Les planètes orphelines pourraient être plus nombreuses que les étoiles dans notre galaxie


Notre galaxie fourmille de planètes errantes (orphelines, libres, vagabondes…), qui ont été soit séparées de leurs étoiles mères par des conditions chaotiques, soit nées séparément d’une étoile.

Ces planètes orphelines pourraient être découvertes en masse par un projet de la NASA en cours de réalisation : le télescope spatial Nancy-Grace-Roman.

Image d’entête : une représentation artistique d’une planète libre de toute attraction et de la masse de Jupiter, flottant dans l’espace. (NASA)

La Voie lactée abrite une multitude d’objets solitaires à la dérive, des orphelins galactiques, d’une masse similaire à celle d’une planète, séparés de leur étoile mère. Ces planètes nomades dérivent librement à travers les galaxies, défiant ainsi l’image communément acceptée de planètes en orbite autour d’une étoile. Selon une nouvelle étude (lien plus bas), les « planètes errantes » pourraient, en fait, être plus nombreuses que les étoiles dans notre galaxie.

Jusqu’à présent, rares sont les planètes orphelines à avoir été repérées par les astronomes, mais les simulations des chercheurs suggèrent qu’avec le lancement prochain du télescope spatial Nancy-Grace-Roman de la NASA au milieu des années 20, cette situation pourrait changer. Peut-être, de façon radicale.

télescope

Représentation artistique du télescope Roman Nancy Grace. (NASA)

Selon l’auteur principal de l’étude, Samson Johnson, astronome à l’université d’État de l’Ohio (Etats-Unis) :

Nous avons effectué des simulations de la prochaine enquête sur les exoplanètes galactiques du télescope spatial roman Nancy Grace afin de déterminer sa sensibilité aux événements de microlentilles (microlentille gravitationnelle) causés par les planètes errantes. Roman est capable de détecter les micro-lentilles de n’importe quel type de « lentille », qu’il s’agisse d’une étoile ou de quelque chose d’autre, car il a un grand champ de vision et une cadence d’observation élevée.

Les simulations de l’équipe ont montré que Roman pouvait repérer des centaines de ces mystérieuses planètes errantes, aidant ainsi les chercheurs à identifier comment elles en sont venues à errer seules dans la galaxie et indiquant l’importance de cette population dans l’Univers au sens large.

Jusqu’à présent, beaucoup de mystère entoure le processus qui voit ces planètes libérées de leur orbite autour d’une étoile. Les deux principales théories concurrentes suggèrent que ces étoiles sont soit libérées de leur étoile, soit qu’elles se forment de manière isolée. Chaque processus conduirait vraisemblablement à la formation de planètes errantes aux qualités radicalement différentes.

Toujours selon Johnson :

La première idée suggère que les planètes errantes se forment comme les planètes du système solaire, se condensant à partir du disque protoplanétaire qui accompagne les étoiles à leur naissance. Mais comme l’évolution des systèmes planétaires peut être chaotique et désordonnée, des membres peuvent être éjectés du système, ce qui conduit très probablement à des planètes errantes ayant une masse similaire à celle de Mars ou de la Terre.

Johnson poursuit en proposant une méthode alternative pour la formation des planètes errantes qui les ferait se former de manière isolée, comme les étoiles qui se forment à partir de nuages de gaz géants qui s’effondrent.

Selon le coauteur Scott Gaudi, professeur d’astronomie et éminent universitaire de l’État de l’Ohio :

Ce processus de formation produirait probablement des objets avec des masses similaires à celles de Jupiter, environ quelques centaines de fois celles de la Terre. Cela ne peut probablement pas produire des planètes de très faible masse, similaire à la masse de la Terre. Celles-ci se sont presque certainement formées par le biais du premier processus. L’univers pourrait fourmiller de planètes errantes et nous ne le saurions même pas.

La question est de savoir pourquoi, si ces objets sont si communs, en avons-nous repéré si peu ? La difficulté de détecter les planètes errantes est qu’elles n’émettent pratiquement pas de lumière. Comme la détection de la lumière d’un objet est le principal outil utilisé par les astronomes pour les trouver, les planètes errantes furent insaisissables.

