Pourquoi cet élément constitutif crucial des protéines disparaît-il du sol de la Terre ?

“Nous avons décidé qu’il était temps de rassembler tous ces éléments de preuve.”

Des bovins broutent un pâturage.

L’azote – le septième élément du tableau périodique – est un ingrédient essentiel pour de nombreux processus biologiques fondamentaux. C’est pourquoi le fait que l’azote soit de moins en moins disponible dans les écosystèmes du monde entier est une grande nouvelle.

Dans une analyse inédite, un groupe de chercheurs aux spécialités très diverses a analysé plus d’un siècle de données pour parvenir à cette conclusion étonnante. Leurs résultats ont été publiés jeudi dans la revue à comité de lecture Science.

“Il y a un déclin à assez grande échelle de la disponibilité de l’azote qui semble avoir commencé vers le début du XXe siècle et qui semble se poursuivre”, explique à IE Rachel Mason, chercheuse en environnement et coauteure du nouvel article.

De nombreux facteurs – des incendies de forêt au changement climatique en passant par l’agriculture industrialisée – sont à l’origine de ce changement. Selon Mme Mason, ces résultats soulignent la complexité du cycle de l’azote et du système terrestre dans son ensemble.

“Le système terrestre est compliqué, et nous le touchons de tellement de façons différentes”, dit-elle.

Plusieurs mécanismes sont à l’origine de ce changement

La plupart des préoccupations environnementales concernant l’azote ont porté sur une surabondance de cet élément, et non sur un manque. “Avant de m’impliquer dans ces travaux, j’aurais simplement pensé, oui, l’azote est un problème parce qu’il y en a trop”, dit Mason. “C’est absolument vrai si vous parlez des zones agricoles et des lacs et océans en aval de [celles-ci].” Dans le golfe du Mexique, par exemple, l’excès d’engrais provoque des proliférations d’algues qui créent des “zones mortes” à la biodiversité très limitée.

Mais sur terre, il existe une toute autre série de problèmes qui drainent l’azote accessible bien plus rapidement qu’il ne peut être remplacé.

Le pâturage intensif du bétail en est un exemple. “Nous exportons du bétail plein de protéines hors des prairies”, explique M. Mason. Tout comme les régions agricoles de Californie exportent une quantité incroyable d’eau sous forme de produits, les États dotés d’une importante industrie bovine finissent par exporter une grande partie de l’azote de leur sol sous forme de viande. “Dans une molécule de protéine, un atome sur six est de l’azote”, explique M. Mason.

Les incendies de forêt sont un autre facteur. “Vous pouvez perdre beaucoup d’azote pendant les incendies, qui semblent devenir plus fréquents et plus intenses dans certaines régions”, explique M. Mason. Le changement climatique a également une incidence sur la quantité d’azote qui est réintroduite dans le sol par des processus naturels. “Les changements de température et la durée de la saison de croissance, les microclimats locaux et les cycles de gel et de dégel ont des effets sur les processus microbiens et végétaux qui fixent l’azote”, explique-t-elle.

L’augmentation des concentrations de carbone dans l’atmosphère peut également jouer un rôle. Le CO2 supplémentaire “peut entraîner l’immobilisation de l’azote dans la matière organique d’une manière qui le rend indisponible pour les [autres] plantes”, explique Mme Mason.

Le manque d’azote devient un problème grave

L’azote, tout comme l’oxygène, le carbone, l’hydrogène, le phosphore et le soufre, est nécessaire à la vie. Par exemple, c’est un élément indispensable de la photosynthèse. “Il faut de l’azote pour produire de la chlorophylle”, explique M. Mason. C’est également un élément fondamental des protéines.

“La diminution de la disponibilité de l’azote se traduit essentiellement par la disponibilité des protéines végétales pour les insectes herbivores et les mammifères herbivores. [Elle peut avoir des effets sur la croissance et la reproduction de ces créatures”, poursuit M. Mason.

Il est difficile de déterminer dans quelle mesure la baisse des niveaux d’azote disponible a affecté la productivité du bétail, car les éleveurs modifient constamment la génétique du bétail pour produire davantage, “mais à un moment donné… on peut finir par constater qu’ils ne tirent plus autant de nourriture de leur bétail qu’auparavant”, explique M. Mason.

La baisse des niveaux d’azote est certainement coûteuse pour les éleveurs. Selon une estimation, les éleveurs ont investi des milliards de dollars dans des aliments supplémentaires pour compenser la perte de protéines. Il y a également des raisons de penser que les insectes souffrent de la modification de ces écosystèmes.

“Il est tout à fait logique que la diminution de la disponibilité de l’azote soit l’un des moteurs de ce que l’on appelle l’apocalypse des insectes. Les insectes sont si importants pour les écosystèmes que nous ne voulons pas qu’ils disparaissent tous”, explique-t-elle.

Comprendre le cycle de l’azote est compliqué

Selon Mme Mason, il est difficile de savoir ce que cette baisse des niveaux d’azote signifie pour l’avenir.

“Il est très difficile de prédire ces effets, car tout interagit avec tout le reste”, explique-t-elle. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il ne s’agit pas de savoir s’il y a trop ou trop peu d’azote.

“Nous exerçons une pression sur les systèmes terrestres de tellement de façons différentes que nous allons nous retrouver avec un ensemble de problèmes vraiment compliqués et parfois contre-intuitifs [qui] peuvent sembler complètement différents d’un endroit à l’autre”, dit-elle.

“Nous aimerions que cela favorise une meilleure reconnaissance de la complexité du système terrestre”, ajoute-t-elle.

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Source : Interesting Engineering – Traduit par Anguille sous roche