Une nouvelle mise à niveau théorique pourrait débloquer des quantités beaucoup plus importantes d’énergie de fusion


Augmenter la limite de combustible des tokamaks à de nouveaux sommets.

La plus grande expérience de fusion du monde, ITER, pourrait être capable de libérer plus d’énergie qu’on ne le pensait.

En effet, une équipe de scientifiques du Swiss Plasma Center, l’un des principaux instituts mondiaux de recherche sur la fusion nucléaire, a publié une étude qui met à jour un principe fondamental de la génération de plasma, comme le révèle un communiqué de presse.

Leurs recherches montrent que le futur tokamak ITER peut fonctionner en utilisant deux fois la quantité d’hydrogène que l’on pensait être sa pleine capacité, ce qui signifie qu’il pourrait générer beaucoup plus d’énergie de fusion nucléaire que ce que l’on pensait auparavant.

Relever la barre de la fusion nucléaire

“L’une des limites de la production de plasma à l’intérieur d’un tokamak est la quantité d’hydrogène que l’on peut y injecter”, explique Paolo Ricci, du Swiss Plasma Center de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

“Depuis les premiers jours de la fusion, nous savons que si vous essayez d’augmenter la densité du combustible, il y aura à un moment donné ce que nous appelons une ‘perturbation’ – en fait, vous perdez totalement le confinement et le plasma se répand partout”, poursuit M. Ricci. “Dans les années 80, on a donc essayé de trouver une sorte de loi permettant de prédire la densité maximale d’hydrogène que l’on peut mettre dans un tokamak.”

En 1988, le scientifique spécialiste de la fusion Martin Greenwald a publié une célèbre loi corrélant la densité du combustible avec le rayon mineur d’un tokamak (le rayon du cercle intérieur du réacteur sphérique) ainsi que le courant qui circule dans le plasma maintenu dans le tokamak. Cette loi, appelée “limite de Greenwald”, est devenue un principe fondamental de la recherche sur la fusion nucléaire et a guidé la stratégie de la plus grande expérience de fusion au monde, l’expérience européenne ITER.

Aujourd’hui, la nouvelle étude de l’équipe de l’EPFL, publiée dans Physical Review Letters, souligne le fait que la limite de Greenwald a été dérivée de données expérimentales.

“Greenwald a dérivé la loi de manière empirique, c’est-à-dire entièrement à partir de données expérimentales – et non d’une théorie testée, ou de ce que nous appellerions des ‘premiers principes'”, explique Ricci. “Malgré tout, la limite fonctionnait assez bien pour la recherche. Et, dans certains cas, comme DEMO (le successeur d’ITER), cette équation constitue une grande limite à leur fonctionnement, car elle indique qu’on ne peut pas augmenter la densité du combustible au-delà d’un certain niveau.”

En collaboration avec d’autres équipes internationales de tokamaks, l’équipe de l’EPFL a conçu une expérience de pointe qui lui a permis de mesurer précisément la quantité de combustible injectée dans un tokamak. L’enquête a été menée dans les plus grands tokamaks du monde : le Joint European Torus (JET) au Royaume-Uni, l’ASDEX Upgrade en Allemagne (Institut Max Plank) et le tokamak TCV de l’EPFL. Les expériences communes ont été coordonnées par le Consortium EUROfusion.

Pendant que ces expériences se déroulaient, Maurizio Giacomin, doctorant dans le groupe de Ricci, a analysé les processus physiques limitant la densité dans les tokamaks afin de dériver une loi de premier principe qui corrèle la densité du combustible avec la taille du tokamak. Pour ce faire, ils ont dû effectuer des simulations sur certains des plus gros ordinateurs du monde, dont certains du CSCS, le Centre national suisse de supercalcul.

“Ce que nous avons découvert, grâce à nos simulations”, explique Ricci, “c’est qu’à mesure que l’on ajoute du combustible dans le plasma, des parties de celui-ci se déplacent de la couche froide extérieure du tokamak, la frontière, vers son cœur, car le plasma devient plus turbulent.”

À l’inverse d’un fil de cuivre, qui devient plus résistant lorsqu’il se réchauffe, les chercheurs affirment que le plasma devient plus résistant lorsqu’il se refroidit. Cela signifie que plus on ajoute de combustible à la même température, plus il se refroidit, ce qui rend le flux de courant dans le plasma plus difficile.

Une nouvelle équation pour la limite de combustible dans un tokamak

Bien que la simulation de la turbulence dans le plasma ait été un grand défi, Ricci et son équipe y sont parvenus et ont écrit une nouvelle équation pour la limite de combustible dans un tokamak sur la base de leurs recherches. Selon les chercheurs, la nouvelle équation rend justice à la limite de Greenwald, tout en l’actualisant considérablement.

En effet, la nouvelle équation indique que la limite de Greenwald peut être portée à près du double de son chiffre actuel en ce qui concerne le combustible utilisé par ITER, ce qui signifie qu’il peut utiliser près du double de combustible sans perturbation.

ITER et d’autres projets mondiaux de tokamak visent à libérer la puissance de la fusion nucléaire, qui a le potentiel de produire une énergie presque illimitée en utilisant la même méthode que le Soleil et les étoiles. ITER devrait commencer à fonctionner avec des réactions d’hydrogène de faible puissance en 2025.

Lire aussi : Un dispositif de fusion nucléaire porte le plasma à une température record de 100 millions de degrés

Source : Interesting Enigneering – Traduit par Anguille sous roche


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