Les astronomes peuvent utiliser une méthode appelée microlentille gravitationnelle pour repérer les planètes errantes, mais cette méthode n’est pas sans difficulté, car ces phénomènes sont à la fois imprévisibles et extrêmement rares, et il faut donc surveiller des centaines de millions d’étoiles presque continuellement pour les détecter. Il faut pour cela observer des champs stellaires très denses, comme ceux qui se trouvent près du centre de notre galaxie. Cela nécessite également un champ de vision relativement large.

De plus, comme le centre de la Voie lactée est très obscurci, il faut l’observer dans la région du proche infrarouge du spectre électromagnétique, une tâche extrêmement difficile, car l’atmosphère terrestre rend le ciel extrêmement lumineux dans le proche infrarouge.

Donc, pour Gaudi :

Tous ces points plaident en faveur d’un télescope spatial à haute résolution angulaire, à grand champ et dans le proche infrarouge. C’est là que Roman, anciennement le Wide Field InfraRed Survey Telescope (WFIRST), entre en jeu.

Le télescope Roman, nommé d’après Nancy Grace Roman, première astronome en chef de la NASA, qui a ouvert la voie aux télescopes spatiaux axés sur l’univers au sens large, sera lancé au milieu des années 20. Il est destiné à devenir le premier télescope qui tentera de recenser les planètes errantes, en se concentrant sur celles situées dans la Voie lactée, entre notre soleil et le centre de notre galaxie, couvrant ainsi quelque 24 000 années-lumière.

L’étude de l’équipe a consisté en des simulations créées pour découvrir à quel point le télescope roman pouvait être sensible aux phénomènes de microlentilles qui indiquent la présence de planètes errantes. L’équipe a ainsi découvert que le télescope spatial de la prochaine génération était 10 fois plus sensible que les télescopes terrestres actuels. Cette différence de sensibilité fut une surprise pour les chercheurs eux-mêmes.

Le phénomène que Roman va exploiter pour faire ses observations, la lentille gravitationnelle, découle d’une prédiction faite dans la théorie de la relativité générale d’Einstein, qui suggère que les objets massifs « déforment » le tissu de l’espace qui les entoure. L’analogie la plus courante utilisée pour expliquer ce phénomène est celle des « creux » engendrés dans une toile tendue en y plaçant des objets de masse variable. Plus l’objet est lourd, donc plus sa masse est importante, plus le creux sera grand.

Cette déformation de l’espace n’est pas seulement responsable des orbites des planètes, elle courbe également les trajectoires des rayons lumineux, les trajectoires droites s’incurvant lorsqu’elles passent devant les « creux/ bosses » dans l’espace. Cela signifie que la lumière provenant d’une source en arrière-plan est courbée par l’effet de la masse d’un objet au premier plan. Cet effet a récemment été utilisé pour repérer une lointaine jumelle de la Voie lactée. Mais dans ce cas, et dans le cas de nombreux phénomènes de lentille gravitationnelle, l’objet intermédiaire était une galaxie, et non une planète rebelle, et donc un effet beaucoup moins subtil, plus durable et donc moins difficile à détecter que la « microlentille » causée par une planète errante.

Selon Gaudi :

Essentiellement, un événement de microlentille se produit lorsqu’un objet au premier plan, dans ce cas, une planète errante, s’aligne très étroitement avec une étoile à l’arrière-plan. La gravité de l’objet de premier plan focalise la lumière de l’étoile d’arrière-plan, ce qui provoque son grossissement. Celui-ci augmente lorsque l’objet au premier plan s’aligne avec l’étoile de l’arrière-plan, puis diminue lorsque l’objet au premier plan s’éloigne de l’étoile de l’arrière-plan.

Comme le souligne Johnson, la microlentille est un moyen important et passionnant d’étudier les exoplanètes, c’est-à-dire les planètes situées en dehors du système solaire, mais lorsqu’elle est couplée à Roman, elle devient la clé pour repérer les planètes orphelines.

L’étude publiée dans The Astronomical Journal : Predictions of the Nancy Grace Roman Space Telescope Galactic Exoplanet Survey. II. Free-floating Planet Detection Rates et présentée sur le site de l’université d’État de l’Ohio : Rogue planets could outnumber the stars et sur le site de la NASA : Unveiling Rogue Planets With NASA’s Roman Space Telescope.

Lire aussi : Les astronomes pensent qu’ils viennent de trouver le bord de la galaxie de la Voie lactée

Source : GuruMeditation


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