Kleptotrichie : ces mésanges sans scrupules qui volent les poils de prédateurs vivants


Les nids d’oiseaux sont de petits endroits douillets : sûrs, chauds et tapissés de matériaux doux pour assurer le confort et la protection des poussins vulnérables.

Pour la mésange bicolore (Baeolophus bicolor) et ses plus proches cousins, ce matériau est souvent la fourrure des mammifères carnivores, dont les scientifiques pensaient qu’elle était prélevée sur des cadavres d’animaux ou qu’elle était prise de manière opportuniste lorsque les animaux perdaient leurs poils.

De nouvelles observations ont toutefois révélé que ce n’était pas le cas : les arracheurs à plumes volent souvent la fourrure sur le dos de prédateurs vivants.

Selon l’écologiste Jeffrey Brawn, de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign :

La mésange que j’ai vue arrachait les poils d’un animal vivant. C’était sur un raton laveur vivant, avec des griffes et des dents. Et le raton laveur ne semblait pas s’en soucier, car il ne s’est même pas réveillé.

Brawn a observé ce comportement tout à fait par hasard alors qu’il effectuait un recensement des oiseaux dans l’Illinois, et il fut tellement intrigué qu’il a cherché une explication.

Avec ses collègues, dirigés par Mark Hauber et Henry Pollock de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign, il a découvert que le vol de fourrure n’était que très peu mentionné dans la littérature scientifique, mais les vidéos YouTube téléchargées par des passionnés d’oiseaux se sont révélées être une ressource très riche.

Dans ces vidéos, on voit des mésanges charbonnières arracher la fourrure de chiens et de chats domestiques, et même d’un porc-épic. En outre, plusieurs autres vidéos montraient d’autres espèces d’oiseaux volant de la fourrure, chez qui ce comportement n’avait pas été documenté scientifiquement.

Une mésange arrache la fourrure d’un raton laveur vivant pendant que ce dernier se régale de graines de tournesol provenant de la mangeoire pour oiseaux. (Youtubeur Richard Converse)

Une mésange arrache les poils d’un chien pour faire son nid. (Youtubeur toris0310)

Une mésange essaye de récupérer quelques cheveux d’une humaine désabusée. (Youtubeur Bre Ximenes)

Mais, bien que la littérature ne contienne que peu de documents, d’autres ressources suggèrent que les oiseaux qui volent la fourrure de mammifères vivants sont assez bien connus du grand public.

Les chercheurs ont baptisé ce comportement “kleptotrichie”, du grec “vol” et “poil”.

Il est intéressant de noter que les recherches sur YouTube ont également permis de trouver de nombreux exemples d’oiseaux récupérant des poils d’animaux dans l’environnement, ce qui suggère que le vol n’est pas leur principale source d’approvisionnement.

Ce qui soulève la question suivante : pourquoi prendre le risque de voler des poils ?

La fourrure animale peut, bien sûr, aider à isoler un nid et à le garder au chaud, mais les chercheurs pensent que la fourrure, en particulier celle des prédateurs, peut avoir d’autres avantages.

Selon Brawn :

Une espèce locale, le Tyran huppé, qui, comme la mésange, niche dans une cavité, met des peaux de serpent perdues dans son nid, peut-être pour dissuader les prédateurs. Les pinsons d’Afrique ont un comportement similaire, utilisant les excréments des prédateurs comme moyen de dissuasion.

Il est même possible que la fourrure aide à repousser les parasites, qui peuvent rapidement tuer les petits oiseaux. Certains oiseaux tapissent leurs nids de matériaux végétaux qui peuvent tenir ces intrus à distance, mais on ne sait pas si la fourrure des mammifères a des propriétés similaires.

De plus amples études seront nécessaires pour déterminer les avantages que les oiseaux retirent des fruits de leurs méfaits, mais une analyse géographique préliminaire menée par l’équipe suggère que la kleptotrichie est plus courante dans les hautes latitudes. Cela suggère que la fourrure est récoltée avant tout pour garder les nids au chaud.

Le fait de disposer d’une documentation scientifique réelle sur la kleptotrichie constitue une étape importante dans la compréhension de ce phénomène, car elle fournit d’importantes informations de base sur lesquelles les autres chercheurs pourront désormais s’appuyer.

Selon Mme Pollock :

Ces interactions inattendues nous rappellent que les animaux ont toutes sortes de comportements intéressants et souvent négligés et soulignent l’importance d’une observation minutieuse de l’histoire naturelle pour faire la lumière sur les subtilités des communautés écologiques.

L’étude publiée dans la revue Ecology : What the pluck? Theft of mammal hair by birds is an overlooked but common behavior with fitness implications et présentée sur le site de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign : Paper: Some birds steal hair from living mammals.

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Source : GuruMeditation


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