Facebook dispose d’un portail spécial permettant aux autorités gouvernementales de demander que le contenu des utilisateurs soit limité ou supprimé


En cas de désinformation vaguement définie.

Un rapport publié lundi a révélé que les représentants du gouvernement américain et des forces de l’ordre sont en mesure de demander la censure de publications Facebook en utilisant un portail spécial. Le portail, jusqu’alors inconnu, permet aux fonctionnaires ayant une adresse électronique .gov ou d’application de la loi de demander la censure au nom de la lutte contre la “désinformation”. Le rapport note que les contenus sur les origines de la pandémie de Covid-19, la justice raciale et le soutien des États-Unis à l’Ukraine ont été ciblés. Le lien du portail est toujours actif malgré les critiques dont Facebook et le gouvernement américain font l’objet.

En mai, le ministère américain de la Sécurité intérieure (DHS) avait annoncé la création d’un conseil de gouvernance de la désinformation chargé d’élaborer des lignes directrices, des normes et des garde-fous afin de garantir que le travail en cours depuis près de dix ans ne porte pas atteinte à la liberté d’expression, au droit à la vie privée, aux droits civils et aux libertés civiles. Mais alors que le DHS a mis fin au projet après une opposition bipartisane dénonçant la censure potentielle, une analyse de documents publics et de documents ayant fait l’objet de fuites a révélé que les efforts de censure du gouvernement américain se sont poursuivis en cachette.

Le rapport, publié lundi par le média d’investigation The Intercept, révèle que les entreprises de médias sociaux collaborent à cette initiative. Il révèle l’existence d’un portail spécial hébergé par Facebook permettant aux responsables gouvernementaux de signaler les cas de désinformation. Une série de diapositives ayant fait l’objet d’une fuite contient des instructions sur le fonctionnement du système. Le DHS aurait ciblé des informations qu’elle jugeait “inexactes” sur les origines de la pandémie de Covid-19 et l’efficacité des vaccins contre le virus, la justice raciale, le retrait des États-Unis d’Afghanistan et la nature du soutien américain à l’Ukraine.

Cependant, la façon dont le DHS détermine ce qui constitue la désinformation – qu’il définit comme “une fausse information délibérément diffusée dans l’intention de tromper ou d’induire en erreur” – reste floue et subjective, ce qui donne aux responsables gouvernementaux une grande marge de manœuvre pour classer les discours comme dangereux ou faux. Selon le rapport, un responsable du DHS a déclaré à un représentant de Microsoft en février que les plateformes ne devraient pas hésiter à travailler avec le gouvernement : « les plateformes doivent se sentir à l’aise avec le gouvernement. C’est curieux de voir à quel point elles sont hésitantes ».

Le conseil sur la désinformation aurait été annoncé peu après que le milliardaire Elon Musk a conclu un premier accord pour racheter Twitter, ce qui a renforcé les soupçons selon lesquels l’administration l’utiliserait comme une arme contre la liberté d’expression. Musk estime vouloir mettre en œuvre des réformes en faveur de la liberté d’expression et de la lutte contre la censure. Autre fait important, le rapport révélant l’existence du portail spécial a été publié le lundi 31 octobre 2022, quelques jours seulement après que Musk a officiellement pris le contrôle de Twitter et licencié des cadres supérieurs accusés de censure politiquement biaisée.

Les détracteurs du DHS ont déclaré que sa mission allait à l’encontre de l’esprit du premier amendement, qui protège les citoyens contre les actions gouvernementales visant à restreindre la liberté d’expression. Le sénateur Bill Hagerty (R-Tenn.) et d’autres critiques estiment que le conseil est illégal, en invoquant l’Antideficiency Act. Cette loi stipule que l’exécutif ne peut pas dépenser de l’argent sans l’autorisation du Congrès, et les règles du “Congressional Review Act” pour les nouvelles mesures réglementaires. Ironiquement, la soi-disant experte en désinformation Nina Jankowicz était censée diriger le comité de censure du DHS.

La coopération de Facebook avec les agences fédérales fait depuis longtemps l’objet de critiques bipartites, notamment sur le partage de données d’utilisateurs sur des personnes accusées d’avoir cherché à se faire avorter dans un État où cela n’était pas légal, et la fourniture de données personnelles en réponse à de fausses demandes légales. Le PDG Mark Zuckerberg a lui-même confirmé dans une interview que la plateforme a coopéré avec le FBI pour supprimer les informations sur l’ordinateur portable de Hunter Biden, en disant que cela “correspondait au modèle” de messages que la plateforme avait été invitée à surveiller.

« Le contexte est que le FBI est venu nous voir – certains membres de notre équipe – et nous a dit : ‘hé, pour votre information, vous devriez être en alerte, il y a eu beaucoup de propagande russe lors de l’élection de 2016’ », a déclaré Zuckerberg lors de l’interview. Selon le rapport, l’un des documents ayant fait l’objet de fuite souligne que la lutte contre le terrorisme est l’objectif principal du ministère américain de la Sécurité intérieure. Toutefois, le DHS estime que “la désinformation et les fausses informations diffusées en ligne” peuvent exacerber les menaces terroristes des “extrémistes violents nationaux”.

Le document révèle que le DHS prévoit d’utiliser des logiciels d’analyse avancés et d’engager des experts “pour mieux comprendre comment les acteurs de la menace utilisent les plateformes en ligne pour introduire et diffuser des récits toxiques destinés à inspirer ou à inciter à la violence”. Lee DHS a défini l’“infrastructure critique” menacée par les terroristes nationaux pour englober la confiance dans le gouvernement, la santé publique et la sécurité des élections. Les agences relevant du DHS (Customs and Border Protection, Immigration and Customs Enforcement, etc.) auraient toutes des directives pour lutter contre la désinformation en ligne.

Les groupes de défense des droits de l’homme, ainsi que plusieurs experts, ont vivement critiqué le DHS et Facebook après la publication du rapport. « Quelles que soient vos allégeances politiques, nous avons tous de bonnes raisons de nous inquiéter des efforts du gouvernement pour faire pression sur les plateformes privées de médias sociaux afin qu’elles prennent les décisions préférées du gouvernement concernant le contenu que nous pouvons voir en ligne », a déclaré Adam Goldstein, vice-président de la recherche à la Fondation pour les droits individuels et l’expression. Meta et le DHS n’ont pas commenté le rapport.

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Sources : DeveloppezLe portail spécial de Facebook, The Intercept


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