Des experts appellent à la prudence face aux biotechnologies susceptibles d’éliminer les insectes nuisibles


Des dizaines de scientifiques, d’experts et de militants ont appelé à l’interdiction de la dissémination d’organismes génétiquement modifiés dans la nature, dans une déclaration vendredi mettant en garde contre les risques potentiellement graves pour les pollinisateurs du monde entier.

L’appel a été lancé à l’occasion des négociations sur la biodiversité à Montréal, où des délégués de presque tous les pays du monde se sont réunis pour négocier une stratégie visant à mettre un terme à la destruction de l’environnement par l’homme, qui menace les systèmes naturels de maintien de la vie sur la planète.

Une multitude de nouveaux outils d’édition du génome qui modifient le matériel génétique des êtres vivants sont apparus ces dernières années. Ils font l’objet de recherches et sont développés en grande partie pour cibler les insectes et les plantes dans l’agriculture.

Leurs partisans font valoir qu’ils pourraient contribuer à la santé humaine, à l’agriculture et même à la conservation des espèces.

Mais leur utilisation dans la nature comporte “des risques sous-étudiés qui pourraient accélérer le déclin des populations de pollinisateurs et mettre en danger des réseaux alimentaires entiers”, selon la lettre rédigée par l’organisation non gouvernementale française Pollinis.

Les signataires – dont des chercheurs spécialisés dans les insectes, les pollinisateurs et l’agroécologie – demandent aux pays participant aux négociations des Nations unies sur la biodiversité de s’opposer au déploiement des biotechnologies génétiques dans la nature.

Selon eux, les recherches scientifiques actuelles ne permettent pas d’évaluer de manière “fiable et solide” les risques de dommages potentiels pour d’autres espèces, notamment les pollinisateurs, ainsi que pour les plantes, les animaux et les écosystèmes entiers qui en dépendent.

“Les insectes pollinisateurs sont déjà confrontés à un déclin alarmant dû à des facteurs de stress externes. L’ajout de biotechnologies génétiques dangereuses et non évaluées à ce mélange fatal aggravera le stress des pollinisateurs et pourrait précipiter leur extinction”, indique la déclaration.

Les négociations des Nations unies à Montréal ont pour but de définir un plan ambitieux sur la manière dont les gens pourront vivre “en harmonie avec la nature” au cours des prochaines décennies, alors que les scientifiques préviennent qu’un million d’espèces sont menacées d’extinction.

L’un des objectifs soumis à la négociation porte spécifiquement sur les risques potentiels de la biotechnologie génétique et la décision sur ce point pourrait conduire soit à une réglementation plus stricte, soit à faciliter leur utilisation.

– L’éradication par le génie génétique –

Contrairement aux organismes génétiquement modifiés (OGM), qui introduisent un gène extérieur dans une plante ou un animal, les nouvelles techniques d’édition de gènes modifient directement le génome d’un être vivant, sans ajout d’éléments extérieurs.

Un exemple est la technologie dite du “gene drive”, qui utilise des outils tels que CRISPR-Cas9 – des “ciseaux” à couper l’ADN qui peuvent insérer, supprimer ou modifier des gènes.

Cela peut pousser un caractère modifié à être transmis à une plus grande proportion de descendants que ce qui se serait produit naturellement, sur plusieurs générations.

Un projet phare, financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, a développé cette technologie pour tenter d’éradiquer le paludisme.

En 2018, des chercheurs ont pu anéantir en laboratoire une population entière de moustiques porteurs du paludisme en utilisant un outil d’édition de gènes pour programmer leur extinction.

La lettre de Pollinis indique que des entreprises ont déposé des demandes de brevet décrivant l’utilisation de la technologie d’entraînement génétique pour cibler des “centaines” de parasites agricoles.

Un autre type de biotechnologie utilise le “silencieux génétique” pour inhiber certaines expressions génétiques chez les animaux ou les plantes.

Il serait ainsi possible de lutter contre des parasites des cultures tels que le doryphore, qui décime les cultures de pommes de terre, ou les mouches des fruits.

Certaines de ces biotechnologies ont déjà été approuvées pour être utilisées dans différentes parties du monde, indique le communiqué de Pollinis, qui demande que la question soit “traitée d’urgence au niveau international”.

– Dans la nature ? –

Les défenseurs de ces biotechnologies demandent l’autorisation de sortir ces expériences du laboratoire et de procéder à des essais en plein champ.

En Europe, le maïs MON810 de Monsanto, résistant aux insectes, est le seul OGM dont la culture est autorisée.

Mais les produits biotechnologiques bénéficient d’un cadre beaucoup plus souple aux États-Unis, au Canada, en Argentine, au Brésil, au Japon et en Inde, entre autres.

Christophe Robaglia, professeur de biologie à l’université d’Aix-Marseille et expert en OGM auprès de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a déclaré que la réglementation de l’UE sur ces biotechnologies était largement “obsolète”.

En ce qui concerne l’utilisation sur les plantes, il a déclaré que l’utilisation de certaines de ces techniques dites de nouvelle sélection pourrait les “améliorer”, en les rendant résistantes aux virus ou aux herbicides ou en les rendant plus tolérantes à la sécheresse.

En septembre 2021, une réunion de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a adopté une motion notant l’importance particulière du “principe de précaution” avec la biologie de synthèse.

La déclaration de Pollinis s’inquiète surtout de l’utilisation de ces techniques sur des insectes qui ne sont pas limités à une seule zone.

Elle s’inquiète notamment du “transfert de gènes” entre espèces.

Il s’agit du risque que les modifications apportées aux nuisibles puissent potentiellement contaminer le génome d’espèces non ciblées, déstabilisant ainsi une cascade d’autres espèces.

Lire aussi : L’ajout d’engrais aux fleurs les rend répulsives pour les abeilles de passage

Source : Yahoo – Traduit par Anguille sous roche


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1 réponse

  1. rené dit :

    “nuisible” est un concept arbitraire, inventé par l’homme. ça n’existe pas dans la réalité d’un écosystème.

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