savez bien qu’il vous est impossible de dire explicitement que vous ne voulez pas publier l’article car il soulève des questions concernant le candidat que vous et tous les autres rédacteurs en chef de The Intercept souhaitez vivement voir remporter l’élection dans 5 jours. Vous devez donc faire passer votre censure pour une accusation – scandaleuse et inexacte – selon laquelle mon article contiendrait des affirmations factuellement fausses. »

La rédactrice en chef de The Intercept, Betsy Reed, a déclaré dans un communiqué que le départ de Greenwald était le fruit d’un « désaccord fondamental sur le rôle des rédacteurs en chef dans la pratique du journalisme et la nature de la censure ».

« Glenn exige le plein droit de déterminer ce qu’il va publier. Il estime que quiconque n’est pas d’accord avec lui est corrompu, et que quiconque prétend modifier ses propos se rend coupable de censure », a écrit Reed

Toutefois, dans son annonce de démission, Greenwald a écrit qu’il ne pouvait pas tolérer la complaisance vis à vis d’une censure partisane.

« Comme n’importe qui ayant de jeunes enfants, une famille et de nombreuses obligations, c’est avec une certaine appréhension , mais aussi avec la conviction qu’il n’y a pas d’autre choix que je me résous à prendre cette décision. Il me serait impossible de dormir la nuit en sachant que j’ai permis à n’importe quelle institution de censurer ce que je veux dire et croire », a écrit Greenwald.

Greenwald a également écrit qu’il était particulièrement troublé par le fait que The Intercept – propriété du co-fondateur d’eBay, Pierre Omidyar – ait qualifié le disque dur de Hunter Biden de désinformation russe, sans en apporter la moindre preuve.

« The Intercept a publié certaines des affirmations les plus crédibles et les plus fausses de la folie jusqu’au boutiste du Russiagate et, de façon terrible, a pris la tête de la campagne de dénigrement des archives de Hunter Biden en les qualifiant de « désinformation russe », citant sans vergogne et sans esprit critique – semble-t-il – une lettre d’anciens responsables de la CIA qui reprenait cette insinuation sans fondement », a écrit Greenwald.

Le directeur du renseignement national, John Ratcliffe, a déclaré la semaine dernière que le reportage de The Post quand aux courriels de Hunter Biden « ne fait pas partie de quelque campagne de désinformation russe que ce soit ». Le secrétaire d’État Mike Pompeo a abondé dans son sens.

Mercredi, Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, et Jack Dorsey, PDG de Twitter, ont été mis sur la sellette par la commission du commerce du Sénat à propos de la censure dont a fait l’objet le rapport du Post ce mois-ci. Facebook a déclaré qu’il avait étouffé les premières histoires du Post en attendant de vérifier les faits. Twitter a bloqué la communication des URL et a verrouillé le compte du Post, des journalistes et des responsables qui ont partagé ces articles.

Twitter a censuré les articles du Post en vertu d’une politique relative aux « documents piratés », bien qu’il n’y ait aucune preuve que les documents aient été piratés, et le compte principal Twitter du Post reste bloqué. « Notre équipe a pris une décision rapide. Nous pensons cependant que la mesure exécutoire, consistant à bloquer les URL, tant dans les tweets que dans les messages directs, était incorrecte et nous l’avons modifiée », a déclaré Dorsey.

Hunter Biden n’a pas nié avoir remis l’ordinateur portable à un réparateur du Delaware, qui à son tour a donné son contenu à l’avocat de Trump, Rudy Giuliani, qui l’a communiqué au Post.

Le réparateur, dont le Post a confirmé l’identité avant la publication, affirme que Hunter Biden n’a jamais récupéré l’ordinateur portable dans son magasin et a fourni la preuve qu’un contrat stipule que le matériel est légalement considéré comme abandonné au bout de 90 jours.

La semaine dernière, Bobulinski, ancien partenaire commercial de Hunter Biden, a corroboré les allégations selon lesquelles Joe Biden était au courant des transactions de son fils et y était impliqué, notamment en ce qui concerne une proposition commerciale de 2017 avec une société pétrolière chinoise. Un document mentionnait une réserve de 10 % pour « le mec important », qui, selon Bobulinski, était Joe Biden.

Greenwald a écrit que sa critique de la partialité des plate formes d’information ne concernait pas uniquement The Intercept.

« Au contraire : des batailles acharnées pour la liberté d’expression et le droit à la dissidence font rage au sein de chaque grande institution culturelle, politique et journalistique », a-t-il écrit. « C’est la crise à laquelle le journalisme, et plus largement les valeurs des libertés fondamentales, sont confrontés. Notre discours devient de plus en plus intolérant à l’égard des opinions dissidentes, et notre culture exige de plus en plus la soumission aux orthodoxies dominantes imposées par les monopoles autoproclamés de la Vérité et de la Justice, soutenus par des armées de gens pratiquant en masse la répression en ligne. »

Lire aussi : NBC répond enfin à l’histoire de Hunter Biden… avec un exposé exhaustif d’un document sans rapport

Source : New York Post – 29/10/2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises


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1 réponse

  1. sangmelima dit :

    Ben comme ça on espère que Glenn Greenwald aura enfin pigé que la presse de son pays (comme l’officielle de n’importe où ailleurs) n’est pas là pour informer mais pour conditionné aux choix décrétés par l’oligarchie mondiale…
    Z’en mettent du temps à comprendre les quelques journalistes courageux… Souvenez-vous d’un certain Denis ROBERT chez nous, celui-là même qui publia deux ouvrages très denses sur l’affaire “Clearstream”, tentant ainsi d’alerter les français de l’énorme manipulation financière qui maille les grosses banques et les chambres de compensation. Qui a lui ses ouvrages ? Une poignée de français ultra minoritaire et les collègues de ROBERT qui d’ailleurs lui ont ensuite fortement conseillé de lâcher l’affaire au risque de sa propre survie…
    Et c’est ce que fit D. ROBERT que l’on retrouve maintenant travaillant pour le “Media”, un organe qui ne risque pas d’aider au renversement urgent de la macronie. Et ROBERT a choisi cette impasse professionnelle (correctement payée quand même) parce qu’il a goûté à la vie dangereuse de tous les donneurs d’alerte…

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