Glyphosate : un désherbant populaire a un effet jusqu’alors inconnu sur les bourdons


Selon une nouvelle étude, l’herbicide le plus utilisé au monde empêche les bourdons de garder leurs ruches suffisamment chaudes pour incuber leurs larves.

Les bourdons (Bombus terrestris) sont confrontés à des pénuries alimentaires dues à la perte d’habitat et à la généralisation des monocultures agricoles. Comme les abeilles domestiques, ils se nourrissent de nectar récolté sur les plantes, et en stockent une plus grande quantité dans leur nid. Ils récoltent également du nectar et du pollen pour nourrir leurs petits.

Les bourdons sont uniques par leur capacité à maintenir une sorte de « thermostat » collectif, afin de rester au chaud dans des zones où les autres abeilles ne le peuvent pas. Ils y parviennent en régulant leur propre température corporelle et celle de la colonie par des « frémissements ».

Cela fait d’elles d’importants pollinisateurs dans les zones plus fraîches, et c’est essentiel pour le développement des larves, qui ne peuvent atteindre l’âge adulte que si leur couvain est maintenu entre 25 et 35°C.

Lorsque la nourriture vient à manquer, la colonie se refroidit et le développement des larves peut être affecté. Mais une nouvelle étude (lien plus bas) a révélé que l’épuisement des ressources n’est pas la seule chose qui perturbe l’incubation des abeilles.

Le glyphosate est utilisé par les agriculteurs et les jardiniers pour tuer les mauvaises herbes et réguler les cultures. Ce produit chimique, qui inhibe une enzyme présente uniquement dans les plantes, les champignons et certaines bactéries, a longtemps été considéré comme inoffensif pour les abeilles.

Cependant, cette étude est la dernière d’une longue série de rapports récents sur les effets non létaux, mais indubitablement nocifs, du glyphosate sur les abeilles.

Pour se faire une idée précise de la façon dont ce produit chimique affecte les bourdons, des chercheurs de l’université de Constance (Allemagne) ont gardé 15 colonies de bourdons dans un laboratoire.

Chaque colonie était divisée en deux sections par un grillage, avec un nombre égal d’abeilles ouvrières de chaque côté. D’un côté, les ouvrières ont reçu de l’eau sucrée ordinaire et du pollen. L’autre côté était nourri de la même manière, sauf que l’eau sucrée était dopée avec 5 mg/l de glyphosate.

Les ouvrières pouvaient se voir et se toucher à travers le grillage, mais comme les bourdons n’échangent pas de nourriture liquide comme le font les abeilles domestiques, la contamination croisée n’était pas un problème.

Pour éviter tout biais, les chercheurs qui ont nourri les abeilles n’ont pas été informés du côté de la colonie qui recevait le liquide contenant l’herbicide avant que toutes les données ne soient recueillies.

Tout d’abord, ils ont voulu savoir si les bourdons seraient individuellement affectés par l’exposition au glyphosate. Ils ont isolé les ouvrières des deux côtés de chaque colonie et ils ont donné à chaque bourdon un « mannequin de couvain » : une imitation de larve recouverte de cire provenant de couvains précédents, dont les bourdons s’occupent comme s’il était réel.

Que les bourdons aient été nourris avec de l’eau chargée de glyphosate ou de l’eau sucrée ordinaire, elles se sont mises à s’occuper de leur mannequin et, bien que ceux exposés à l’herbicide aient été légèrement plus lents dans leurs tâches d’incubation, les résultats de cette expérience étaient statistiquement faibles.

Mais bien sûr, en tant qu’animaux sociaux, les abeilles ont vraiment besoin d’être observées en tant que colonie pour observer les effets complets de tout facteur de stress. C’est pourquoi les scientifiques ont procédé à l’examen de la capacité thermique « au niveau de la colonie » et c’est là qu’ils ont trouvé des différences significatives.

De chaque côté d’une colonie, les chercheurs ont enregistré les données de température dans deux sections d’un couvain : une avec des pupes, et une avec des larves.

Trente jours après que les colonies aient été divisées et que la moitié d’entre elles aient été soumises à un régime d’eau sucrée contaminée par le glyphosate, les scientifiques ont limité leurs ressources alimentaires et ils ont commencé à mesurer les changements de température du couvain des deux côtés des nids.

Colonie de bourdons divisée : à gauche avec du glyphosate, à droite non traité. (Anja Weidenmüller)

Selon les chercheurs :

Lorsque les colonies n’étaient pas dérangées et qu’elles étaient bien nourries, aucune différence dans la température moyenne du nid entre les deux côtés d’une colonie n’a été détectée.

Cependant, lorsque les colonies subissent une limitation des ressources, les effets de l’exposition au glyphosate sont devenus évidents.

Lorsque leur approvisionnement en nourriture a été réduit, les nids qui n’avaient pas été exposés au glyphosate se sont refroidis, mais pas en dessous de la plage optimale pour le développement des larves.

Mais de l’autre côté, où la même limitation des ressources était associée à l’exposition au glyphosate, les températures ont chuté beaucoup plus rapidement, pour finalement descendre en dessous de la plage optimale pour la croissance des jeunes bourdons.

Image thermique de la colonie de bourdons divisée : à gauche avec du glyphosate, à droite non traité. (Anja Weidenmüller)

Dans la nature, ce phénomène pourrait réduire les taux de reproduction en période de pénurie de nourriture et contribuer à un nouveau déclin des bourdons dans le monde.

Étant donné qu’ils sont d’importants pollinisateurs et que, dans les recherches en laboratoire, ils sont considérés comme des substituts de la façon dont d’autres espèces d’abeilles sauvages pourraient être affectées, les conclusions de cette étude sont à la fois instructives et alarmantes.

On ne sait pas encore exactement pourquoi le glyphosate a affecté les bourdons observés, mais sur la base de précédentes recherches, les scientifiques pensent que cela pourrait être dû à l’impact de ce produit sur le microbiome des abeilles.

Indépendamment des effets chimiques sous-jacents, l’étude soulève des inquiétudes quant aux effets « subtils et non létaux » d’un herbicide autrefois considéré comme inoffensif.

L’étude publiée dans Science : Glyphosate impairs collective thermoregulation in bumblebees et présentée sur le site de l’université de Constance : How glyphosate affects brood care in bumblebees.

Lire aussi : Glyphosate : une étude confirme la présence de l’herbicide dans l’urine des Français

Source : GuruMeditation


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