Le RothschildGate : des révélations en mode discret dans les médias de grand chemin


Après avoir évoqué la couverture et le traitement médiatique de « l’affaire McKinsey », nous abordons aujourd’hui « l’affaire Rothschild » vue par les médias de grand chemin.

Ce terme est ces jours-ci employé pour désigner le tour de passe-passe qui aurait permis à Emmanuel Macron de soustraire une partie de son patrimoine à l’Impôt sur la Fortune en France. Revue de presse.

De la commission Attali au ministère de l’économie en passant par la banque Rothschild

La carrière d’Emmanuel Macron ressemble à celle d’autres hauts fonctionnaires passés du public au privé et vice versa. Comme le soulignait le journal Le Monde en juin 2021, « le fait, pour un haut fonctionnaire, de quitter le service de l’Etat et de rejoindre une entreprise privée » est désigné par le terme « pantouflage ». Le quotidien du soir ajoute, sans toutefois désigner Emmanuel Macron, que « cette notion évoque aujourd’hui, à gauche, une forme de ‘corruption’ des élites ». Nous entrons donc dans le cœur du sujet…

« C’est en 2007, à la commission Jacques Attali pour la libération de la croissance, que tout commence vraiment », sous-entendu pour Emmanuel Macron, nous informe France Info dans un article d’octobre 2016. « Il en profite pour se constituer un solide carnet d’adresses. Par la suite, il utilisera ce réseau à la banque Rothschild ».

Le site Off/Investigation mentionne dans un documentaire un de ces liens tissés par E. Macron lors de son activité au sein de la commission Attali chargée de proposer des mesures « pour la libération de la croissance » : « il avait sympathisé avec (le) patron (de la banque Rothschild NDLR), Peter Brabeck ».

C’est donc en toute fluidité qu’Emmanuel Macron quitte la Fonction publique et se fait recruter par la banque Rothschild, où il travaille de septembre 2008 à mai 2012. Une belle prise.

Le Monde révèle en mai 2017 une confession d’un associé-gérant :

« On voulait le garder le plus longtemps possible (…). L’établissement a l’habitude d’ouvrir ses portes à des hauts fonctionnaires afin de capitaliser sur leur carnet d’adresses ».

L’ancien ministre de l’économie, Arnaud Montebourg, souligne dans le documentaire du site Off/Investigation consacré au patrimoine « disparu » d’Emmanuel Macron la stratégie commerciale agressive des banques d’affaire spécialisées dans la négociation des opérations de rachats-fusions-acquisitions. Des officines qui ont tout intérêt à ce que ce type d’opérations se multiplie.

Et comme le souligne le député Olivier Marleix sur Twitter, elles n’ont pas été déçues quand Emmanuel Macron est passé de la banque Rothschild au ministère de l’économie :

Les gains perçus par Emmanuel Macron lors de ses « années Rothschild » ont fait l’objet d’une attention particulière de certains journalistes d’investigation.

Olivier Berruyer en précurseur

Macron a fort bien gagné sa vie quand il était à la banque Rothschild en négociant des opérations de rachats-fusions-acquisitions. Tant mieux pour lui pourrait-on dire.

Valérie Boyer résume néanmoins sur Twitter une équation difficile à résoudre:

Certains articles et documentaires nous l’apprennent également, l’optimisation des gains d’Emmanuel Macron quand il était banquier d’affaire « pose question ». Il y a tout d’abord un redressement fiscal. Le 1er juin 2016, Le Canard Enchainé révèle qu’Emmanuel Macron a fait l’objet d’un redressement sur trois années suite à une sous-estimation de son patrimoine lui permettant de ne pas payer l’impôt sur la fortune.

Quelques mois plus tard, en février 2017, bien avant que le scandale de « l’affaire Rothschild » n’éclate, Olivier Berruyer s’interroge sur le site d’information Les Crises, sur « comment Macron a dépensé un SMIC par jour pendant 3 ans », ce qui a amené son patrimoine financier à fondre comme neige au soleil.

Où sont donc passées les sommes gagnées par Emmanuel Macron alors qu’il travaillait à la banque d’affaire Rothschild, son objectif, revendiqué comme tel, étant comme le souligne L’Obs, de « se mettre à l’abri du besoin » ? Si le documentaire du site Off/Investigation n’apporte pas toutes réponses, son grand intérêt est de présenter les faits de manière méthodique et détaillée, et de poser des questions restées à ce jour sans réponse.

Optimisation fiscale

La minoration du patrimoine déclaré au fisc n’est pas le seul sujet de ce que l’on peut appeler le RothschildGate. Le documentaire de Off Investigation évoque également des suspicions de transfert de fonds vers un paradis fiscal.

Le journal Marianne le relate ainsi : selon un proche de la banque Rothschild cité dans le documentaire,

« dans le système Rothschild, les associés & gérants ont chacun une petite société (…) des sortes de trust – une structure à laquelle le patrimoine d’un individu est transféré N.D.L.R. –, qui sont logées à Jersey ou à l’Île-de-Man(…) Selon le documentaire, la banque Rothschild permettrait à ses associés gérants de verser en moyenne 80 % de leur rémunération dans ces trusts, les 20 % restant allant sur leur compte français, soit ce qu’ils déclarent au fisc. Ensuite, quand le banquier veut récupérer les 80 %, il suffirait« qu’il claque des doigts ».

À l’instar de La Dépêche, les médias de grand chemin ont été très nombreux à relayer le démenti cinglant de la banque d’affaires. Plus largement, la défense du Président de la République et candidat à sa réélection ne tarde pas non plus.

Défense et illustration du capitaine Macron

On ne remet pas impunément en cause la probité de l’ancien banquier d’affaires. L’émission de la chaîne TV Libertés I>Media du 1er avril souligne les réactions de certains médias, en particulier du service public, à ce documentaire. Plutôt que d’approfondir les investigations, il s’agit pour nombre d’entre eux de décrédibiliser toute question gênante à ce sujet.

Alba Ventura prend sur RTL la défense d’Emmanuel Macron en portant sa vindicte contre Éric Zemmour : « le candidat d’extrême droite (attaque) frontalement Emmanuel Macron sur l’affaire McKinsey » pour « draguer les électeurs de droite qui pourraient voter pour lui ». Le 3 avril, le JDD donne la parole à un avocat qui dénonce « Une campagne menacée par le totalitarisme d’extrême-gauche (…) « les amis de Mélenchon préparent l’élection de Marine Le Pen ».

Challenges interroge le 1er avril ( !) le vice-président d’Anticor qui est formel : « Il n’y a pas assez de preuves pour lancer une enquête ». Le journal économique The Financial Times court également à la défense de son protégé : « Les années Rothschild de Macron en font une cible facile ».

À voir non seulement le peu d’empressement des médias de grand chemin à approfondir l’enquête menée par Off Investigation, mais également leurs critiques à l’égard de toute interrogation sur la disparition subite d’une grande partie du patrimoine financier déclaré d’Emmanuel Macron, on peut se dire que le système politico-médiatique n’a toujours pas lâché son favori. Était-ce pourtant un « non sujet » ?

Lire aussi : McKinseyGate : révélations en mode discret dans les médias de grand chemin

Source : Observatoire du journalisme | Ojim.fr


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