La tragique explosion de Beyrouth a été si violente qu’elle a perturbé l’ionosphère de la Terre


Au début du mois d’août dernier, les habitants des environs du port libanais de Beyrouth ont assisté, horrifiés, à l’une des plus importantes explosions non nucléaires d’origine humaine jamais enregistrées, qui a détruit une partie de leur ville, faisant des centaines de morts, des milliers de blessés et des centaines de milliers de sans-abri.

Le choc a été ressenti dans le monde entier : des capteurs aussi éloignés que la Tunisie et l’Allemagne ont capté le grondement profond, et des stations sismiques situées à environ 500 kilomètres ont enregistré le tremblement.

Il s’avère aujourd’hui que l’explosion de Beyrouth a fait trembler les plus hautes couches de l’atmosphère, et les données qui en résultent pourraient contribuer aux efforts futurs visant à surveiller les essais d’armes menés par des États voyous.

Des chercheurs du National Institute of Technology de Rourkela, en Inde, et de l’université d’Hokkaido, au Japon, ont mesuré les perturbations électriques dans l’ionosphère et ont constaté que l’explosion était comparable à l’impact de nombreuses éruptions volcaniques.

« Nous avons constaté que l’explosion a généré une onde qui s’est propagée dans l’ionosphère en direction du sud à une vitesse d’environ 0,8 kilomètre par seconde », explique Kosuke Heki, spécialiste des sciences de la Terre et des planètes à l’université d’Hokkaido.

Commençant à environ 50 kilomètres au-dessus de nos têtes et s’étendant dans l’espace à des centaines de kilomètres, l’ionosphère est caractérisée par un grand nombre d’électrons libres qui sont arrachés aux molécules de gaz par le rayonnement solaire.

L’équipe a utilisé les variations de phase dans les transmissions micro-ondes envoyées par le système mondial de navigation par satellite (GNSS) le jour de l’explosion pour calculer les changements dans la distribution des électrons, ce qui a permis d’indiquer la présence d’ondes acoustiques dans les gaz.

C’est une astuce que les scientifiques utilisent depuis l’avènement de ces réseaux de satellites dans les années 1990, pour mesurer les ondulations qui balayent les couches supérieures de notre atmosphère afin de noter les signatures subtiles de n’importe quoi, des volcans aux essais nucléaires clandestins.

L’une des premières incursions expérimentales dans l’utilisation de la technologie des satellites de positionnement global (GPS) pour mesurer les explosions de surface a eu lieu au milieu des années 1990, lorsque des scientifiques ont profité de trois explosions souterraines massives dans une mine de charbon du Wyoming, aux États-Unis, pour étudier la réaction de l’ionosphère.

Pourtant, trouver les faibles traces de l’explosion de Beyrouth n’a pas été sans une petite dose de chance. L’événement s’étant produit en début de soirée et à l’approche du coucher du soleil, des irrégularités de l’ionosphère appelées bulles de plasma équatoriales auraient pu masquer complètement le signal.

Heureusement, il n’y avait aucun signe de ces bulles à ce moment-là, ce qui a permis aux scientifiques d’obtenir une image relativement claire du souffle de l’explosion qui a traversé la haute atmosphère à la vitesse du son.

Les chercheurs ont comparé l’impact de l’explosion de Beyrouth sur l’ionosphère aux cicatrices similaires laissées par un certain nombre d’éruptions volcaniques récentes au Japon, et l’ont trouvé plus ou moins comparable. Dans le cas de l’éruption du volcan Asama, dans le centre du Japon, en 2004, l’explosion de Beyrouth a eu un impact bien plus important.

Bien que légèrement plus faible que les explosions de 1,5 kilotonne étudiées il y a plusieurs décennies dans la mine du Wyoming, le fait que cette explosion ait été exposée à la surface de la Terre lui a permis de se diriger sans entrave vers le ciel, avec une libération d’énergie clairement évidente dans les données.

La constitution d’une base de données de signatures acoustiques pouvant être détectées par le GNSS fournit aux scientifiques et aux autorités un moyen de surveiller non seulement la dynamique géologique de notre monde, mais aussi ses frictions politiques.

Nous savons maintenant qu’il a fallu 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium – un engrais couramment utilisé comme ingrédient d’explosifs – pour générer ce qui, selon les calculs, équivaut à la détonation de 1,1 kilotonne de TNT, soit l’équivalent d’une bombe nucléaire à faible rendement.

La capacité d’États tels que l’Iran et la Corée du Nord à progresser vers l’armement nucléaire reste une préoccupation pour la paix mondiale à long terme, de sorte que disposer d’un certain nombre de moyens astucieux pour surveiller les programmes d’essai ne serait pas inutile.

Pour les citoyens de Beyrouth, les ravages de l’explosion du port de 2020 ne sont qu’une insulte de plus qui s’ajoute à la détresse économique et au fléau de la pandémie de coronavirus. Ce n’est pas un événement que l’on souhaite voir se répéter ailleurs ; en apprenant tout ce que nous pouvons sur son impact, nous pouvons faire en sorte qu’il ne se répète pas.

Cette recherche a été publiée dans Scientific Reports.

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Source : ScienceAlert – Traduit par Anguille sous roche


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