L’ADN déposé par des organismes des profondeurs marines révèle un abîme sombre où grouillent de minuscules formes de vie


En balayant le fond des océans à des centaines d’endroits dans le monde, des chercheurs ont révélé une étonnante diversité de vie microscopique qui prospère dans les parties les plus profondes et les plus sombres de notre planète.

Plancton nageant dans la mer.

Les sédiments recueillis à chaque endroit ont été analysés pour y déceler la présence d’ADN environnemental (ADNe), que les animaux marins perdent au fil de leur vie. Si les créatures marines se débarrassent d’une partie de cet ADNe, ce matériel contient également des traces de microbes et d’autres animaux minuscules qui constituent l’écosystème obscur du fond du monde.

Les chercheurs ont comparé les résultats à d’autres ensembles de données ADN existants sur le plancton, collectés dans les couches supérieures de l’océan, pour s’assurer qu’ils n’identifiaient que les créatures des profondeurs.

Au final, les chercheurs ont constaté que la plupart des organismes eucaryotes vivant au fond des océans sont inconnus de la science moderne. De plus, il semble que les abysses de l’océan abritent une diversité de vie microbienne au moins trois fois supérieure à celle des eaux supérieures.

C’est la première fois que des scientifiques rassemblent un ensemble cohérent de données moléculaires sur le royaume des océans à une échelle aussi globale et, bien que la méta-analyse ne soit pas exhaustive, c’est un début impressionnant.

“Nous avons comparé nos séquences d’ADN benthique des grands fonds à toutes les séquences de référence disponibles pour les eucaryotes connus”, explique le généticien Jan Pawlowski de l’Université de Genève en Suisse.

“Nos données indiquent que près de deux tiers[s] de cette diversité benthique ne peuvent être attribués à aucun groupe connu, révélant une lacune majeure dans notre connaissance de la biodiversité marine.”

Les sédiments de l’océan profond couvrent plus de la moitié de la surface de notre planète, mais l’immensité de cet habitat – sans parler de sa difficulté d’accès – signifie que nous n’avons pratiquement aucune idée de ce qui s’y passe.

Ces dernières années, des véhicules télécommandés nous ont permis d’explorer une infime partie des eaux profondes. Pourtant, même ces brefs contacts avec la communauté benthique nous ont fait découvrir un tout nouveau monde.

Ainsi, même si le fond de l’océan semble isolé, il suffit de peu de choses pour faire sortir une énorme abondance de vie de l’obscurité.

L’analyse actuelle a porté principalement sur les organismes de petite taille, comme les diatomées et les dinoflagellés, et sur les animaux minuscules, comme les vers et les petits mollusques. La diversité du plancton trouvé correspond à d’autres éléments suggérant que les grands fonds abritent également une diversité d’animaux de plus grande taille.

Cependant, les plus petites créatures sont souvent la colle qui maintient la cohésion des réseaux alimentaires. Elles sont également des régulateurs essentiels du climat mondial, contribuant à enfouir le carbone dans les profondeurs de l’océan.

“Ces assemblages de sédiments en eaux profondes comprennent non seulement des taxons connus pour être des moteurs importants de la pompe à carbone biologique, mais aussi plusieurs groupes taxonomiques et fonctionnels qui ont été négligés dans ce qui est sans doute l’un des processus écologiques les plus fondamentaux de l’océan mondial”, écrivent les auteurs.

“Ensemble, nos résultats montrent que les [sédiments des grands fonds] constituent l’un des écosystèmes modernes et l’une des archives fossiles les plus riches de la Terre.”

Des preuves récentes, par exemple, ont révélé que le plancton des profondeurs peut être préservé dans les sédiments juste sous le plancher océanique. Il n’est donc pas exclu que nous puissions comparer les formes de vie benthiques d’aujourd’hui à celles d’un passé lointain, afin de voir comment ces communautés d’eau profonde se débrouillent dans un monde en mutation rapide.

Compte tenu de la quantité de vie en jeu, les auteurs appellent à poursuivre l’exploration des fonds marins pour mieux comprendre et protéger ces écosystèmes profonds. C’est d’autant plus important que l’exploitation commerciale des fonds marins est sur le point d’être lancée dans les prochaines années, malgré les avertissements répétés des spécialistes des sciences de la mer selon lesquels nous devons d’abord procéder à des évaluations approfondies des risques écologiques.

“Avec près de 1 700 échantillons et 2 milliards de séquences d’ADN de la surface au fond des océans, la génomique environnementale à haut débit accroît considérablement notre capacité à étudier et à comprendre la biodiversité des grands fonds, ses liens avec les masses d’eau supérieures et le cycle mondial du carbone”, explique Tristan Cordier, du Centre de recherche norvégien et du Centre Bjerknes pour la recherche sur le climat.

Plus nous en apprenons sur les profondeurs de l’océan, plus cet habitat semble mériter d’être protégé.

L’étude a été publiée dans Science Advances.

Lire aussi : Les scientifiques ont un aperçu fascinant d’une méduse fantôme géante super rare

Source : ScienceAlert – Traduit par Anguille sous roche


Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *